Une homélie de fr. Pierre de Béthune
En quoi tout cela nous concerne-t-il ? Pendant ce temps de l'Avent, nous voulons nous préparer à accueillir le Seigneur Jésus à Noël. Est-ce que ces descriptions terrifiques peuvent nous y aider ? Car enfin « le fracas de la mer et des flots qui laissent toutes les nations désemparées, les puissances des cieux ébranlées, la catastrophe qui s'abat soudain sur nous comme un filet », toutes ces images apocalyptiques ne nous impressionnent finalement pas beaucoup, parce que nous savons bien que l'apocalypse n'est qu'un procédé littéraire qui a connu un grand succès à l'époque de Jésus. D'ailleurs, en fait de catastrophe, nous en avons déjà suffisamment aujourd'hui. Guerres atroces, famines, bouleversement sociopolitiques, perversions, exploitations, déchéances... De toute façon, ce n'est pas la peur ou le dégoût qui pourront nous stimuler à réagir.
Et surtout, en nous attardant sur cette partie de l'évangile, nous risquons de brouiller l'image de la Bonne Nouvelle que Jésus est venu nous apporter. Nous entendrons l'évangile de Luc tout au long de cette année liturgique qui commence. Voyons plutôt ce qui en est l'essentiel et que nous pourrons développer par la suite. Je reprends donc ce qui est le plus important dans le texte que nous avons entendu. Je cite les premiers mots : « Jésus parlait à ses disciples de sa venue.
Il vient. C'est le sens de l'Avent. Le mot Avent s'écrit avec un e, comme dans avenir, le temps qui vient, et pas avec un a, comme dans 'C'était mieux avant'. Le temps de l'Avent qui commence aujourd'hui n'est donc pas le temps 'avant Noël', mais une période de l'année liturgique où nous renouvelons notre foi dans la venue du Seigneur (adventus), - encore aujourd'hui. Bien sûr, nous célébrons d'abord sa venue jadis, à Noël, et puis tout au long de l'histoire, mais ces venues ne sont pas qu'une histoire ancienne, révolue. Le risque de notre tradition chrétienne est précisément de se fixer sur et s'identifier à un moment de l'histoire, au risque de devenir un mémorial, un grand monument, et finalement une tradition pétrifiée. Nous ne pouvons pas nous limiter à adhérer à des vérités du temps passé, parce quand Jésus « parle de sa venue », il ne parle pas seulement à ses disciples, jadis, il s'adresse aussi à nous, aujourd'hui, parce que nous sommes responsables de la venue du Seigneur aujourd'hui.
« Il vient » qu'est-ce à dire ? Quelle est cette présence ? Il ne faut pas s'attendre à le voir descendre du ciel, dans une nuée lumineuse. En réalité, sa présence est son règne, ce règne qui vient, « règne de vie et de vérité, règne de grâce et de sainteté, règne du justice, d'amour et de paix », pour reprendre les mots entendus dimanche passé, précisément à propos du Christ. Il ne vient donc pas comme une météorite qui tombe sur notre planète de façon tout à fait aléatoire. La venue du Christ n'est pas aléatoire. Il vient au bout de notre prière, au bout de notre plus grand désir. Parce que, en tant qu'hommes et femmes de notre temps, nous sommes appelés à développer toutes nos possibilités, tant de connaissance que d'amour, tant dans le domaine scientifique et technique que dans celui de l'art, du service, de l'amour et de la patience. Mais nous savons aussi, comme le disait Pascal, que « l'homme passe infiniment l'homme ». C'est en allant ainsi jusqu'au bout, en consentant à ce dépassement, que nous pouvons appeler le Seigneur, car c'est là qu'il vient à notre rencontre.
Mes sœurs, mes frères, le Christ ne vient donc pas par hasard ; il vient toujours à notre rencontre. Même quand il nous semble arriver à l'improviste, nous découvrons, souvent plus tard, que nous l'attendions à notre insu et qu'il venait à la rencontre d'un désir profond, d'une attente encore inconsciente. Et nous pouvons alors vivre dans cet échange, et je dirais cette collaboration, avec Dieu, pour « que son règne vienne », comme nous le prions dans la prière du Seigneur.
Et il ne s'agit pas seulement d'une expérience de prière mystique, au plus profond du silence. Cette collaboration pour que vienne son règne est très concrète et quotidienne. L'évangile d'aujourd'hui précise en effet la façon dont il nous faut l'attendre : « Tenez-vous sur vos gardes, pour que votre cœur ne s'alourdisse par les plaisirs excessifs et les soucis de la vie. » Oui, mes frères, mes sœurs, c'est bien pour cela que nous devons « rester éveillés et prier en tout temps ». Ce temps de l'Avent sera alors l'occasion de voir comment vivre plus sobrement, en nous libérant des soucis de la vie, des excès, de tout ce qui alourdit notre cœur, afin d'être toujours plus éveillés, plus vivants, plus accueillants, car c'est alors qu'il vient, comme il l'a dit « Quand deux ou trois sont réunis en son nom, je suis au milieu d'eux ».
On dit que l'Avent est le temps des moines, les veilleurs. Mais aujourd'hui, avec les grands problèmes environnementaux que nous avons contribué à créer, ce temps est plus encore le temps de tous ceux qui se soucient de l'avenir de notre planète. Tiens ! Avenir et Avent, même combat ! pour nous libérer des excès qui alourdissent nos cœurs.
D'ailleurs le texte d'évangile continue encore : « Oui ! redressez-vous et relevez la tête...car il s'agit de se tenir debout devant le Fils de l'homme. » Nous continuons donc son œuvre en nous « tenant debout », en aidant nos frères, nos sœurs à se remettre debout, à « se redresser et à lever la tête ». C'est cela réaliser le Credo aujourd'hui, c'est cela croire à l'Incarnation et à la Résurrection.
Nous allons maintenant continuer notre célébration en priant et en partageant le pain. Souvenons-nous, comme saint Paul le rappelle aux Corinthiens, que l'eucharistie du Seigneur est toujours célébrée « pour qu'il vienne » et qu'il demeure parmi nous, quand nous nous aimons les uns les autres. Ce sont d'ailleurs là les derniers mots de l'Apocalypse, de toute la Bible :
« Marana tha, viens, Seigneur Jésus. »
Voici venir des jours - oracle du Seigneur - où j'accomplirai la parole de bonheur que j'ai adressée à la maison d'Israël et à la maison de Juda : En ces jours-là, en ce temps-là, je ferai germer pour David un Germe de justice, et il exercera dans le pays le droit et la justice. En ces jours-là, Juda sera sauvé, Jérusalem habitera en sécurité, et voici comment on la nommera : « Le-Seigneur-est-notre-justice. »
- Parole du Seigneur.
Jr 33, 14-16
Seigneur, enseigne-moi tes voies, fais-moi connaître ta route. Dirige-moi par ta vérité, enseigne-moi, car tu es le Dieu qui me sauve.
Il est droit, il est bon, le Seigneur, lui qui montre aux pécheurs le chemin. Sa justice dirige les humbles, il enseigne aux humbles son chemin.
Les voies du Seigneur sont amour et vérité pour qui veille à son alliance et à ses lois. Le secret du Seigneur est pour ceux qui le craignent ; à ceux-là, il fait connaître son alliance.
Ps 24 (25), 4-5ab, 8-9, 10.14
En ce temps-là, Jésus parlait à ses disciples de sa venue : « Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles. Sur terre, les nations seront affolées et désemparées par le fracas de la mer et des flots. Les hommes mourront de peur dans l'attente de ce qui doit arriver au monde, car les puissances des cieux seront ébranlées. Alors, on verra le Fils de l'homme venir dans une nuée, avec puissance et grande gloire. Quand ces événements commenceront, redressez-vous et relevez la tête, car votre rédemption approche.
Tenez-vous sur vos gardes, de crainte que votre c?ur ne s'alourdisse dans les beuveries, l'ivresse et les soucis de la vie, et que ce jour-là ne tombe sur vous à l'improviste comme un filet ; il s'abattra, en effet, sur tous les habitants de la terre entière. Restez éveillés et priez en tout temps : ainsi vous aurez la force d'échapper à tout ce qui doit arriver, et de vous tenir debout devant le Fils de l'homme. »
- Acclamons la Parole de Dieu.
Lc 21, 25-28.34-36