Agenda du monastère

Pierre de Béthune

Le mot du mois

Le projet de ‘Cimes et Racines' puise son inspiration dans tout ce que l'écospiritualité a déjà réalisé, et ses promoteurs sont décidés à encore développer ce mouvement à Clerlande. Une de leurs sources est l'encyclique Laudato sì' du pape François, dont le nom évoque saint François d'Assise. Mais saint Benoît, dont nous suivons la Règle à Clerlande, nous offre, lui aussi, de précieux conseils pour vivre dans un rapport plus juste avec notre environnement. La vie monastique est portée fondamentalement par la louange de Dieu, Seigneur de l'univers, et la gratitude. La devise que les Bénédictins se sont donnée, issue de la Règle (RB 57,8), est : « Qu'en tout Dieu soit glorifié »

Les pratiques bénédictines traditionnelles constituent de vigoureuses racines pour développer un style de vie qui répond aux nouvelles exigences de notre ‘maison commune'. L'humilité est la démarche spirituelle centrale dans la Règle de saint Benoît. Il faut être humble pour pouvoir admirer la création, respecter son rythme et pleinement recevoir les leçons de sagesse qu'elle nous donne. Et on se rappelle que le mot ‘humilité' est lié à celui d'humus, la glaise dont nous sommes façonnés. Il importe de toujours nous souvenir que nous sommes de la terre, « notre mère la terre » comme disait saint François, et que nous en sommes responsables.

Pour saint Benoît, cette humilité se vit concrètement dans l'obéissance. Et celle-ci est d'abord obéissance au réel. Elle nous invite à ne pas nous esquiver, mais à voir objectivement notre situation personnelle, et aussi, plus largement, la situation de notre monde, pour pouvoir obéir, si nécessaire, aux exigences nouvelles.

On pourrait encore énumérer d'autres caractéristiques de la Règle bénédictine : la vie communautaire avec le partage des biens, le travail manuel, l'hospitalité, l'exigence de durer dans la patience. Je rappelle seulement l'exigence de respect, tant pour les personnes que pour les objets : « Si quelqu'un traite les objets du monastère avec malpropreté ou négligence, il sera réprimandé... » (RB 32, 4). La tradition orale précise que même les objets usés doivent être respectés. Il ne faut pas tomber dans la culture du toujours neuf, l'autre face de la culture du déchet.

Par ailleurs, la Règle insiste souvent sur la nécessité de savoir se contenter de ce qui est donné. « Les moines ne se mettront pas en peine de la couleur ou de la grossièreté de ces divers objets. Ils se contenteront de ce qu'on pourra trouver au pays qu'ils habitent ou se procurer à meilleur marché. » (55,7) Pour la nourriture et le vêtement, Benoît précise au moins dix fois ce qu'« il suffit » d'avoir, et qu'il faut s'en contenter, -notamment : « Même si la pauvreté du lieu est telle qu'on ne puisse pas se procurer cette mesure de vin, mais beaucoup moins ou rien du tout, ceux qui y demeurent béniront Dieu. » (40,8)

On le voit, en mêlant ses racines aux racines bénédictines, le projet Cimes et Racines pourrait trouver une vitalité de surcroît pour encore mieux répondre aux appels de notre terre en souffrance.

01 / 11 / 2024 - Extrait du dernier Clerlande infos