Homélie du 7 septembre 2025

 Celui qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple 

23ème dimanche du Temps Ordinaire (semaine III du Psautier) - Année C

Une homélie de fr. Pierre de Béthune

Homélie :
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Nous recevons aujourd'hui un bien curieux évangile. C'est une parabole à l'envers. Jésus nous donne de bons conseils pour construire une tour ou faire la guerre, et puis, il conclut en nous demandant de faire le contraire. Au lieu d'accumuler sagement tous les biens nécessaires à la réalisation de notre projet, il demande de 'décumuler', de tout disperser systématiquement : «  Celui qui ne renonce pas à tout ce qu'il possède ne peut être mon disciple ».

Il s'agit donc du renoncement.

C'est une démarche qui ne nous inspire pas beaucoup. Le pape Léon va canoniser aujourd'hui deux jeunes disciples Pier Giorgio Frassati et Carlo Acutis. Ce n'est pas tellement le renoncement qui les caractérise !

Et cependant, il en est souvent question dans les évangiles. Il nous faut y réfléchir.

Pour bien comprendre l'évangile d'aujourd'hui, il nous faut d'abord le situer dans l'ensemble de l'évangile. Jésus est en route vers Jérusalem et il pressent qu'il devra y affronter la grande épreuve. Mais beaucoup de personnes le suivent, parce qu'elles espèrent, au contraire, qu'il aura un grand succès, et elles comptent bien en tirer quelque profit. Alors Jésus se retourne et précise les conditions exigées pour le suivre.

Pour aller, pour marcher avec lui, il vous faut vous préparer, calculer ce qui est nécessaire, bien vous équiper. Mais en ce cas, ce n'est pas en multipliant les équipements qu'on pourra mieux marcher. Au contraire, sur le chemin où il nous invite, il faut plutôt se débarrasser de tout ce qui n'est pas indispensable, pour aller plus léger.

Mais, en revoyant le texte, surgit une première question : la famille serait-elle du 'pas indispensable' dont il faudrait se libérer ? Pour suivre Jésus, pour le 'préférer', l'attachement à la famille serait-il un obstacle, à éliminer ?

Qu'est-ce alors que 'ne pas préférer' ?

Saint Benoît peut nous venir en aide ici. Dans sa Règle, il demande de «  ne rien préférer à l'amour du Christ  ». Mais il ne dit pas qu'il ne faut rien aimer d'autre ! Dans le même chapitre, il demande aux frères d'avoir beaucoup d'attention mutuelle, de la patience et même de l'affection. L'amour pour le Christ ne chasse pas celui pour nos frères, au contraire. Et réciproquement.

Le renoncement dont il est question ici ne doit pas alors être contraire au bon sens, quelque chose de dramatique, extorqué contre nature. Je me permets d'évoquer ici un souvenir personnel qui pourra expliquer cela. C'était il y a 70 ans, quand je suis entré à 'abbaye de Saint André. Mes parents m'ont conduit en voiture jusque là ; à l'époque ces voiture américaines avaient une banquette unique à l'avant, et j'étais assis entre eux-deux. Nous avons été reçus par le Père Abbé Nève et puis nous sommes allés à l'église, et c'est là que nous nous sommes séparés. Cette séparation était bien sûr pénible, surtout pour mes parents qui repartaient tout seuls, à deux, mais ce n'était pas un déchirement qui nous aurait traumatisés, parce que le contexte était libre, léger, bien préparé ; il était ouvert sur un avenir, même pour eux.

C'est le but du renoncement qui est le plus important, parce que plein de perspectives nouvelles. En effet, le renoncement dont il est question dans l'évangile n'est pas la condition de l'amour, un préalable imposé ; il en est le fruit, il est la conséquence d'un choix de vie. On pourrait donc dire, pour le résumer en deux mots, que le renoncement, c'est pour aller. En particulier pour aller à la suite de Jésus.

Il y a parfois des choix à faire, et des renoncements. Il y a parfois à consentir à des pertes, mais il n'y a jamais à aimer moins. Parce que l'amour est toujours entier, tant avec notre famille qu'avec Dieu. Une mère de six enfants ne donne pas à chacun seulement un sixième de son amour, un petit fragment, d'autant plus petit que ses enfants sont nombreux ! L'amour n'est pas comme une tarte à partager en six. Elle aime chacun de ses enfants pour lui-même, et chacun reçoit l'entièreté de son amour. Il en va de même avec Dieu. Tout renoncement n'a de sens que comme une expression d'amour.

C'est le cœur de l'évangile.

C'est ce que nous revivons à chaque eucharistie, pour toujours mieux le vivre. L'eucharistie est le partage du pain. Et d'abord la fraction du pain. Pour pouvoir être distribué à chacun, le pain doit d'abord être rompu. Alors chacun reçoit le Corps du Christ, toute sa vie donnée, brisée, partagée, sa vie tout entière. Dans notre vie, à la suite du Christ, il y a donc aussi des renoncements à faire, il y a des croix à accepter, mais c'est pour aller avec lui, pour rencontrer comme lui tous ceux et celles qu'il aime, et réaliser ainsi le Royaume de justice et de paix.

 

Qui peut comprendre les volontés du Seigneur ?

Quel homme peut découvrir les intentions de Dieu ? Qui peut comprendre les volontés du Seigneur ? Les réflexions des mortels sont incertaines, et nos pensées, instables ; car un corps périssable appesantit notre âme, et cette enveloppe d'argile alourdit notre esprit aux mille pensées. Nous avons peine à nous représenter ce qui est sur terre, et nous trouvons avec effort ce qui est à notre portée ; ce qui est dans les cieux, qui donc l'a découvert ? Et qui aurait connu ta volonté, si tu n'avais pas donné la Sagesse et envoyé d'en haut ton Esprit Saint ? C'est ainsi que les sentiers des habitants de la terre sont devenus droits ; c'est ainsi que les hommes ont appris ce qui te plaît et, par la Sagesse, ont été sauvés.

- Parole du Seigneur.

Sg 9, 13-18

Tu fais retourner l'homme à la poussière ; tu as dit : « Retournez, fils d'Adam ! » À tes yeux, mille ans sont comme hier, c'est un jour qui s'en va, une heure dans la nuit.

Tu les as balayés : ce n'est qu'un songe ; dès le matin, c'est une herbe changeante : elle fleurit le matin, elle change ; le soir, elle est fanée, desséchée.

Apprends-nous la vraie mesure de nos jours : que nos c?urs pénètrent la sagesse. Reviens, Seigneur, pourquoi tarder ? Ravise-toi par égard pour tes serviteurs.

Rassasie-nous de ton amour au matin, que nous passions nos jours dans la joie et les chants. Que vienne sur nous la douceur du Seigneur notre Dieu ! Consolide pour nous l'ouvrage de nos mains.

Ps 89 (90), 3-4, 5-6, 12-13, 14.17abc

Accueille-le, non plus comme un esclave, mais comme un frère bien-aimé

Bien-aimé, moi, Paul, tel que je suis, un vieil homme et, qui plus est, prisonnier maintenant à cause du Christ Jésus, j'ai quelque chose à te demander pour Onésime, mon enfant à qui, en prison, j'ai donné la vie dans le Christ. Je te le renvoie, lui qui est comme mon c?ur. Je l'aurais volontiers gardé auprès de moi, pour qu'il me rende des services en ton nom, à moi qui suis en prison à cause de l'Évangile. Mais je n'ai rien voulu faire sans ton accord, pour que tu accomplisses ce qui est bien, non par contrainte mais volontiers. S'il a été éloigné de toi pendant quelque temps, c'est peut-être pour que tu le retrouves définitivement, non plus comme un esclave, mais, mieux qu'un esclave, comme un frère bien-aimé : il l'est vraiment pour moi, combien plus le sera-t-il pour toi, aussi bien humainement que dans le Seigneur. Si donc tu estimes que je suis en communion avec toi, accueille-le comme si c'était moi.

- Parole du Seigneur.

Phm 9b-10.12-17

Celui qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple

En ce temps-là, de grandes foules faisaient route avec Jésus ; il se retourna et leur dit : « Si quelqu'un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et s?urs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple. Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher à ma suite ne peut pas être mon disciple.

Quel est celui d'entre vous qui, voulant bâtir une tour, ne commence par s'asseoir pour calculer la dépense et voir s'il a de quoi aller jusqu'au bout ? Car, si jamais il pose les fondations et n'est pas capable d'achever, tous ceux qui le verront vont se moquer de lui : ?Voilà un homme qui a commencé à bâtir et n'a pas été capable d'achever !' Et quel est le roi qui, partant en guerre contre un autre roi, ne commence par s'asseoir pour voir s'il peut, avec dix mille hommes, affronter l'autre qui marche contre lui avec vingt mille ? S'il ne le peut pas, il envoie, pendant que l'autre est encore loin, une délégation pour demander les conditions de paix.

Ainsi donc, celui d'entre vous qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple. »

- Acclamons la Parole de Dieu.

Lc 14, 25-33