Une homélie de fr. Grégoire Maertens
« Mere formality unless done in love ». (St John H. Newman à propose des pratiques de Carême.)
Je ne sais pas si nous vivons dans une époque plus troublée qu'une autre. Oui, nous pouvons être mis au courant, à la minute, de ce qui se passe partout dans le monde.
Mais, intérieurement, depuis Adam, l'être humain n'aurait-il fait aucun progrès, depuis le jour où il ouvrit la bouche pour la première fois pou louer, remercier son Créateur ou pour de distancer de Lui ?
Chaque dimanche nous venons ici, non pas pour une sorte de contrôle technique mais pour nous mettre sous le soleil de notre Créateur par le moyen des rites et des paroles de la liturgie.
Ces paroles sont aujourd'hui d'une saisissante actualité.
Le Livre des Chroniques brosse le tableau d'un peuple en exil, en proie à la brutalité de ses oppresseurs : ceux-ci sont présentés comme le bras armé d'un Dieu infiniment bon mais qui ne peut plus supporter les infidélités de son peuple : désormais il ne sera plus question de patience, de pitié, mais de violence, de déportation, de destruction : on croirait assister au Journal de 20 h. !
Et le psaume 136, que nous dit_il sinon que, dans le malheur qui est le sien, le peuple en exil refuse de se laisser consoler et à plus forte raison, de faire la fête avec ses ennemis : « Comment chanterions-nous un cantique du Seigneur sur une terre étrangère ? » Paraphrasons en disant : « Comment chanter des Alléluias quand l'Église bat de l'aile et que le monde va mal ? »
Et encore : une strophe du psaume a été omise :« O Babylone, misérable, heureux qui te revaudras les maux que tu nous valus... » C'est le contraire des Béatitudes !
Mais, comme souvent dans la Bible, la lumière n'est pas loin. Comme le dit le proverbe flamand : « Als de nood op het hoogst is, is de redding nabij » : « Quand le péril est à don comble ». Le salut ne saurait tarder. Donc, à la tristesse de l'exil va succéder la douceur d'une restauration favorisée par Cyrus roi de Perse. « Le Seigneur éveilla l'esprit de Cyrus ».
Cependant pour renverser définitivement la vapeur, il faudra attendre la venue d'un certain « Jésus » dont le nom signifie exactement « Dieu sauve » : Paul nous parle de Lui avec insistance : il y a deux semaines il nous disait, dans sa lettre aux Romains qu'avec Jésus, Dieu nous avait tout donné (Rm. 8, 31) Aujourd'hui il remet ça avec force :
« A cause du grand amour dont il nous a aimés Dieu nous a donné la vie avec le Christ » et il l'a fait par grâce. A propos de ce mot « grâce », usé jusqu'à la corde, le Père Candiard, dominicain du Caire, dit ceci : « C'est le don gratuit de Dieu.....ce n'est pas une sorte de force qui nous est donnée pour atteindre tel ou tel objectif d'amélioration personnelle-comme une version pieuse de la potion magique d'Astérix- : Dieu n'a rien à donner que lui-même, sa grâce c'est son amour. »
Et Paul de continuer par cette phrase un peu énigmatique : « C'est Dieu qui a préparé les œuvres bonnes pour que nous les pratiquions... cela ne vient pas de nous, personne ne peut en tirer orgueil. »
En d'autres mots : nous ne sommes pas Dieu !
Et voici l'Évangile : Au risque de vous lasser, je dois bien constater que le discours est toujours le même : « Dieu a tant aimé le monde, qu'il a donné son Fils unique. » (Jn. 3, 15)
Ne serait-ce pas là le condensé d'un méditation de Carême pour un chrétien, un moine confronté au doute quant au sens de sa vie, pour une infirmière , un médecin face à des problèmes de conscience incontournables, pour un chef d'État sur-occupé, une diplomate plongée dans des tractation délicates : « Dieu a tant aimé le monde... » J' imagine bien ces personnes ayant dans la poche de leur veston ou dans leur sac à main ces quelques mots griffonnés sur un bout de papier (ou sur leur smartphone!) Robert Schumann a du être dans le cas.
Oui, frères et sœurs, Dieu a envoyé son fils dans le monde non pas pour juger le monde mais pour que, par lui, le monde soit sauvé.
Envers et contre tout Jésus a proclamé son grand désir de paix : sa qualité de sauveur pacifique lui a coûté la vie. Il n'a pas parcouru le monde à la rencontre des chefs d'Etat pour négocier des accords improbables : Il est resté à Jérusalem : élevé sur une potence il est devenu source silencieuse de Paix pour quiconque s'adresse à lui avec confiance : « Tout homme qui croit en Lui obtient la vie » Oui, frères et sœurs, Dieu est à l'œuvre en cet âge, comme nous le chantons parfois : il continue à ne pas juger, mais c'est au prix d'un don : Jésus, Sauveur. Ce Jésus est chaque jour crucifié sur de nouvelles croix. On voudrait dire que ce n'est pas vrai, que tout va bien . Si, c'est vrai ! Mais cette mauvaise nouvelle à laquelle un bilan objectif nous accule et qu'un avenir humain sombre nous fait craindre, n'est pas à séparer de la Bonne Nouvelle contenue dans le nom même de JESUS c'est à dire « Dieu sauve » qui fait de notre Carême non un temps de morne renoncement mais une marche croyante, espérante, aimante, vers Pâques.
Sans oublier l'essentiel : Dieu le premier a fait son Carême, il a vécu un immense renoncement, une grande mortification en nous donnant son Fils. Il a vécu un Carême d'Amour. Pour cela, rendons lui grâce de tout notre cœur. AMEN !
En ces jours-là, tous les chefs des prêtres et du peuple multipliaient les infidélités, en imitant toutes les abominations des nations païennes, et ils profanaient la Maison que le Seigneur avait consacrée à Jérusalem. Le Seigneur, le Dieu de leurs pères, sans attendre et sans se lasser, leur envoyait des messagers, car il avait pitié de son peuple et de sa Demeure. Mais eux tournaient en dérision les envoyés de Dieu, méprisaient ses paroles, et se moquaient de ses prophètes ; finalement, il n'y eut plus de remède à la fureur grandissante du Seigneur contre son peuple. Les Babyloniens brûlèrent la Maison de Dieu, détruisirent le rempart de Jérusalem, incendièrent tous ses palais, et réduisirent à rien tous leurs objets précieux. Nabucodonosor déporta à Babylone ceux qui avaient échappé au massacre ; ils devinrent les esclaves du roi et de ses fils jusqu'au temps de la domination des Perses. Ainsi s'accomplit la parole du Seigneur proclamée par Jérémie : La terre sera dévastée et elle se reposera durant 70 ans, jusqu'à ce qu'elle ait compensé par ce repos tous les sabbats profanés.
Or, la première année du règne de Cyrus, roi de Perse, pour que soit accomplie la parole du Seigneur proclamée par Jérémie, le Seigneur inspira Cyrus, roi de Perse. Et celui-ci fit publier dans tout son royaume - et même consigner par écrit - : « Ainsi parle Cyrus, roi de Perse : Le Seigneur, le Dieu du ciel, m'a donné tous les royaumes de la terre ; et il m'a chargé de lui bâtir une maison à Jérusalem, en Juda. Quiconque parmi vous fait partie de son peuple, que le Seigneur son Dieu soit avec lui, et qu'il monte à Jérusalem ! »
- Parole du Seigneur.
2 Ch 36, 14-16.19-23
Au bord des fleuves de Babylone nous étions assis et nous pleurions, nous souvenant de Sion ; aux saules des alentours nous avions pendu nos harpes.
C'est là que nos vainqueurs nous demandèrent des chansons, et nos bourreaux, des airs joyeux : « Chantez-nous, disaient-ils, quelque chant de Sion. »
Comment chanterions-nous un chant du Seigneur sur une terre étrangère ? Si je t'oublie, Jérusalem, que ma main droite m'oublie !
Je veux que ma langue s'attache à mon palais si je perds ton souvenir, si je n'élève Jérusalem au sommet de ma joie.
136 (137), 1-2, 3, 4-5, 6
Frères, Dieu est riche en miséricorde ; à cause du grand amour dont il nous a aimés, nous qui étions des morts par suite de nos fautes, il nous a donné la vie avec le Christ : c'est bien par grâce que vous êtes sauvés. Avec lui, il nous a ressuscités et il nous a fait siéger aux cieux, dans le Christ Jésus. Il a voulu ainsi montrer, au long des âges futurs, la richesse surabondante de sa grâce, par sa bonté pour nous dans le Christ Jésus. C'est bien par la grâce que vous êtes sauvés, et par le moyen de la foi. Cela ne vient pas de vous, c'est le don de Dieu. Cela ne vient pas des actes : personne ne peut en tirer orgueil. C'est Dieu qui nous a faits, il nous a créés dans le Christ Jésus, en vue de la réalisation d'?uvres bonnes qu'il a préparées d'avance pour que nous les pratiquions.
- Parole du Seigneur.
Ep 2, 4-10
En ce temps-là, Jésus disait à Nicodème : « De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l'homme soit élevé, afin qu'en lui tout homme qui croit ait la vie éternelle. Car Dieu a tellement aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. Celui qui croit en lui échappe au Jugement, celui qui ne croit pas est déjà jugé, du fait qu'il n'a pas cru au nom du Fils unique de Dieu. Et le Jugement, le voici : la lumière est venue dans le monde, et les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs ?uvres étaient mauvaises. Celui qui fait le mal déteste la lumière : il ne vient pas à la lumière, de peur que ses ?uvres ne soient dénoncées ; mais celui qui fait la vérité vient à la lumière, pour qu'il soit manifeste que ses ?uvres ont été accomplies en union avec Dieu. »
- Acclamons la Parole de Dieu.
Jn 3, 14-21