Homélie du 23 novembre 2025

 Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume 

Notre Seigneur Jésus Christ Roi de l'Univers - Année C

Une homélie de fr. Pierre de Béthune

Bien chers sœurs et frères.

Bienvenue à vous tous pour célébrer ensemble le dernier dimanche de l'année liturgique. Dès dimanche prochain nous commençons l'année nouvelle avec le Premier dimanche de l'Avent et la montée vers les fêtes de Noël, de Nouvel An et de l'Épiphanie. Or les liturgistes ont donné à ce dernier dimanche de l'an un relief tout particulier. Ils clôturent l'année en ouvrant toutes les portes et fenêtres vers un espace des plus larges : on célèbre le Christ Roi de toute l'histoire et Roi de tout l'univers. Il embrasse tout le temps historique et tout l'espace cosmique. Pour nous chrétiens l'histoire n'est pas un long tunnel sans issue et la marche de l'histoire n'est pas absurde comme un train sans conducteur qui fonce dans la nuit pour s'écraser contre un mur aveugle. L'histoire est orientée vers une rencontre hautement personnelle et vers une fête de lumière autour du Christ Jésus glorieux, avec tous les saints. Toute notre vie implique une consciente préparation à cette rencontre et chaque eucharistie dominicale nous donne d'avancer d'un pas vers ce moment de gloire commune. Invoquons donc le roi de la lumière et de la paix, le Sauveur miséricordieux qui nous promet le pardon et le joie d'être un jour avec lui en paradis. Chantons le Kyrie et supplions que sa pitié vienne rejoindre notre monde si assoiffé de paix et de communion fraternelle d'un bout de la planète à l'autre.

Homélie

Bien chers amis.

Les lectures choisies pour ce dernier dimanche de l'année liturgique peuvent nous surprendre. Quel serait le message unifié des péricopes bibliques confiées à notre méditation ?

Le point de départ fut le récit qui rappelle le moment où David encore jeune, fut désigné comme roi du peuple à Hébron. Toutes les tribus étaient réunies, et ils ont choisi ce plus jeune fils de Jessé comme leur chef et berger. Ils citent même un oracle de Dieu : «  Le Seigneur t'a dit : Tu seras le berger d'Israël, mon peuple, tu seras le chef d'Israël !  » Voilà le premier roi digne de toute l'histoire d'Israël, le modèle pour tous ceux qui lui succéderont. Jésus, «  fils de David  », se rattache à son ancêtre en tant que «  roi  » justement ! Selon les attentes de l'histoire qui suit, le Messie espéré devrait être un roi comme David, comme fils de David, comme Salomon, figure du roi de la paix !

En écoutant ce texte proclamé au milieu de notre assemblée, nous découvrons la première prise de conscience de l'espérance qui traversera toute l'histoire biblique : un jour viendra un roi de justice et de paix, pas seulement pour un seul peuple mais pour toutes les nations.

Le psaume qui suit donne voix aux pèlerins qui montent vers la cité de David, vers Jérusalem, Yerou shalaïm, la visio pacis, là où se trouve le siège du droit, et le siège de la maison de David. D'après ce psaume Jérusalem a une triple fonction : ville de la louange, ville du droit, de la justice, et ville de l'espérance messianique en raison de «  la maison de David  ». Les Pères de l'Église en relisant ce psaume diront : ceci convient comme une triple exigence à toute l'Église du Christ : être le lieu où l'on loue Dieu, être l'endroit où l'on pratique le droit et la justice, et être le lieu où l'on espère la venue du Messie en gloire, le retour du Christ roi, fils de David.

Avec une telle attente dans le cœur, nous avons ensuite écouté l'apôtre Paul, dans l'ouverture de sa lettre aux Colossiens. Rendez grâce, écrit-il, à Dieu le Père qui vous a rendus capables d'avoir part à l'héritage des saints dans la lumière. Il nous a arrachés au pouvoir des ténèbres et nous a placés dans la royaume de son Fils dans l'amour  » !

Voilà la Pâque que nous avons tous traversée en recevant le baptême au nom de Jésus. Nous avons été transférés : des ténèbres à la lumière, pour faire partie du «  Règne de son Fils dans l'amour  ». Et aussitôt après cela, Paul décrit toute la réalité cosmique avec le Christ comme roi qui précède, domine et achève tout en sa personne glorieuse. Il a ainsi la priorité en tout, étant antérieur au cosmos et premier dans la victoire sur la mort, en ressuscitant des morts en tout premier. Paul conclut en rappelant que nous avons en lui le pardon, la réconciliation, la rédemption et la paix. Grâce à lui, à son don extrême qu'il évoque en une expression : «  par le sang de la croix  ».

Le secret de cette priorité et de cette plénitude de son royaume, c'est l'amour. Le Fils est dit littéralement : «  le royaume du Fils de son amour  ». Et cet amour se récapitule dans son geste à la croix, «  le sang versé sur la croix  », expression forte et unique dans tout le NT.

Voilà la grandeur christologique qui constitue aussi le cœur de notre célébration aujourd'hui : Christ règne comme roi de l'univers et comme roi de toute l'histoire du salut, par son geste au centre de tout : sa vie donnée sur la croix.

Nous arrivons ainsi à l'évangile. Nous finissons l'année C qui a l'évangéliste Luc comme guide. Dans une semaine nous passerons à l'année A, avec Matthieu comme guide évangélique. Où voit-on dans l'évangile de Luc Jésus proclamé comme «  roi  », roi de l'univers ? Les liturgistes ont osé : ils nous ont choisi un extrait du récit de la passion lucanienne. Jésus suspendu à la croix. Au milieu de deux larrons, brigands, condamnés à mort comme lui. Vous voulez voir le grand Roi de l'univers ? Venez et regardez la croix. Le Christ crucifié, voilà votre roi. C'est aussi le cas dans la disposition de cette chapelle, ici. Tous les regards sont invités à se fixer sur ce corps blanc, nu, ouvert, surexposé, tout livré sans crispation aucune, pour toute l'humanité : en bas il y a même Adam et Ève, en haut on voit le ciel s'ouvrir avec les anges ; à droite et à gauche on a les quatre animaux des évangélistes qui annoncent le mystère de la croix aux quatre coins du monde, et sous la croix, aspergés par le sang jaillissant de son côté, «  le sang de la croix  », prend forme l'église que nous sommes avec André et Benoît, Marie et le disciple bien-aimé à gauche

En réalité Jésus n'a jamais prétendu être roi et ne s'est pas on plus conduit comme tel. Il a annoncé le Royaume de Dieu ! Pour lui Dieu est le véritable et unique roi. Il s'agit de se convertir à Dieu et de croire à la venue de son règne, visible déjà dans les signes que Jésus pose : des exorcismes, des guérisons, le pardon octroyé aux pécheurs, la victoire sur le mal, le péché et la mort. Mais justement, en parlant sans cesse avec autorité d'un autre roi, il devenait suspect. Un jour on l'a saisi de nuit et trainé devant un tribunal en le condamnant car il se dit «  Roi des Juifs  », contestant l'autorité de l'occupant romain ! Devant Pilate on répétera cette accusation. Au-dessus de la croix tous pourront lire : Rex Iudeorum. «  Roi des Juifs  », en bien trois langues et trois écritures.

C'est ce moment-là, peu avant l'ultime expiration que la liturgie a choisi pour notre méditation aujourd'hui. Une conversation prend forme entre les trois condamnés. «  Toute l'humanité pend à la croix en cette scène  », écrivait Karl Rahner. Nous sommes l'un et l'autre, brigands, larrons, criminels, condamnés et prêts à être exécutés. Leurs voix sont les nôtres ? «  Si tu es le Messie, le roi, sauve-toi toi-même et nous avec toi !  » Dépit, moquerie, incapacité de croire... Vient alors la voix du compagnon. «  Tu ne crains donc pas Dieu ? Tu es pourtant un condamné, toi aussi ! Et puis, nous c'est juste ; nous avons ce que nous méritons ! Mais lui il n'a rien fait de mal !  » Voilà sa confession : il reconnaît l'Innocent qui irradie au milieu de nous ! Vient alors la plus simple des prière : «  Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume  ». Il dit comme personne d'autre dans les évangiles : Jésus ! Le seul nom suffit, sans titre aucun. Souviens-toi de moi... dans ton Royaume  », et la thématique du roi éclaire en finale sa prière. Le vrai roi est reconnu par une foi simple et authentique.

Nous connaissons tous la réponse de Jésus : «  Aujourd'hui, tu seras avec moi dans le Paradis !  »

Dans quelques instants nous allons prononcer notre foi en celui qui fut crucifié sous Ponce Pilate. En lui nous reconnaissons la plénitude messianique du fils de David, c'est lui qui nous assure le pardon des péchés, la réconciliation, la paix, la vie éternelle. En lui nous avons été transférés dans le Royaume du Fils bien-aimé. Et c'est lui dit à chacun de nous : Aujourd'hui je viens pour être avec toi, à ta table, et toi avec moi.

En Roumanie on aime peindre l'évangile sur les murs des églises, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Je me rappelle d'une fresque à l'extérieur, près de la porte d'entrée. Un homme quasiment nu s'avance seul vers le trône : il porte une haute croix, fièrement. Il s'agit du bon larron. Il est le tout premier qui a pu entrer au paradis, avant tous les apôtres, docteurs, vierges et ascètes. C'est un miroir pour toute la communauté. «  Aujourd'hui je suis avec toi, toi avec moi à la table eucharistique  ». AMEN

 

Ils donnèrent l'onction à David pour le faire roi sur Israël

En ces jours-là, toutes les tribus d'Israël vinrent trouver David à Hébron et lui dirent : « Vois ! Nous sommes de tes os et de ta chair. Dans le passé déjà, quand Saül était notre roi, c'est toi qui menais Israël en campagne et le ramenais, et le Seigneur t'a dit : ?Tu seras le berger d'Israël mon peuple, tu seras le chef d'Israël.' » Ainsi, tous les anciens d'Israël vinrent trouver le roi à Hébron. Le roi David fit alliance avec eux, à Hébron, devant le Seigneur. Ils donnèrent l'onction à David pour le faire roi sur Israël.

- Parole du Seigneur.

2 S 5, 1-3

Quelle joie quand on m'a dit : « Nous irons à la maison du Seigneur ! » Maintenant notre marche prend fin devant tes portes, Jérusalem !

Jérusalem, te voici dans tes murs : ville où tout ensemble ne fait qu'un ! C'est là que montent les tribus, les tribus du Seigneur, là qu'Israël doit rendre grâce au nom du Seigneur.

C'est là le siège du droit, le siège de la maison de David. Appelez le bonheur sur Jérusalem : « Paix à ceux qui t'aiment ! »

Ps 121 (122), 1-2, 3-4, 5-6

Dieu nous a placés dans le Royaume de son Fils bien-aimé

Frères, rendez grâce à Dieu le Père, qui vous a rendus capables d'avoir part à l'héritage des saints, dans la lumière. Nous arrachant au pouvoir des ténèbres, il nous a placés dans le Royaume de son Fils bien-aimé : en lui nous avons la rédemption, le pardon des péchés.

Il est l'image du Dieu invisible, le premier-né, avant toute créature : en lui, tout fut créé, dans le ciel et sur la terre. Les êtres visibles et invisibles, Puissances, Principautés, Souverainetés, Dominations, tout est créé par lui et pour lui. Il est avant toute chose, et tout subsiste en lui.

Il est aussi la tête du corps, la tête de l'Église : c'est lui le commencement, le premier-né d'entre les morts, afin qu'il ait en tout la primauté. Car Dieu a jugé bon qu'habite en lui toute plénitude et que tout, par le Christ, lui soit enfin réconcilié, faisant la paix par le sang de sa Croix, la paix pour tous les êtres sur la terre et dans le ciel.

- Parole du Seigneur.

Col 1, 12-20

Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume

En ce temps-là, on venait de crucifier Jésus, et le peuple restait là à observer. Les chefs tournaient Jésus en dérision et disaient : « Il en a sauvé d'autres : qu'il se sauve lui-même, s'il est le Messie de Dieu, l'Élu ! » Les soldats aussi se moquaient de lui ; s'approchant, ils lui présentaient de la boisson vinaigrée, en disant : « Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même ! »

Il y avait aussi une inscription au-dessus de lui : « Celui-ci est le roi des Juifs. » L'un des malfaiteurs suspendus en croix l'injuriait : « N'es-tu pas le Christ ? Sauve-toi toi-même, et nous aussi ! » Mais l'autre lui fit de vifs reproches : « Tu ne crains donc pas Dieu ! Tu es pourtant un condamné, toi aussi ! Et puis, pour nous, c'est juste : après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons. Mais lui, il n'a rien fait de mal. » Et il disait : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. » Jésus lui déclara : « Amen, je te le dis : aujourd'hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. »

- Acclamons la Parole de Dieu.

Lc 23, 35-43