Homélie du 4 juin 2017

Des fleuves d'eau vive couleront

Pentecôte - Année A

Une homélie de fr. Martin Neyt

Nous avons suivi Jésus sur les routes de Palestine, nous l'avons accompagné durant sa Passion,? sa mort et sa résurrection. Cinquante jours nous ont été donné pour entrer dans ce grand mystère pascal de la résurrection, de l'espérance, de l'amour surpassant la mort et nous voici en ce jour pour célébrer la plénitude du don de Dieu. C'est aujourd'hui, en ce jour de Pentecôte que nos communautés ont pris naissance, que l'Eglise est née, que nous pouvons vivre d'un Souffle nouveau, reprendre la route, habités, comme l'écrit saint Benoît dans sa Règle, le coeur dilaté et courir sur les chemins de Dieu avec une indicible douceur d'amour.

Des théologiens ont présenté le premier testament comme l'âge du Père, la vie du Christ comme l'âge du Fils, le temps qui suit la Pentecôte comme l'âge de l'Esprit-Saint. La réalité plus complexe relie intimement les trois personnes de la Trinité. L'Esprit Saint est dans le sein du Père et souffle dès le début de la création, planant de ses ailes sur le chaos primitif, pour y apporter le respect de chaque réalité créée, de chacun de nous, non pas dans la fusion, mais dans le respect et l'unité dans la différence, reconnaissant l'autre comme autre. L'Esprit habite le Christ Jésus dès sa naissance et se révèle à ses disciples lors de son Baptême par Jean-Baptiste, à différents moments de sa vie et, en particulier, dans l'évangile de ce jour où le Ressuscité donne sa paix aux disciples, souffle sur ses disciples et leur donne de pardonner les péchés. Comme la lumière du printemps éclaire toute chose d'une douceur et d'une fraicheur infinies, l'Esprit nous est donné en ce jour. Il transforme nos coeurs et nous apporte une paix et une joie qui surpassent toute souffrance, un bonheur printanier source de pardon et d'énergie nouvelle.

L'Esprit se manifeste sous le signe de la lumière, du souffle, du feu, de l'amour de charité, de l'eau et de la vie nouvelle. Il est à proprement parler l'Esprit d'amour : il est l'Amour en personne. Comme l'exprime saint Paul : « Je vais vous indiquer une voie supérieure à toutes les autres : si je n'ai pas la charité,-je ne suis rien ». S'il me manque l'amour, je ne suis rien. Si je fais défaut à l'amour divin, je m'affaisse, je parais vivre, mais en fait je perds ma saveur, je suis mort.

L'Esprit met en mouvement. Comme le feu, le vent, la présence de Dieu s'empare de nous à la mesure où nous l'acceptons. Il nous enserre, nous accompagne dans un immense respect de notre liberté, avec une infinie patience. Celui qui n'aime pas, n'espère pas non plus. Celui qui ne se laisse pas prendre par l'Esprit, dans toute la mesure de son être, n'ira pas loin, verra s'épuiser son dynamisme.

Certes, nous sommes traversés par les épreuves de la vie, chagrins, problèmes, corruption, pauvreté, exil, maladies, détresse. Nous sommes dépouillés de nos sécurités, de notre santé même. Mais à l'intime de notre coeur, brûle un feu qui vient d'ailleurs : présence dans le quotidien, espérance dans notre destinée. Mes soeurs, mes frères, n'ayons pas peur et gardons courage.

J'évoque brièvement trois facettes de nos vies, signes de la présence de l'Esprit au coeur de nos vies : notre propre baptême, l'eucharistie, notre vie fraternelle. Tout d'abord, nul ne peut vivre de l'amour divin, s'il ne renaît de l'eau et de l'Esprit, s'il n'entre dans l'amour de celui qui nous a aimé jusqu'à l'extrême.

Le Père des moines, Abba Antoine écrivait : « Mes frères, ce grand Esprit de feu, que moi-même j'ai reçu, recevez-le donc vous aussi ? Demandez avec droiture cet Esprit de feu et il vous sera donné. N'ayez pas un coeur double et ne dites pas : Qui donc pourrait le recevoir ». Ce feu intérieur nous est donné dès notre propre baptême dans cette double présence de l'Esprit-Saint : celle de la plénitude de Dieu et celle qui nous accompagne dans notre croissance. Les premiers chrétiens voyaient dans le Baptême une démarche fondamentale. Recevoir la force de l'Esprit ouvrait la porte des saints mystères, de l'eucharistie.

Baptisés au nom du Père, du Fils et de l'Esprit-Saint, la lumière de la Résurrection les enveloppait d'un vêtement blanc et éveillait en eux leur nature divine, leur filiation au Père par le Christ dans l'Esprit. C'est ce que décrit si admirablement l'épître aux Romains : « L'Esprit lui-même prie en nous en des gémissements ineffables. Dieu voit le fond des coeurs. Il sait que l'Esprit veut ce que Dieu veut ».

Comme le sang circule dans tout notre être, l'irrigue jusqu'aux moindres extrémités et renouvelle notre énergie, l'Esprit de Dieu enveloppe toute la Création et accompagne chacun de nous à chaque instant de nos vies.. Quand nous entrons dans la Chapelle de Clerlande, nous quittons nos distinctions sociales, culturelles, nos tempérament même et nous sommes habités d'une présence silencieuse et secrète qui donne sens à chacune de nos vies personnelles, à nos familles, nos communautés.

Au coeur du l'Eucharistie, dans le mystère de la fraction du pain, Dieu se révèle dans le don total de Jésus qui s'offre, qui nous offre à son Père et l'Esprit saint recouvre ce moment le plus précieux de tous compris entre le Sanctus et le Notre Père. L'Esprit Saint nous éveille à ce moment intense où avec Jésus nous devenons fils et filles de Dieu, où le Père nous fait don de l'espérance en une vie nouvelle en Jésus-Christ. Un souffle nouveau nous envahit, habite notre assemblée et nous communions au Corps et au Sang donné.

Enfin, nous formons ensemble un microcosme de l'univers, que le mystère de la Trinité habite, où l'Esprit Saint vient établir sa demeure dans nos familles et nos communautés. Il conduit son Eglise et l'humanité toute entière vers son terme. Rendons grâce ensemble pour ce jour béni.

Mes soeurs, mes frères.

Au nom de la communauté de Clerlande, je vous souhaite une belle et sainte fête de Pentecôte. Au tréfonds de notre être, il est une source d'eau vive qui murmure vers le Père et nous invite à l'action de grâce pour les merveilles de la création et des personnes avec lesquelles nous vivons.

Souvent le bruit cette source mystérieuse qui nous habite est étouffé par tant de réalités quotidiennes, des souffrances et des épreuves de toute sorte, les nôtres et celles de tant de peuples et de communautés chrétiennes.

En ce jour, comme le Seigneur Ressuscité nous l'a promis, Il nous envoie son Souffle de vie qui non seulement nous atteint à l'intime de notre coeur, mais nous rassemble et nous donne de prendre conscience ensemble que ce feu de vie et d'amour est répandu en chacun de nous et fait de nous dans cette eucharistie le Corps même de l'Eglise. Accueillons cette réalité qui nous dépasse, nous unit et nous conduit vers la plénitude de notre propre vie, comme la rose qui est sans question. Elle fleurit parce qu'elle fleurit. Laissons le Souffle de Dieu être le Souffle de Dieu en nous et au milieu de nous et chantons notre joie.

 

Tous furent remplis d'Esprit Saint et se mirent à parler en d'autres langues

Quand arriva le jour de la Pentecôte, au terme des cinquante jours après Pâques, ils se trouvaient réunis tous ensemble. Soudain un bruit survint du ciel comme un violent coup de vent : la maison où ils étaient assis en fut remplie tout entière. Alors leur apparurent des langues qu'on aurait dites de feu, qui se partageaient, et il s'en posa une sur chacun d'eux. Tous furent remplis d'Esprit Saint : ils se mirent à parler en d'autres langues, et chacun s'exprimait selon le don de l'Esprit.

Or, il y avait, résidant à Jérusalem, des Juifs religieux, venant de toutes les nations sous le ciel. Lorsque ceux-ci entendirent la voix qui retentissait, ils se rassemblèrent en foule. Ils étaient en pleine confusion parce que chacun d'eux entendait dans son propre dialecte ceux qui parlaient. Dans la stupéfaction et l'émerveillement, ils disaient : « Ces gens qui parlent ne sont-ils pas tous Galiléens ? Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans son propre dialecte, sa langue maternelle ? Parthes, Mèdes et Élamites, habitants de la Mésopotamie, de la Judée et de la Cappadoce, de la province du Pont et de celle d'Asie, de la Phrygie et de la Pamphylie, de l'Égypte et des contrées de Libye proches de Cyrène, Romains de passage, Juifs de naissance et convertis, Crétois et Arabes, tous nous les entendons parler dans nos langues des merveilles de Dieu. »

- Parole du Seigneur.

Ac 2, 1-11

Bénis le Seigneur, ô mon âme ; Seigneur mon Dieu, tu es si grand ! Quelle profusion dans tes ?uvres, Seigneur ! la terre s'emplit de tes biens.

Tu reprends leur souffle, ils expirent et retournent à leur poussière. Tu envoies ton souffle : ils sont créés ; tu renouvelles la face de la terre.

Gloire au Seigneur à tout jamais ! Que Dieu se réjouisse en ses ?uvres ! Que mon poème lui soit agréable ; moi, je me réjouis dans le Seigneur.

Ps 103 (104), 1ab.24ac, 29bc-30, 31.34

C'est dans un unique Esprit que nous tous avons été baptisés pour former un seul corps

Frères, personne n'est capable de dire : « Jésus est Seigneur » sinon dans l'Esprit Saint. Les dons de la grâce sont variés, mais c'est le même Esprit. Les services sont variés, mais c'est le même Seigneur. Les activités sont variées, mais c'est le même Dieu qui agit en tout et en tous. À chacun est donnée la manifestation de l'Esprit en vue du bien.

Prenons une comparaison : le corps ne fait qu'un, il a pourtant plusieurs membres ; et tous les membres, malgré leur nombre, ne forment qu'un seul corps. Il en est ainsi pour le Christ. C'est dans un unique Esprit, en effet, que nous tous, Juifs ou païens, esclaves ou hommes libres, nous avons été baptisés pour former un seul corps. Tous, nous avons été désaltérés par un unique Esprit.

- Parole du Seigneur.

1 Co 12, 3b-7.12-13

Des fleuves d'eau vive couleront

Au jour solennel où se terminait la fête des Tentes, Jésus, debout, s'écria : « Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi, et qu'il boive, celui qui croit en moi ! Comme dit l'Écriture : De son c?ur couleront des fleuves d'eau vive. » En disant cela, il parlait de l'Esprit Saint qu'allaient recevoir ceux qui croiraient en lui. En effet, il ne pouvait y avoir l'Esprit puisque Jésus n'avait pas encore été glorifié.

- Acclamons la Parole de Dieu.

Jn 7, 37-39