Homélie du 13 août 2023

 Ordonne-moi de venir vers toi sur les eaux 

dimanche, 19ème Semaine du Temps Ordinaire - Année A

Une homélie de fr. Yves de patoul

Homélie :
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Jésus vient de nourrir une foule de gens affamés dans un endroit désert. Il décide de se retirer, «  à l'écart pour prier  ». Mais avant cela, il prend soin d'envoyer ses disciples et, avec un peu de malice, il leur dit d'aller «  de l'autre côté du lac  » où ils se retrouveront tous ensemble. Tout cela dit-il, le temps de renvoyer cette nombreuse foule nombreuse, après quoi il prend encore le temps de prier seul dans la montagne.

Et ce qui devait arriver arriva : une tempête se lève sur le lac et voilà que la barque de Pierre est secouée par des vents contraires. Pour le lecteur averti, que nous sommes tous, cette barque est à coup sûr celle de l'Église, cette Église qui a subi tout au long de son histoire des vents contraires : les persécutions déjà au temps de la rédaction des évangiles et tout le temps de l'empire romain, les hérésies, les invasions barbares, le grand schisme Orient-Occident dont nous subissons encore les effets aujourd'hui, la Réforme protestante, et la sécularisation aujourd'hui que l'internet a encore accélérée.

La réaction de Jésus va se dérouler en plusieurs temps suivant une pédagogie qu'il vaut la peine de comprendre parce qu'elle est divine. En réalité, le premier moment de cette pédagogie est cette injonction qui précède : «  Allez-vous-en promener en traversant le lac (dans lequel il y avait de fréquentes tempêtes). On se retrouvera de l'autre côté  ». Sans vouloir surestimer le danger de cette traversée, on peut déjà voir dans cette injonction la simple idée de Jésus de vouloir se séparer de ses chers disciples pour les obliger à explorer de nouveaux horizons où il est absent, où Dieu est absent. Et c'est vrai autant pour la région qu'ils devaient atteindre que ce milieu du lac qui est naturellement hostile.

Le deuxième moment est celui où Jésus décide de les rejoindre sachant qu'ils sont en difficulté. Comment fait-il ? Il marche sur les eaux. Cela peut nous faire sourire mais cette façon surréaliste exprime simplement la maîtrise par Dieu de tous les éléments de la nature et de l'homme : Dieu seul peut nous sauver. Il a la maitrise de tout : les ténèbres, les vents contraires, la peur qui va régner dans la barque de Pierre à la vue d'un prétendu fantôme. Citons le Psaume 76 : «  Sur la mer fut ton chemin, ton sentier sur les eaux innombrables ; et tes traces, nul ne les connut  » (v. 20). Mais il faut la part de l'homme, il faut qu'il collabore, chose qui est difficile et qui n'est pas évidente comme la suite va nous le montrer.

Le troisième moment est celui d'un dialogue en réponse à des cris de peur et d'épouvante. Jésus commence en s'adressant à tous : «  Confiance ! N'ayez pas peur, c'est moi !  ». L'Apôtre Pierre dont nous connaissons bien son enthousiasme, son culot et aussi son aplomb riposte : «  Seigneur, si c'est bien toi, ordonne-moi de venir vers toi sur les eaux  ». Le Seigneur respecte sa volonté et lui dit «  Viens  », il sort de la barque, mais hélas il est trop lourd, son humanité est trop pesante et il se met à couler ; la peur le tenaille toujours, les vents contraires ont encore raison de sa volonté de rejoindre son Maître. Jésus change d'attitude : il lui tend la main et lui adresse personnellement la parole en l'encourageant : «  tu manques de foi, tu as douté de la force qui est en moi et que je t'ai donnée  »

La pédagogie divine se manifeste clairement par des attitudes différentes de Jésus de façon à aboutir au bout du compte aux attitudes qui conviennent à l'un ou à l'autre. D'abord il éloigne ses disciples de lui-même en les plaçant dans des univers nouveaux où ils devront se débrouiller avec la parole qui leur a été donnée, dans des situations où ils doivent se tirer d'affaire en gardant le cap de l'ouverture et de la proximité du Royaume de Dieu. L'Église doit, elle aussi, affronter de nombreux challenge, de nombreux défis où la présence de Dieu est presqu'inexistante, voire hostile. Dans cette mesure, nous sommes tous concernés parce qu'un jour ou l'autre nous devrons affronter l'ennemi ou l'impie comme disent les paumes. De plus nous connaissons tous des situations conflictuelles, des moments de doute, ou encore des moments où la nature se rebelle par différentes voies : la maladie, les intempéries, les accidents ou encore la mort.

Ensuite, il entre en dialogue pour nous orienter vers la bonne voie : «  Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? Tu te centres trop sur toi-même ; la peur d'avancer te paralyse ; fais un acte de foi, saute à l'eau, crois en moi qui te protège et te sauves sans arrêt  ». Ce dialogue nous est «  familier  » dans la prière, ou dans la lecture priante de l'Ecriture, celle dans laquelle nous interrogeons le Christ sur une orientation à prendre quant à la vision de Dieu sur une situation particulière.

Nous n'avons pas encore parlé de l'épilogue de ce récit de la tempête apaisée : quand tous les deux entrent dans la barque «  le vent tomba  ». C'est le dernier moment de notre parcours de pédagogie divine, le happy end : Pierre et Jésus montent dans la barque qui peut poursuivre son chemin sans encombre car les vents contraires disparaissent à l'instant. Cette perspective est un peu plus difficile à concevoir dans la réalité de nos vies, de nos cheminements communautaires ou ecclésiaux. Mais elle nous donne une assurance : la barque de Pierre ne peut pas couler, les vents contraires finiront par disparaître tant que le Christ est accueilli dans la foi et la prière. Comment et quand, cela reste mystérieux et hors de notre entendement.

Une chose est sûre : pour aboutir à la béatitude de la paix, pour éviter de sombrer, de tomber plus bas, il faut accepter un chemin d'insécurité, il faut accepter de crier son angoisse et d'implorer le secours de Dieu. Il faut entendre la voie du Christ : «  prends ma main, cesse de ne compter que sur toi-même, aie la foi, la confiance inébranlable en moi car moi j'ai vaincu toutes les forces du mal  ». Nous pensons à tous ceux qui ont tout perdu dans des incendies ou des inondations comme l'actualité le montre chaque jour : ayant eu la vie sauve ils doivent tout reconstruire avec l'aide de Dieu. Nous prions pour tous ceux qui vivent des moments difficiles dus à l'âge, à la maladie ou aux circonstances malheureuses comme le prophète Elie qui découvrit finalement la présence du Seigneur au cœur de sa détresses et de sa fragilité.

 

Tiens-toi sur la montagne devant le Seigneur

En ces jours-là, lorsque le prophète Élie fut arrivé à l'Horeb, la montagne de Dieu, il entra dans une caverne et y passa la nuit. Le Seigneur dit : « Sors et tiens-toi sur la montagne devant le Seigneur, car il va passer. » À l'approche du Seigneur, il y eut un ouragan, si fort et si violent qu'il fendait les montagnes et brisait les rochers, mais le Seigneur n'était pas dans l'ouragan ; et après l'ouragan, il y eut un tremblement de terre, mais le Seigneur n'était pas dans le tremblement de terre ; et après ce tremblement de terre, un feu, mais le Seigneur n'était pas dans ce feu ; et après ce feu, le murmure d'une brise légère. Aussitôt qu'il l'entendit, Élie se couvrit le visage avec son manteau, il sortit et se tint à l'entrée de la caverne.

- Parole du Seigneur.

1 R 19, 9a.11-13a

J'écoute : que dira le Seigneur Dieu ? Ce qu'il dit, c'est la paix pour son peuple et ses fidèles. Son salut est proche de ceux qui le craignent, et la gloire habitera notre terre.

Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s'embrassent ; la vérité germera de la terre et du ciel se penchera la justice.

Le Seigneur donnera ses bienfaits, et notre terre donnera son fruit. La justice marchera devant lui, et ses pas traceront le chemin.

Ps 84 (85), 9ab-10, 11-12, 13-14

Pour les Juifs, mes frères, je souhaiterais être anathème

Frères, c'est la vérité que je dis dans le Christ, je ne mens pas, ma conscience m'en rend témoignage dans l'Esprit Saint : j'ai dans le c?ur une grande tristesse, une douleur incessante. Moi-même, pour les Juifs, mes frères de race, je souhaiterais être anathème, séparé du Christ : ils sont en effet Israélites, ils ont l'adoption, la gloire, les alliances, la législation, le culte, les promesses de Dieu ; ils ont les patriarches, et c'est de leur race que le Christ est né, lui qui est au-dessus de tout, Dieu béni pour les siècles. Amen.

- Parole du Seigneur.

Rm 9, 1-5

Ordonne-moi de venir vers toi sur les eaux

Aussitôt après avoir nourri la foule dans le désert, Jésus obligea les disciples à monter dans la barque et à le précéder sur l'autre rive, pendant qu'il renverrait les foules. Quand il les eut renvoyées, il gravit la montagne, à l'écart, pour prier. Le soir venu, il était là, seul. La barque était déjà à une bonne distance de la terre, elle était battue par les vagues, car le vent était contraire.

Vers la fin de la nuit, Jésus vint vers eux en marchant sur la mer. En le voyant marcher sur la mer, les disciples furent bouleversés. Ils dirent : « C'est un fantôme. » Pris de peur, ils se mirent à crier. Mais aussitôt Jésus leur parla : « Confiance ! c'est moi ; n'ayez plus peur ! » Pierre prit alors la parole : « Seigneur, si c'est bien toi, ordonne-moi de venir vers toi sur les eaux. » Jésus lui dit : « Viens ! » Pierre descendit de la barque et marcha sur les eaux pour aller vers Jésus. Mais, voyant la force du vent, il eut peur et, comme il commençait à enfoncer, il cria : « Seigneur, sauve-moi ! » Aussitôt, Jésus étendit la main, le saisit et lui dit : « Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? » Et quand ils furent montés dans la barque, le vent tomba. Alors ceux qui étaient dans la barque se prosternèrent devant lui, et ils lui dirent : « Vraiment, tu es le Fils de Dieu ! »

- Acclamons la Parole de Dieu.

Mt 14, 22-33