Les cloches de Clerlande.

La porte d'entrée de Clerlande, Moine: Père Grégoire Maertens

« Alléluia !... Gloire à Dieu, au plus haut des Cieux ! Alléluia ! » Seuls les enfants les avaient vu partir au soir du Jeudi Saint pour rejoindre le grand rassemblement annuel des cloches de toutes les paroisses, monastères et couvents du monde à Rome à l'occasion de la fête de Pâques. Le Pape les bénirait, les confirmerait dans leur mission de messagères et les renverrait ensuite chez elles. « Allez dans le monde entier proclamer la Bonne Nouvelle : Christ est ressuscité ! Christ est vivant ! ». Peu avant l'aube du matin de Pâques elles étaient revenues, fidèles à leur mission et chantant sur tous les toits et sur tons les tons : « Alléluia ! Venez, rassemblez-vous, célébrez et chantez ! »

Bien que l'explication soit quelque peu enfantine, elle contient cependant l'essentiel du rôle et de l'importance des cloches et des clochers dans le paysage de nos régions. Une cloche d'église n'est pas une horloge parlante, même si un cadran y marque accessoirement l'heure exacte comme se contente de le faire Big Ben à Londres. La cloche paroissiale invite et convoque, c'est-à-dire qu'elle rassemble par la voix - ecclesia en grec : faire Église. Elle annonce à qui veut l'entendre, qu'une célébration liturgique se prépare : eucharistie, baptême, profession de foi, mariage, funérailles. « Venez à moi, vous tous qui ployez et peinez ! » La cloche est une porte-parole officielle de Dieu qui invite : « Vox Dei ». C'est pour pouvoir assurer dignement cette mission liturgique, que les cloches sont baptisées selon le même rituel que tous les enfants du Seigneur, rituel qui comprend l'eau baptismale, la robe blanche, la remise du nom, l'assistance de marraine ou de parrain et même l'onction avec le Saint Chrême, l'huile sainte consacrée par l'évêque le Jeudi Saint. Le baptême d'une cloche. Chez nous, nos cloches n'ont reçu ni nom, ni parrain ou marraine : c'est dommage.

Au dessus de l'entrée de Clerlande, le campanile
Les cloches de nos campagnes, angelus

En ville, on n'entend plus la voix des cloches, elle est étouffée et remplacée par le bruit de fond incessant de la circulation et le cri striant des sirènes de la police, des ambulances, des pompiers et autres alarmes : c'est un signe de plus du caractère laïc de notre société. Dans les campagnes, de plus en plus elles se taisent se demandant pour qui ou pourquoi encore sonner ? Fort heureusement cloches de ville et cloches des champs se retrouvent parfois pour chanter ensemble lors d'une fête ou d'un événement civil ou national.

Chez nous à Clerlande, vie liturgique et vie communautaire s'entremêlent : d'où la place importante de la voix de la cloche et le souci particulier de Saint Benoît : « La charge d'annoncer l'heure de l'œuvre de Dieu, aussi bien de jour que de nuit, incombe à l'Abbé : il l'exercera lui-même où la confiera à un frère si ponctuel que l'office se fasse toujours à l'heure prescrite. » (R.B.46) et « Tous les objets du monastère seront considérés comme des vases sacrés de l'autel. » (R.B31.) Le manque d'une voix qui convoque et rassemble, tant pour les offices et les célébrations à la chapelle que pour les repas et autres réunions de communauté, se faisait de plus en plus sentir. La réponse à ce besoin finit par se trouvér un dimanche soir, au cours de la réunion de communauté en septembre 1984 « Si au moins nous avions une cloche ! » La réponse à ce besoin se fera par étapes successives.

Nous voulons des cloches !
 

Première étape.

Le musée de la cloche à Telin

Une chapelle provisoire, construite à Beersel (Brabant Flamand), vers 1945, étant devenue superflue, la désacralisation en fut décidée par l'archevêché de Malines à condition toutefois de se défaire de tout signe religieux distinctif. Clerlande a eu l'occasion d'en acquérir la petite cloche et Jean Cosse lui dessina un petit campanile.

Dépendue après 4 ans, elle rejoindra le Musée de la Cloche à Tellin en Ardennes comme étant une rareté de l'immédiat après-guerre.
Ce musée n'existe malheureusement plus aujourd'hui.

Elle avait été coulée en 1945 par la firme Tastenhove de Leeuw-S.Pierre ; diamètre 43cm.
Elle n'était pas très belle et avait la voix rauque.
Elle avait le grand mérite d'être là et d'affirmer qu'une cloche avait sa raison d'y être.

 

Deuxième étape.

La nouvelle église de Dongelberg

Elle se passe à Dongelberg (Jodoigne). Au cours de très nombreuses visites et rencontres au sujet du remplacement de l'église devenue trop grande, instable et dangereuse, par une nouvelle construction, une cloche est sortie de sa cachette derrière des débris sous un appentis de l'école primaire voisine. Personne n'en connaissait l'origine ni le propriétaire.

Elle nous fut remise au titre de « Pour services rendus » et règlera notre vie à Clerlande jusqu'en septembre 1994.

Après quoi elle ira rejoindre notre fondation, le monastère de Mambré à Kinshasa RDC.

Fondeur : Sevrinus Van Aarschot, Louvain vers 1830. Transférée à Clerlande en 1988. Pas d'indication de paroisse ni de famille donatrice. En effigie : un soldat romain (?) et une dame en habits moyenâgeux.
Ton : Fa-dièse. Diamètre : 55 cm. Poids : 95km.

 

Troisième étape.

La cloche de Dinant à Clerlande

Elle nous arrive des hauteurs de la rive gauche de la Meuse à Dinant en septembre 1994 : les Sœurs dominicaines quittent leur monastère pour se replier à Éghezée. Là encore, en guise de remerciements pour service rendus, les Sœurs nous cèdent la cloche du couvent qu'elles quittent, couvent dont la tante de notre frère Léopold Buisseret a longtemps été la supérieure.

Le fondeur de cette cloche est égalent un membre de la famille Van Aarschot de Louvain.

Elle pèse un peu plus de 100kg et est de tonalité Fa-naturel.

De tonalité trop proche, les deux cloches ne peuvent pas sonner ensemble : il faut choisir.

Le choix se porte sur celle qui nous vient de Dinant, et celle venant de Dongelberg ira nous représenter à Mambré.

La cloche de Dinant

Quatrième étape.

La cloche supérieure

En haut de son campanile, la cloche, venue de Dinant, se sent seule : elle veut une petite sœur.

La nouvelle cloche, placée en haut du campanile, est sans histoire.
Le rêve est devenu possible grâce au don.

Faite sur mesure, fondue pour Clerlande, elle répond au sol-dièse ;
elle pèse environ 80 kg pour un diamètre de 49cm.

Au nom du Seigneur.

Sonnez, chantez, jouez.

Rassemblez :

« Afin qu'en toutes choses,
Dieu soit glorifié !
»
(R.B. 57)


Sur la vidéo :
Les frères Hugo et Marco
sonnant les cloches.
Mars 2022.

La petite cloche. ←→ La grosse cloche.

Une autre vidéo sympa est disponible au bas de la page La chapelle de Clerlande.

Yves Leclef, 2022, à partir de notes du 16.06.1990