Une homélie de fr. Yves de patoul
À notre époque, les miracles de l'Évangile ne nous parlent pas beaucoup. Certains s'en moquent même. Ils disent : comment la seule parole de Jésus peut-elle faire des miracles aussi étonnants que de ressusciter un mort, apaiser une tempête, guérir un lépreux, multiplier quelques pains pour nourrir une foule ? C'est bien ce dont il s'agit dans notre récit. À l'apôtre Pierre qui a peiné avec les siens pour pêcher du poisson toute la nuit sans rien prendre, Jésus, après l'avoir obligé de retourner en eau profonde, l'enjoint de jeter ses filets : « Jetez les filets pour pêcher du poisson ! », lui dit-il. Pierre, humainement sceptique - et on le comprend parfaitement - commence par objecter et puis il s'exécute : « sur ton ordre je vais jeter les filets », et le miracle s'opère. Une abondance de poissons remplissent ses filets de telle manière qu'il doit faire appel à ses compagnons. Qu'est-ce qui est important dans ce récit ? Pourquoi le miracle s'est-il opéré ? Est-ce que de tels miracles ne s'opèrent-ils pas encore aujourd'hui ? La parole de Jésus ne serait-elle plus efficace de nos jours au point de faire des miracles ? Il faudrait être de mauvaise foi pour nier cette réalité : la parole de Dieu opère de véritables miracles aujourd'hui encore et de tout temps depuis la Pentecôte. Bien sûr il y a des conditions ; la seule volonté divine ne suffit pas toujours. Je veux dire par là que le Bon Dieu opère de nombreux miracles que nous ne percevons pas immédiatement, en suscitant des prophètes par exemple. Mais il est certain que les miracles de Jésus que les évangélistes rapportent ont toujours la foi de l'homme comme adjuvant (une condition nécessaire) ou comme conséquence : le miracle entraîne la foi de ceux qui en sont les témoins directs.
Reprenons notre récit qui commence précisément par un enseignement des foules avides d'écouter le nouveau prophète venu annoncer la venue du règne de Dieu. L'évangéliste ne nous informe pas sur le contenu de cette prédication. Mais il nous raconte plutôt ce qui s'est passé au petit matin lorsqu'un groupe de pêcheurs revient bredouille d'un travail essentiel pour eux, la pêche (Jésus n'était pas végétarien semble-t-il). Et puis ce n'était pas n'importe qui dans la barque puisqu'il y a parmi eux Simon celui qui deviendra le premier des Apôtres au sens hiérarchique du mot. Jésus veut lui enseigner comment il faudra pêcher non plus des poissons mais des hommes. La personne de Simon à qui Jésus veut enseigner quelque chose d'important n'est pas du tout anodine. En tant que chef des Apôtres et de la future Église il doit faire totalement confiance en son maître et Seigneur Jésus Christ. Voilà l'enseignement qui lui est asséné. Mais il vaut pour quiconque exerce une autorité.
Si on prend l'ensemble des miracles opérés par Jésus en son temps, on peut voir des différences importantes concernant l'initiative : dans un certain nombre de cas c'est un souffrant qui supplie lui-même le Christ de guérir sa maladie ou celle d'une autre personne (le centurion romain qui implore pour son serviteur), dans d'autres cas, c'est Jésus lui-même pris de pitié ou voulant déjouer l'incrédulité de ses adversaires qui opère une guérison miraculeuse. Dans notre cas, la pêche miraculeuse, Jésus opère un miracle qui a une valeur didactique : « désormais tu pêcheras des hommes ». On pense aussi à la tempête que Jésus réveillé de son sommeil apaise pour affermir la foi de ses disciples. Notre évangile est un récit d'appel, de vocation. Jésus institue Simon Pierre comme chef. Mais nous devons bien prendre en compte que cette vocation comme toutes les autres d'ailleurs n'est pas forcée. Simon a obéi à l'ordre, l'injonction de jeter les filets là où il croyait pertinemment qu'il n'y avait pas de poisson. Le miracle, diront certains est là aussi. Et c'est probablement ce que la plupart des gens qui sont sceptiques sur les miracles de Jésus ne voit pas : la part de ceux qui en bénéficient. Un des plus grands miracles de Jésus, qui a eu le plus grand retentissement, c'est celui de la conversion de Saul qui deviendra Paul de la même manière que Simon deviendra Pierre.
En d'autres termes, le disciple de Jésus doit croire fermement que Jésus peut faire des miracles pour lui et ses proches, que Jésus opère des miracles s'il croit en la puissance de Dieu. Mais avant de développer cette conviction intime, revenons sur un détail qui est fort accentué dans notre évangile : la prise de conscience abyssale de la part de Pierre qu'il est un pécheur. Nous sommes encore dans la barque ; à la vue de la prise miraculeuse, Pierre se confond presqu'en larmes : « Seigneur, éloigne-toi de moi car je suis pécheur » Le même effroi, ̶ il s'agit de cet effroi devant la grandeur de Dieu, celle que sans doute notre culture a perdue fascinée par la science et la technologie ̶ cet effroi avait envahi ses compagnons, Jacques et Jean précisent l'évangile. Jésus n'est pas n'importe qui, ni même un guérisseur ou un faiseur de miracles. Il est le Fils de Dieu devant lequel nos fautes, nos péchés apparaissent avec une évidence écrasante. Mais, comme dans le cas de saint Paul le persécuteur sur le chemin de Damas, la puissance de Dieu est capable non seulement d'effacer toute culpabilité mais en outre d'accomplir des merveilles, des choses prodigieuses qui dépassent nos capacités humaines.
La condition, celle pour laquelle le Seigneur peut accomplir des merveilles comme le répète le psalmiste, est d'abord de se reconnaître pécheur et d'accepter ce que Dieu veut pour moi, pour nous. Pierre et Paul sont passés par ce préliminaire d'une manière radicale. Ils ont entendu la parole de Dieu, ils ont fait confiance totalement en Jésus Christ, ils ont tout abandonné pour le suivre. Soyons rassurés quant à nous de nous sentir nombreux dans la barque de Pierre, d'éprouver comme lui que nous sommes tous indignes mais que nous allons faire ce qu'il nous dit. Tous les poissons miraculeusement pêchés représentent tous les hommes repêchés par la parole de Dieu : ils sont sains et saufs grâce à Dieu. Cependant notre identité chrétienne ne s'arrête pas à être repêchés, à nous sentir pardonnés comme Pierre et Paul l'ont été, il nous faut encore participer à la pêche. Imprégnés de la parole de Dieu, nous sommes invités à avancer en eau profonde, à oser suivre tout ce qu'elle nous inspire. Soyons audacieux et courageux comme et Pierre et Paul ainsi que tous les saints que nous admirons.
« Malheur à moi, criait Isaïe, je suis perdu car je suis un homme aux lèvres impures, j'habite au milieu d'un peuple aux lèvres impures et mes yeux ont vu le Roi, le Seigneur de l'univers ». N'est-ce pas notre condition, elle que nous ressentons tous plus ou moins fort ? Un charbon brûlant apporté par un séraphin lui brûle les lèvres et lui dit : « Ceci a touché tes lèvres, et maintenant ta faute est enlevée, ton péché est pardonné ». Il entendit alors la voix du Seigneur : « Qui enverrai-je ? qui sera notre messager ? Et il répondit « Moi je serai ton messager : envoie-moi ». Saint Paul nous dit la même chose : « Je suis le plus petit des Apôtres, j'ai persécuté l'Eglise de Dieu. Mais ce que je suis, je le suis par la grâce de Dieu et la grâce de Dieu n'a pas été stérile. Je me suis donné de la peine mais à vrai dire ce n'est pas moi, c'est la grâce de Dieu avec moi ».
Qu'il est bon de réentendre Isaïe et Paul nous redire que notre Seigneur est le Saint qui peut opérer des merveilles sur cette terre. La bonne nouvelle, frères et sœurs, c'est que Dieu nous aime tous, petits et grands, et qu'il veut que nous aimions tous les hommes pour qu'ils deviennent ses enfants réunis un jour dans la même barque, tous sauvés, libres de choisir la vie véritable. Amen.
L'année de la mort du roi Ozias, je vis le Seigneur qui siégeait sur un trône très élevé ; les pans de son manteau remplissaient le Temple. Des séraphins se tenaient au-dessus de lui. Ils se criaient l'un à l'autre : « Saint ! Saint ! Saint, le Seigneur de l'univers ! Toute la terre est remplie de sa gloire. » Les pivots des portes se mirent à trembler à la voix de celui qui criait, et le Temple se remplissait de fumée. Je dis alors : « Malheur à moi ! je suis perdu, car je suis un homme aux lèvres impures, j'habite au milieu d'un peuple aux lèvres impures : et mes yeux ont vu le Roi, le Seigneur de l'univers ! » L'un des séraphins vola vers moi, tenant un charbon brûlant qu'il avait pris avec des pinces sur l'autel. Il l'approcha de ma bouche et dit : « Ceci a touché tes lèvres, et maintenant ta faute est enlevée, ton péché est pardonné. » J'entendis alors la voix du Seigneur qui disait : « Qui enverrai-je ? qui sera notre messager ? » Et j'ai répondu : « Me voici : envoie-moi ! »
- Parole du Seigneur.
Is 6, 1-2a.3-8
De tout mon c?ur, Seigneur, je te rends grâce : tu as entendu les paroles de ma bouche. Je te chante en présence des anges, vers ton temple sacré, je me prosterne.
Je rends grâce à ton nom pour ton amour et ta vérité, car tu élèves, au-dessus de tout, ton nom et ta parole. Le jour où tu répondis à mon appel, tu fis grandir en mon âme la force.
Tous les rois de la terre te rendent grâce quand ils entendent les paroles de ta bouche. Ils chantent les chemins du Seigneur : « Qu'elle est grande, la gloire du Seigneur ! »
Ta droite me rend vainqueur. Le Seigneur fait tout pour moi ! Seigneur, éternel est ton amour : n'arrête pas l'?uvre de tes mains.
Ps 137 (138), 1-2a, 2bc-3, 4-5, 7c-8
Frères, avant tout, je vous ai transmis ceci, que j'ai moi-même reçu : le Christ est mort pour nos péchés conformément aux Écritures, et il fut mis au tombeau ; il est ressuscité le troisième jour conformément aux Écritures, il est apparu à Pierre, puis aux Douze ; ensuite il est apparu à plus de cinq cents frères à la fois - la plupart sont encore vivants, et quelques-uns sont endormis dans la mort -, ensuite il est apparu à Jacques, puis à tous les Apôtres. Et en tout dernier lieu, il est même apparu à l'avorton que je suis.
Bref, qu'il s'agisse de moi ou des autres, voilà ce que nous proclamons, voilà ce que vous croyez.
- Parole du Seigneur.
1 Co 15, 3-8.11
En ce temps-là, la foule se pressait autour de Jésus pour écouter la parole de Dieu, tandis qu'il se tenait au bord du lac de Génésareth. Il vit deux barques qui se trouvaient au bord du lac ; les pêcheurs en étaient descendus et lavaient leurs filets. Jésus monta dans une des barques qui appartenait à Simon, et lui demanda de s'écarter un peu du rivage. Puis il s'assit et, de la barque, il enseignait les foules. Quand il eut fini de parler, il dit à Simon : « Avance au large, et jetez vos filets pour la pêche. » Simon lui répondit : « Maître, nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre ; mais, sur ta parole, je vais jeter les filets. » Et l'ayant fait, ils capturèrent une telle quantité de poissons que leurs filets allaient se déchirer. Ils firent signe à leurs compagnons de l'autre barque de venir les aider. Ceux-ci vinrent, et ils remplirent les deux barques, à tel point qu'elles enfonçaient. à cette vue, Simon-Pierre tomba aux genoux de Jésus, en disant : « Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur. » En effet, un grand effroi l'avait saisi, lui et tous ceux qui étaient avec lui, devant la quantité de poissons qu'ils avaient pêchés ; et de même Jacques et Jean, fils de Zébédée, les associés de Simon. Jésus dit à Simon : « Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu prendras. » Alors ils ramenèrent les barques au rivage et, laissant tout, ils le suivirent.
- Acclamons la Parole de Dieu.
Lc 5, 1-11