Homélie du 24 décembre 2023

 Il siégera sur son trône de gloire et séparera les hommes les uns des autres 

Notre Seigneur Jésus Christ Roi de l'Univers - Année A

Une homélie de fr. Benoît Standaert

Homélie :
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INTRODUCTION

Chers sœurs et frères, chers amis.

Bienvenue à vous tous, ici à Clerlande et à vous tous qui nous suivez grâce à la connexion internet. Quatrième et dernier dimanche de l'Avent et avant-veille de la grande fête de Noël. Pour nous en communauté le climat de fête est traversé d'un sentiment de deuil car vendredi dernier, tôt le matin,le fr Yves Leclef nous a quittés, doucement et sereinement, ayant atteint presque les cent ans ! Longue et belle vie, droite et généreuse, pour laquelle lui-même était plein de gratitude. «  J'ai eu une vie bien pleine  », disait-il tout récemment, et un de ses derniers écrits est un grand Merci, célébré comme une litanie de reconnaissances. La photo devant l'autel nous le restitue encore une fois bien vivant, prêt à nous partager une de ses réflexions personnelles par rapport à ce qui vient d'être dit. Rendons grâce et célébrons ce dernier Dimanche de l'Avent.

Or c'est depuis le cinquième siècle où l'on célèbre en ce jour l'Annonciation de l'ange Gabriel à la Vierge Marie de Nazareth. L'Angelus que l'on prie trois fois par jour, se clôture avec une oraison qui est celle d'aujourd'hui justement : dans cette prière on rappelle en un seul mouvement l'annonce de l'incarnation à Marie, la passion de Jésus et sa résurrection, pour nous conduire tous jusque dans la gloire avec lui ! Laissons-nous saisir par ce mouvement, ouvrons notre cœur à la Parole qui s'incarne et établit sa demeure en chacun de nous, merveille des merveilles. Invoquons le Christ. Qu'il nous visite, nous et notre monde, pour nous sauver.

Que ta grâce, Seigneur notre Dieu, se répande en nos cœurs : par le message de l'ange, tu nous as fait connaître l'incarnation de ton Fils bien-aimé. Conduis-nous par sa Passion et par sa croix jusqu'à la gloire de la résurrection.

Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur...

HOMELIE

Bien chers frères et sœurs.

«  Le roi David était enfin installé dans sa maison, à Jérusalem  ». C'est ainsi que commence la première lecture. «  Enfin  », «  dans sa maison  » ! Tout est tranquille autour de lui. Plus de guerres, plus d'ennemis à craindre. Il peut réfléchir et songer à autre chose. «  Enfin  », disait le texte. Et il constate : «  J'habite dans une maison de cèdre, et l'arche de Dieu habite sous un abri de toile !  » Il veut rien de moins que construire une belle maison pour Dieu ! Pas mal comme point de départ. Le mot «  maison  » dans toute cette page revient sans cesse, bien quinze fois quand on lit toute la page jusqu'au bout ! Le prophète Nathan approuve : «  Suis ton cœur. Tu fais bien  » ! Mais de nuit Dieu parle à son prophète qui est renvoyé au roi avec une question :

«  Est-ce bien toi qui me bâtiras une maison pour que j'y habite ?
Le Seigneur t'annonce que c'est lui-même te fera une maison !
Je te susciterai un successeur et je rendrai stable sa royauté.
Ta maison et ta royauté subsisteront toujours devant moi.
ton trône sera stable pour toujours ! 
»

Quelles promesses ! Mais aussi quel renversement : «  Toi, une maison pour moi ? Non, moi je m'occupe de t'assurer une maison pour toi !  » Avec un glissement de sens : la maison devient une famille, une descendance, une royauté assurée pour des générations ! Et dans cette descendance il y aura quelqu'un qui construira une maison pour Dieu, un temple, à savoir Salomon, le fils successeur de David ! Le projet de David se réalisera mais tout autrement que prévu !

Le grand et long Psaume 88, comme responsorial, rejoue splendidement l'oracle de Nathan

«  Sans fin je lui garderai mon amour, mon alliance avec lui sera fidèle  ». «  Il me dira : Tu es mon Père ! il sera pour moi un fils !  »

Dieu est fidèle. Par-delà certaines épreuves...

Mais que deviendra la maison de David, aussitôt après l'exil ? Plus rien de significatif... Les Perses, puis les Grecs domineront le pays... Ce sera la caste des prêtres qui dirigera le peuple. On parlera d'un «  royaume de prêtres  » qui veillera sur le peuple pour en faire un «  peuple saint  » car consacré à Dieu par une conduite sainte selon le code sacerdotal. C'est Dieu lui-même qui sera en personne le roi véritable, et les prêtres veilleront à la pleine reconnaissance de ce royaume-là. On assiste donc au cinquième et au quatrième siècle avant notre ère à un shift, un curieux décalage dans la théologie du roi et dans celle de la royauté-royaume. Jésus lui-même partagera cette vision évoluée. Il est plein, lui, comme personne d'autre, de l'idée du Royaume de Dieu. Ce Royaume qui est tout proche, sur le point de se manifester en force. Jamais il ne parle lui-même de la royauté de David ! La foule, oui, elle, l'acclame lors de son entrée à Jérusalem : «  Voici le royaume de David qui arrive !  » Mais pour Jésus, c'est Dieu qui est le roi ! Et son espérance, c'est que très prochainement ce Royaume de Dieu va éclater et introduire justice et paix sur la terre.

De Paul on entend, dans la deuxième lecture, la conclusion solennelle de sa longue épître aux Romains : une doxologie. Il y a «  mon évangile  » qui proclame «  Jésus Christ comme révélation d'un mystère porté maintenant à la connaissance de toutes les nations  » : par «  l'obéissance de la foi  » on entre dans le Royaume de Dieu qui est justice et réconciliation avec Dieu, le Dieu sage comme seul lui est sage, pour conduire l'histoire vers sa plénitude !

Dieu est entré dans l'histoire d'un peuple avec un message qui concerne tous les peuples et moi, Paul, je suis mandaté comme le porteur de cet évangile. Tout est sagesse divine dans cette haute communication. Rendons ensemble - peuple juif et toutes les nations - gloire au Dieu unique. Voilà ce que la liturgie a choisi comme courte lecture de l'Apôtre pour aujourd'hui. On y contemple la grande finalité du message qui a commencé avec celui de l'ange Gabriel dans une maison privée à Nazareth !

Venons-en donc à l'Évangile du jour : l'annonciation, à Nazareth, à une jeune fille donnée en mariage à un certain Joseph, descendant de David. Marie est le nom de cette vierge. Elle écoute et réagit jusqu'à trois reprises. Crainte, étonnement, accueil résolu et simple. Un Oui décidé, en finale. Juste avant Noël, le tout dernier dimanche de la préparation. Or l'Ange inonde le cœur de Marie de paroles qui se réfèrent à une bonne dizaine de promesses messianiques. «  Il sera grand..., il sera appelé fils du Très-Haut..., il sera considéré saint..., il régnera pour toujours... Oui, rien n'est impossible à Dieu  ». La Genèse, le prophète Nathan, les oracles du prophète Isaïe, de Daniel, les Psaumes... Toutes les Écritures convergent pour désigner l'Enfant à venir. Chaque enfant est un possible Messie ? Chaque Messie vient de Dieu mais entre dans l'histoire comme un tout petit être, totalement dépendant d'une maman qui l'allaitera.

Deux pôles se rencontrent : le divin et le très humain, l'un en face de l'autre, de façon risquée, de part et d'autre. Mystère de liberté. Dieu prend un risque énorme en se confiant à cette jeune femme et Marie à son tour se risque, consent, s'engage en toute liberté à l'égard du discours plein de promesses de l'Envoyé divin !

Les icônes ou fresques ont essayé de ressaisir ce moment extraordinaire. Au couvent dominicain de San Marco à Florence, Fra Angelico a dépeint un ange merveilleux en haut des escaliers : on le voit sur la reproduction à votre gauche. L'ange, d'une beauté splendide et terrible tout à la fois, s'abaisse, s'agenouille, est plein de révérence devant la grandeur de ce qui se passe dans le cœur de Marie ! En réalité les deux s'effacent l'un devant l'autre ! En considérant Marie on voit tout d'abord une humilité et une transparence saisissantes qui nous font comprendre pourquoi l'ange lui-même s'agenouille et tremble de respect pour ce qu'il voit en cette jeune femme. Mais plus on la regarde, plus on découvre comment nous-mêmes pouvons nous disposer intérieurement afin de recevoir adéquatement le Mystère qui vient de l'autre bord, du vis-à-vis divin pour nous visiter.

Recueillons-nous avec les qualités que nous contemplons dans cette fresque de Fra Angelico. Pensons à notre fr. Yves dans son ultime démarche où il ne lui restait plus que son souffle à abandonner à Celui qui le lui avait donné. Pour lui le Mystère l'a désormais gagné et absorbé, il y est entré pour de bon. Pour nous, dans la temporalité, il reste le défi de l'accueillir encore et toujours plus pleinement pour qu'il nous transforme. Bien lire l'Ecriture et se recueillir à partir d'elle, c'est renaître, c'est engendrer, mais aussi mourir, s'abandonner jusqu'à l'extrême et transmettre ainsi la grande Vie.

Soyons avec Marie des femmes et des hommes de prière, redécouvrons la maison évangélique où par l'humble acquiescement naît l'événement de ce que nous appelons avec un nom original : l'incarnation. La «  maison  » que Dieu a promis de construire, se situe désormais dans le temple de nos cœurs. Réalisons de nouveau pleinement la dignité sacerdotale de notre baptême.

Dès ce soir tous nous serons en train de veiller et d'accueillir le Nouveau-né, désiré depuis toujours, le Sauveur recueilli et comme sauvé dans une humble mangeoire au milieu d'une étable avec un bœuf et un âne... Célébrons-le avec un cœur marial, humblement et en pleine transparence à la Lumière qui vient à nous. Amen.

 

Toi, mon troupeau, voici que je vais juger entre brebis et brebis

Ainsi parle le Seigneur Dieu : Voici que moi-même, je m'occuperai de mes brebis, et je veillerai sur elles. Comme un berger veille sur les brebis de son troupeau quand elles sont dispersées, ainsi je veillerai sur mes brebis, et j'irai les délivrer dans tous les endroits où elles ont été dispersées un jour de nuages et de sombres nuées. C'est moi qui ferai paître mon troupeau, et c'est moi qui le ferai reposer, - oracle du Seigneur Dieu. La brebis perdue, je la chercherai ; l'égarée, je la ramènerai. Celle qui est blessée, je la panserai. Celle qui est malade, je lui rendrai des forces. Celle qui est grasse et vigoureuse, je la garderai, je la ferai paître selon le droit. Et toi, mon troupeau - ainsi parle le Seigneur Dieu -, voici que je vais juger entre brebis et brebis, entre les béliers et les boucs.

- Parole du Seigneur.

Ez 34, 11-12.15-17

Le Seigneur est mon berger : je ne manque de rien. Sur des prés d'herbe fraîche, il me fait reposer.

Il me mène vers les eaux tranquilles et me fait revivre ; il me conduit par le juste chemin pour l'honneur de son nom.

Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi, ton bâton me guide et me rassure.

Tu prépares la table pour moi devant mes ennemis ; tu répands le parfum sur ma tête, ma coupe est débordante.

Grâce et bonheur m'accompagnent tous les jours de ma vie ; j'habiterai la maison du Seigneur pour la durée de mes jours.

Ps 22 (23), 1-2ab, 2c-3, 4, 5, 6

Il remettra le pouvoir royal à Dieu le Père, et ainsi, Dieu sera tout en tous

Frères, le Christ est ressuscité d'entre les morts, lui, premier ressuscité parmi ceux qui se sont endormis. Car, la mort étant venue par un homme, c'est par un homme aussi que vient la résurrection des morts. En effet, de même que tous les hommes meurent en Adam, de même c'est dans le Christ que tous recevront la vie, mais chacun à son rang : en premier, le Christ, et ensuite, lors du retour du Christ, ceux qui lui appartiennent. Alors, tout sera achevé, quand le Christ remettra le pouvoir royal à Dieu son Père, après avoir anéanti, parmi les êtres célestes, toute Principauté, toute Souveraineté et Puissance. Car c'est lui qui doit régner jusqu'au jour où Dieu aura mis sous ses pieds tous ses ennemis. Et le dernier ennemi qui sera anéanti, c'est la mort. Et, quand tout sera mis sous le pouvoir du Fils, lui-même se mettra alors sous le pouvoir du Père qui lui aura tout soumis, et ainsi, Dieu sera tout en tous.

- Parole du Seigneur.

1 Co 15, 20-26.28

Chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Quand le Fils de l'homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire. Toutes les nations seront rassemblées devant lui ; il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des boucs : il placera les brebis à sa droite, et les boucs à gauche.

Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite : ?Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde. Car j'avais faim, et vous m'avez donné à manger ; j'avais soif, et vous m'avez donné à boire ; j'étais un étranger, et vous m'avez accueilli ; j'étais nu, et vous m'avez habillé ; j'étais malade, et vous m'avez visité ; j'étais en prison, et vous êtes venus jusqu'à moi !? Alors les justes lui répondront : ?Seigneur, quand est-ce que nous t'avons vu? ? tu avais donc faim, et nous t'avons nourri ? tu avais soif, et nous t'avons donné à boire ? tu étais un étranger, et nous t'avons accueilli ? tu étais nu, et nous t'avons habillé ? tu étais malade ou en prison? Quand sommes- nous venus jusqu'à toi ?? Et le Roi leur répondra : ?Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait.?

Alors il dira à ceux qui seront à sa gauche : ?Allez-vous-en loin de moi, vous les maudits, dans le feu éternel préparé pour le diable et ses anges. Car j'avais faim, et vous ne m'avez pas donné à manger ; j'avais soif, et vous ne m'avez pas donné à boire ; j'étais un étranger, et vous ne m'avez pas accueilli ; j'étais nu, et vous ne m'avez pas habillé ; j'étais malade et en prison, et vous ne m'avez pas visité.? Alors ils répondront, eux aussi : ?Seigneur, quand t'avons-nous vu avoir faim, avoir soif, être nu, étranger, malade ou en prison, sans nous mettre à ton service ?? Il leur répondra : ?Amen, je vous le dis : chaque fois que vous ne l'avez pas fait à l'un de ces plus petits, c'est à moi que vous ne l'avez pas fait.?

Et ils s'en iront, ceux-ci au châtiment éternel, et les justes, à la vie éternelle. »

- Acclamons la Parole de Dieu.

Mt 25, 31-46