Homélie du 23 fevrier 2025

Ce n'est pas simple de prêcher de nos jours : d'une part on pourrait être tenté d'adopter un ton lénifiant pour ne pas déranger les auditeurs dans leur «  repos  » dominical ; d'autre part il serait mal venu et démodé de revenir aux méthodes de certains prédicateurs amateurs de la manière forte, qui jadis, semaient la terreur dans les consciences, à coup de discours enflammés. Il s'agit aujourd'hui, tout simplement, de recevoir la Parole de Dieu et de la transmettre fidèlement, au risque de faire des vagues.


Les vagues, celles qui risquent de nous submerger, c'est : «  Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent  ». Mais ces préceptes pressants sont immédiatement assortis d'une promesse inouïe : « Alors votre récompense sera grande et vous serez les fils du Très-Haut  » ! Jésus ne promet donc pas des petits bonheurs mais des cadeaux, des grâces durables, pour accompagner notre rude marche ici-bas.

Nous avons entendu St Paul en parler en d'autres termes : les hommes pétris d'argile, comme Adam, seront à l'image de celui qui vient du ciel : le Christ. Nous ne sommes pas seulement poussière et cendres comme on nous le rappellera bientôt au seuil du Carême, mais promis à la bienheureuse résurrection !


Pour revenir au devoir du chrétien à l'égard des ennemis, Jésus semble ne rien faire pour plaire, pour rendre son message acceptable, réalisable. Par hasard, l'invitation à aimer les ennemis nous paraîtrait-elle raisonnable ? Vous oseriez, vous, tout à l'heure, faire une intention de prière pour Mr. Trump, Mr Poutine, Mr. Musk ? Parmi les auditeurs de Jésus, certains auront du mettre leur index sur la tempe en entendant ces paroles, et quitter l'assemblée, en murmurant : «  Ce qu'il dit là est trop fort ! Qui peut l'écouter ?  »


Or Jésus est l'écho fidèle de son Père dont la folie est plus sage que les hommes :  «  Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux  ».


En tant que prêtre, célébrant avec vous tous, cet évangile m'interpelle fort, qui met en question notre manière de prier, de célébrer. 


Ecoutons les prophètes : «  Ce peuple m'honore de lèvres mais son cœur est loin de moi !  »


Et encore : «  C'est l'amour que je veux et non les sacrifices  ».


Si donc je ne me sens pas capable d'aimer mon ennemi, comme David à l'égard du roi Saül, je puis peut-être déposer sur l'autel un cœur dépouillé de toute envie de nuire, de tout propos de haine, de tout désir de le voir disparaître. Reste alors la possibilité de prier humblement avec les mots du psalmiste : « O Dieu, crée en moi un cœur pur !  »


Résumons nous : souhaiter du bien, accueillir les coups, prêter sans attendre de retour, s'abstenir de juger, pardonner, cela dépasse les forces humaines : le premier homme pétri d'argile ne peut y prétendre, mais à travers les eaux du Baptême, l'Esprit Saint travaille l'humanité comme le levain une pâte ; et d'un monde où se mélangent le pire et le meilleur, la haine sous toutes ses formes et la bonté la plus délicate, l'Esprit peut faire naître des filles et des fils du Très-Haut.


 Nous voilà devant une tâche impossible mais Jésus nous souffle à l'oreille :


 «  Oui, pour les hommes, c'est impossible, mais pour Dieu, tout est possible  »

AMEN !