Homélie du 14 juin 2015

11?me dimanche TO B

Une homélie de fr. Bernard poupart

«  L'univers a besoin de se dire et seul l'homme peut dévoiler le secret qu'il contient. Les arbres et les fleurs chantent la beauté de la viridité, mais si l'homme ne la révélait pas, cette beauté se perdrait. Et l'univers est tellement empli de beauté! Si seulement nous avions la reconnaissance de le célébrer et d'entrer en lui pour en faire une seule chair et non pas un relief qu'on regarde à distance.  »

Hildegarde von Bingen.

Avez-vous lu les textes proposés pour ce deuxième dimanche de juin, aux portes de l'été? Ils sont pleins d'arbres, de semences, de toute la poussée vivante de la nature.

Voyez Ezéchiel 17, 22-24: Un grand cèdre et un jeune rameau, des branches remplies d'oiseaux et qui donnent des fruits, tous les arbres des champs, et déjà aussi les grandes leçons de l'évangile: l'arbre vert qui sèche, l'arbre sec qui reverdit, l'arbre renversé et l'arbre élevé.

La Bible est pleine d'arbres, jusqu'à la dernière page de l'Apocalypse où les arbres donnent des fruits tous les mois. La nature, les plantes, les arbres nous parlent des manières de Dieu et nous montrent comment vivre, et même comment croire. Jésus invite souvent à regarder: «  regardez les fleurs des champs  », «  regardez les oiseaux du ciel  », «  regardez le figuier  ».

Deux petites paraboles nous montrent bien comment Jésus regarde la nature. Il y voit une image du Royaume de Dieu, et ce n'est pas rien: les grandes lois de la vie de l'univers sont aussi celles de la poussée et de la croissance du Royaume. Il faut lire l'évangile en regardant les champs et les arbres.

Un homme jette le grain dans son champ, et ensuite il est devant le mystère de la germination et de la croissance. Il doit attendre. En fait le cultivateur se donne tout de même un peu plus de mal: il doit préparer la terre, la nourrir, la nettoyer. Mais il lui faut ensuite faire confiance au mystère de la vie. Jésus parle ici de lui-même: il jette le grain de l'évangile dans le monde, et il le laisse faire son oeuvre. Et c'est vrai que depuis vingt siècles ce grain n'a cessé de produire ses fruits malgré toutes les intempéries, toutes les mauvaises herbes et tous les cailloux. Ce qui nous incombe, c'est de continuer à jeter le grain dans le champ du monde. Nous pouvons bien nous donner du mal pour que ce grain soit jeté dans de bonnes conditions, mais fondamentalement il faut faire confiance. L'évangile est aussi puissant que la nature. Il continuera à fleurir dans le monde, et à fructifier.

La graine de moutarde, ou de sénevé: une toute petite graine qui donne une grande plante, même si ce n'est pas un arbre et si les oiseaux peuvent s'y percher mais pas y nicher. Jésus exagère donc, et c'est à dessein. Ses auditeurs devaient bien comprendre qu'il poussait la parabole dans son sens. Et le sens est bien: du tout petit qui donne du grand. Et c'est en fait encore l'histoire de l'évangile: un message de quelques pages qui a fait le tour du monde et des siècles, et qui va produire encore infiniment plus que ce que nous délivrons.

Alors, nous avons souvent le sentiment de vivre dans un monde inquiétant, plombé de lourdes menaces, et c'est bien le cas, et dans une société sceptique, pessimiste, désenchantée. Nous sommes aussi préoccupés par nos fragilités. Je ne plaide pas ici pour un désengagement. Jésus s'est donné de la peine pour semer son grain. Mais il s'agit de l'horizon de nos engagements. Jésus nous dit: regardez les arbres, regardez l'univers. L'évangile ira plus loin que vous ne pouvez l'imaginer. Vous en connaissez la loi: il faut que le grain tombe en terre et meure pour porter du fruit. Jésus a vécu cette mort, et il est vivant. Son Esprit est toujours celui des germinations et des croissances. Laissez-vous conduire par lui. Et offrez votre chant à la beauté du monde.

«  Chaque atome de silence est la chance d'un fruit mûr  ». Paul Valéry.