Une homélie de fr. Grégoire Maertens
Nous voici de nouveau en plein temps ordinaire, ballotés entre la Bible et le journal, entre les événements de la vie quotidienne et les dimanches et nous venons nous attabler auprès du Seigneur pour manger sa Parole.
C'est par le truchement du prophète Isaïe que Dieu nous prend par la main : « Ceux qui s'attachent à moi, je les guiderai, je les rendrai heureux, je leur ferai bon accueil... » N'avons-nous pas souvent besoin de telles paroles pour ne pas nous tromper de Dieu, pour nous sentir bien dans notre foi ?
Ensuite Saint Paul, dont nous pouvons retenir cette perle : « Dieu fait miséricorde à tous les hommes »: en sommes-nous bien convaincus ? Ce n'est pas à une belle idée que nous nous attachons, une belle devise que nous épinglons sur le mur de la chambre : il s'agit de Quelqu'un à qui on se confie, par une sorte d'entrainement quotidien - appelons cela la prière si vous voulez- ce n'est pas non plus le signe de croix express du footballeur avant le match, c'est plutôt l'ouverture à l'action intérieure de l'Esprit de Jésus qui favorise l'éclosion de la foi, de l'espérance, de l'amour. Je pense à cette célèbre prière du Cardinal Mercier : « O Esprit-Saint, âme de mon âme, je vous adore, éclairez-moi, guidez-moi, fortifiez-moi, consolez-moi, dites-moi ce que je dois faire.... »
Et puis, voici la Cananéenne : elle n'est pas théologienne, ni habituée des synagogues et des rabbins, ni versée dans les Ecritures mais elle est versée dans le soin de son enfant : ses diplômes, sa science, elle les tient de sa maternité : elle devine à qui il faut s'adresser : Jésus ne lui fait pas peur : certains l'appellent « bon maître ». Peut-être a-t-elle entendu parler de la guérison de la fille de Jaïre, de l'exaucement du Centurion romain païen, dont le serviteur était à toute extrémité ? Quel est donc cet homme dont tout le comportement dit quelque chose de neuf sur un Dieu si souvent caricaturé et mal-aimé ? Mise en confiance elle se dit : « Qui ne risque rien, n'a rien ».
La suite nous est connue : la rebuffade des apôtres qui n'ont pas fort envie d'aider mais plutôt de se débarrasser d'une importune grâce à une guérison, vite fait bien fait, comme le Maître en a le secret. Dans un premier temps on pourrait croire que Jésus est du même avis : « Je me dois de m'occuper de mes proches, d'abord ». Ne serait-il pas sensible aux propos du Pape François sur les périphéries ? Vient le moment où Jésus va craquer, c'est quand la Cananéenne appelle à la rescousse les « petits chiens » qui se contentent des miettes tombées de la table du Maître. N'avait-il pas déclaré un jour : « Je suis venu pour que les hommes aient la vie et pour qu'ils l'aient en abondance ». Eh bien, voilà l'occasion rêvée : ne plus se contenter de s'adresser aux bons observateurs de la loi des ancêtres mais à tous oui, à tous : juifs et païens, hommes et femmes, vieillards et enfants malades et bien- portants, justes et pécheurs. Nous l'avons chanté dans le psaume 66 :
« Ton chemin sera connu sur la terre Ton salut, parmi toutes les nations ». Le seul préalable requis - mais de n'est pas une menace- c'est la foi,la foi dans ses grandes dimensions : « Femme, grande est ta foi ! » On peut dire que cette femme nous enseigne les grandes étapes de toute eucharistie :
Il y a le Kyrie : « Aie pitié de moi, Seigneur ! » « Viens à mon secours ! » Ensuite le Credo: le cri de foi applaudi par Jésus. Enfin voici le « Notre Père » mais inversé : ce n'est pas :« Notre Père qui es aux cieux...que ta volonté soit faite... », mais : « Femme, que ta volonté se fasse, que tout s'accomplisse comme tu le veux ! »
Que conclure, sinon que l'Eglise dont nous sommes les membres, est invitée à une grande foi qui ne consiste pas tant à réciter le Credo imprimé - même si c'est important aussi- mais à pratiquer le Credo de charité. De la part de la femme païenne de Tyr et de Sidon c'était le cri du cœur, un cri de confiance.
Nous n'aurons pas assez de toute une année pour cultiver les petits grains de foi de notre jardin intérieur et pour ramasser les miettes de miséricorde que le Seigneur aura laissé tomber pour que les partagions au tout venant. AMEN !
Ainsi parle le Seigneur : Observez le droit, pratiquez la justice, car mon salut approche, il vient, et ma justice va se révéler.
Les étrangers qui se sont attachés au Seigneur pour l'honorer, pour aimer son nom, pour devenir ses serviteurs, tous ceux qui observent le sabbat sans le profaner et tiennent ferme à mon alliance, je les conduirai à ma montagne sainte, je les comblerai de joie dans ma maison de prière, leurs holocaustes et leurs sacrifices seront agréés sur mon autel, car ma maison s'appellera « Maison de prière pour tous les peuples. »
- Parole du Seigneur.
Is 56, 1.6-7
Que Dieu nous prenne en grâce et nous bénisse, que son visage s'illumine pour nous ; et ton chemin sera connu sur la terre, ton salut, parmi toutes les nations.
Que les nations chantent leur joie, car tu gouvernes le monde avec justice ; tu gouvernes les peuples avec droiture, sur la terre, tu conduis les nations.
La terre a donné son fruit ; Dieu, notre Dieu, nous bénit. Que Dieu nous bénisse, et que la terre tout entière l'adore !
Ps 66 (67), 2-3, 5, 7-8
Frères, je vous le dis à vous, qui venez des nations païennes : dans la mesure où je suis moi-même apôtre des nations, j'honore mon ministère, mais dans l'espoir de rendre jaloux mes frères selon la chair, et d'en sauver quelques-uns. Si en effet le monde a été réconcilié avec Dieu quand ils ont été mis à l'écart, qu'arrivera-t-il quand ils seront réintégrés ? Ce sera la vie pour ceux qui étaient morts !
Les dons gratuits de Dieu et son appel sont sans repentance. Jadis, en effet, vous avez refusé de croire en Dieu, et maintenant, par suite de leur refus de croire, vous avez obtenu miséricorde ; de même, maintenant, ce sont eux qui ont refusé de croire, par suite de la miséricorde que vous avez obtenue, mais c'est pour qu'ils obtiennent miséricorde, eux aussi. Dieu, en effet, a enfermé tous les hommes dans le refus de croire pour faire à tous miséricorde.
- Parole du Seigneur.
Rm 11, 13-15.29-32
En ce temps-là, Jésus se retira dans la région de Tyr et de Sidon. Voici qu'une Cananéenne, venue de ces territoires, disait en criant : « Prends pitié de moi, Seigneur, fils de David ! Ma fille est tourmentée par un démon. » Mais il ne lui répondit pas un mot. Les disciples s'approchèrent pour lui demander : « Renvoie-la, car elle nous poursuit de ses cris ! » Jésus répondit : « Je n'ai été envoyé qu'aux brebis perdues de la maison d'Israël. » Mais elle vint se prosterner devant lui en disant : « Seigneur, viens à mon secours ! » Il répondit : « Il n'est pas bien de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens. » Elle reprit : « Oui, Seigneur ; mais justement, les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres. » Jésus répondit : « Femme, grande est ta foi, que tout se passe pour toi comme tu le veux ! » Et, à l'heure même, sa fille fut guérie.
- Acclamons la Parole de Dieu.
Mt 15, 21-28