Homélie du 12 octobre 2025

 Il ne s'est trouvé parmi eux que cet étranger pour revenir sur ses pas et rendre gloire à Dieu ! 

28ème dimanche du Temps Ordinaire (semaine IV du Psautier) - Année C

Une homélie de fr. Yves de patoul

Homélie :
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Cet évangile de Jésus Christ voudrait attirer notre attention sur deux questions qui agitaient les juifs du temps de Jésus, et qui nous concernent nous aussi autant qu'eux. La première est celle du pur et de l'impur ; la deuxième celle de la reconnaissance d'un bienfait accordé, la gratitude pour le dire en un mot. Ce n'est sans doute pas tout à fait par hasard que le dixième lépreux, le seul qui retourne pour aller se prosterner devant Jésus celui qui les a tous guéris, il est (de nouveau) un Samaritain. Pour rappel, le Samaritain pour les juifs pieux est un hérétique, infréquentable, ou pire un païen. L'exclusion est bien au centre de notre récit : celle dont sont victimes tous ceux qui sont socialement impurs parce qu'ils ont une tare physique ou (en élargissant) socio-culturelle (la pauvreté, la marginalité), et aussi celle dont sont victimes ceux qui ne partagent pas notre foi religieuse. Le remède radical, l'antidote presqu'unique est la personne de Jésus. Lui seul est capable de faire éclater toutes les exclusions.

Qui sont les lépreux de notre temps ? Ce sont d'abord les pauvres qui vivent souvent en ghetto dans des quartiers où il y a une forte concentration d'immigrés. Ensuite viennent de plus en plus des jeunes désœuvrés qui dérangent ; ils se mêlent à des chômeurs trop nombreux qui sont tentés par la drogue et d'autres comportements avilissants. Ce sont encore les personnes âgées qui sont livrées à elles-mêmes sans beaucoup d'attention de la part des siens et des autorités publiques. Il y a aussi les handicapés dont certains ne sont pas fréquentables et qu'on enferme. Mais il y a de plus en plus de personnes qui s'enferment elles-mêmes dans toute sorte d'isolement. Et puis finalement, reconnaissons-le humblement, chacun de nous a une lèpre à l'intérieur de lui-même qui le rend plus ou moins infréquentable. Tâchons tout de même d'être honnête avec soi : ne taxons pas trop vite les autres d'être lépreux alors qu'on est soi-même couvert de lèpre. Prenons un dernier exemple d'actualité, c'est l'enfant harcelé dans sa classe : il subit une sorte de quarantaine parce qu'il n'a pas fait comme les autres, ou parce qu'il souffre d'un défaut : il est obèse, laid, ou que sais-je ? catholique, juif ou musulman ?

Toute la question est un peu pour nous de savoir comment devenir le dixième lépreux. Lui, il a bien reconnu avoir été guéri par un homme qui était resté à distance mais qui leur a ordonné à tous de se rendre chez le prêtre pour retrouver la pureté du corps. Et c'est dans cette démarche d'obéissance qu'ils ont tous été guéris. Le dixième a compris que sa guérison n'était totale que par un acte de foi ; il retourne vers celui qui l'avait guéri pour rendre grâce et bénéficier ainsi de sa protection : «  Relève-toi et va, lui dit Jésus, ta foi t'a sauvé  ».

Avant d'approfondir la distance qui sépare les neuf premiers lépreux et le dixième, arrêtons-nous sur Jésus lui-même qui, lui, ne s'intéresse pas, ne s'arrête pas aux distinctions entre les bons et les mauvais, entre les purs et les impurs. Pour lui, personne n'est impur, ni le collecteur d'impôt Zachée, honni par les gens, ni Matthieu le publicain, ni la prostituée Marie Madeleine qui répandit du parfum sur les pieds du Maître, ni la femme adultère, ni le disciple Simon prétentieux et menteur, ni le persécuteur fanatique Paul.

À tous il leur a donné une nouvelle chance de marcher librement et même à quelques-uns d'entre eux de gravir les plus hauts sommets de grâce, et de vérité. Tous étaient impurs dans un sens ou l'autre, pécheurs publics ou non. Et ils sont devenus des disciples de Jésus, des collaborateurs de la grâce de Dieu, des apôtres zélés. Ils doivent tous leur salut au Dieu miséricordieux qui a envoyé son Fils unique qui est devenu librement l'impur par excellence : cloué sur une croix, la risée de tout le monde comme s'il était coupable. Saint Paul a vécu les mêmes supplices ; et fort de sa foi en Christ, il peut proclamer à tous ceux qui subissent la dérision, jusqu'à l'ignominie de la croix ou de la persécution : «  C'est pour lui que je souffre jusqu'à être enchaîné comme un malfaiteur ! Mais on n'enchaîne pas la parole de Dieu ! C'est pourquoi je supporte tout pour ceux que Dieu a choisis, afin qu'ils obtiennent eux aussi le salut par Jésus Christ, avec la gloire éternelle  ».

Quelle est donc la différence entre les 9 lépreux et le 10ième ? Tous les 10 ont été guéris, mais cela ne suffit pour être purifiés, pour être débarrassés de la lèpre. Comme Naaman le Syrien qui fut guéri en terre d'Israël, il convenait de remercier Dieu. Il voulut offrir un présent mais le prophète Elisée lui répondit que non, c'est gratuit. Dans son insistance, le général syrien décida d'emporter de la terre sanctifiée pour lui permettre de vénérer chez lui (à Damas) le Dieu d'Israël. Et il fit cette belle profession de foi : «  Je ne veux plus offrir de sacrifices ou d'holocaustes à d'autres dieux qu'au Seigneur Dieu d'Israël  ». Implicitement, on peut penser qu'un des grands péchés d'Israël est de croire que le salut est un dû pour lequel il n'y a pas lieu de rendre grâce.

Le 10ième lépreux et Naaman le Syrien ont tous deux la volonté de confesser leur foi, d'exprimer leur reconnaissance au Dieu qui les a guéris. Ils sont ainsi purifiés de l'intérieur et non plus seulement de l'extérieur. Dieu ne fait de miracles que pour augmenter la foi des fidèles. Les miraculés ont presque le devoir de proclamer la puissance de Dieu. Eux deux se sont convertis, les 9 autres non.

Une autre manière de lire cet épisode des dix lépreux consiste à se demander : mais pourquoi Jésus n'a-t-il pas touché les lépreux ? Il ne les a ni touchés ni enduits de salive ou de quoi que ce soit. C'est exactement ce que le général Syrien avait cru (dans les versets qui précèdent notre lecture) : il était furieux qu'Élisée ne lui ait pas prodigué des soins magiques et des rituels compliqués. «  Il tourna bride et partit en colère  ». Ce sont ses serviteurs qui l'ont convaincu de se plonger 7 fois dans le Jourdain comme le lui proposait Élisée. Les dix lépreux auraient pu se dire la même chose : «  il nous a seulement dit d'aller voir le prêtre ; nous aurions pu trouver ça nous-mêmes ; cet homme n'est vraiment pas à la hauteur de sa réputation  ». Comprenons bien : Jésus n'est pas un charlatan qui guérit avec des recettes alambiquées. Dieu guérit avec des méthodes simples, imperceptibles, souvent à notre insu. Dieu peut nous guérir avec seulement une parole, une parole qui nous touche, qui transperce notre cœur, et finalement nous retourne. Le plus important dans la parole de Dieu que nous avons entendue aujourd'hui, c'est sans doute ce retour, le retournement : Naaman quitte sa colère pour se tourner vers le Jourdain où il est guéri, le 10ième lépreux, lui aussi retourne vers celui qui l'a guéri. En retournant vers Dieu (Jésus est ici le nouvel Élisée et Elisée une figure du Christ), l'un et l'autre se convertissent au vrai Dieu qu'ils ne connaissaient pas ou dont ils s'étaient détournés). Rappelons-nous la rencontre de Jésus au désert avec la Samaritaine appelée avec les vrais adorateurs à «  adorer le Père en esprit et en vérité  » (Jn 4,23).

Nous aussi, nous sommes invités à retourner vers le vrai Dieu dont nous nous sommes éloignés, et à confesser notre foi au Dieu unique et miséricordieux. Par la même occasion, nous sommes invités à nous éloigner de nos faux dieux : l'argent, le plaisir, tout ce qui nous détourne de Jésus-Christ que nous vers qui nous nous retournons pour confesser notre foi. Je vous y invite maintenant.

Fr. Yves de Patoul

 

Naaman retourna chez l'homme de Dieu et déclara : Il n'y a pas d'autre Dieu que celui d'Israël

En ces jours-là, le général syrien Naaman, qui était lépreux, descendit jusqu'au Jourdain et s'y plongea sept fois, pour obéir à la parole d'Élisée, l'homme de Dieu ; alors sa chair redevint semblable à celle d'un petit enfant : il était purifié ! Il retourna chez l'homme de Dieu avec toute son escorte ; il entra, se présenta devant lui et déclara : « Désormais, je le sais : il n'y a pas d'autre Dieu, sur toute la terre, que celui d'Israël ! Je t'en prie, accepte un présent de ton serviteur. » Mais Élisée répondit : « Par la vie du Seigneur que je sers, je n'accepterai rien. » Naaman le pressa d'accepter, mais il refusa. Naaman dit alors : « Puisque c'est ainsi, permets que ton serviteur emporte de la terre de ce pays autant que deux mulets peuvent en transporter, car je ne veux plus offrir ni holocauste ni sacrifice à d'autres dieux qu'au Seigneur Dieu d'Israël. »

- Parole du Seigneur.

2 R 5, 14-17

Chantez au Seigneur un chant nouveau, car il a fait des merveilles ; par son bras très saint, par sa main puissante, il s'est assuré la victoire.

Le Seigneur a fait connaître sa victoire et révélé sa justice aux nations ; il s'est rappelé sa fidélité, son amour, en faveur de la maison d'Israël.

La terre tout entière a vu la victoire de notre Dieu. Acclamez le Seigneur, terre entière, sonnez, chantez, jouez !

Ps 97 (98), 1, 2-3ab,3cd-4

Si nous supportons l'épreuve, avec lui nous régnerons

Bien-aimé, souviens-toi de Jésus Christ, ressuscité d'entre les morts, le descendant de David : voilà mon évangile. C'est pour lui que j'endure la souffrance, jusqu'à être enchaîné comme un malfaiteur. Mais on n'enchaîne pas la parole de Dieu ! C'est pourquoi je supporte tout pour ceux que Dieu a choisis, afin qu'ils obtiennent, eux aussi, le salut qui est dans le Christ Jésus, avec la gloire éternelle.

Voici une parole digne de foi : Si nous sommes morts avec lui, avec lui nous vivrons. Si nous supportons l'épreuve, avec lui nous régnerons. Si nous le rejetons, lui aussi nous rejettera. Si nous manquons de foi, lui reste fidèle à sa parole, car il ne peut se rejeter lui-même.

- Parole du Seigneur.

2 Tm 2, 8-13

Il ne s'est trouvé parmi eux que cet étranger pour revenir sur ses pas et rendre gloire à Dieu !

En ce temps-là, Jésus, marchant vers Jérusalem, traversait la région située entre la Samarie et la Galilée. Comme il entrait dans un village, dix lépreux vinrent à sa rencontre. Ils s'arrêtèrent à distance et lui crièrent : « Jésus, maître, prends pitié de nous. » À cette vue, Jésus leur dit : « Allez vous montrer aux prêtres. » En cours de route, ils furent purifiés.

L'un d'eux, voyant qu'il était guéri, revint sur ses pas, en glorifiant Dieu à pleine voix. Il se jeta face contre terre aux pieds de Jésus en lui rendant grâce. Or, c'était un Samaritain. Alors Jésus prit la parole en disant : « Tous les dix n'ont-ils pas été purifiés ? Les neuf autres, où sont-ils ? Il ne s'est trouvé parmi eux que cet étranger pour revenir sur ses pas et rendre gloire à Dieu ! » Jésus lui dit : « Relève-toi et va : ta foi t'a sauvé. »

- Acclamons la Parole de Dieu.

Lc 17, 11-19