Une homélie de fr. Martin Neyt
Mes sœurs, mes frères.
Savons-nous prier comme il faut ? Prenons-nous le temps de laisser le souffle de Dieu prier en nous ? Et même de laisser l'Esprit de Dieu intercéder en nous en gémissements indicibles ?
C'est bien ce que Jésus attend de chacun de nous si nous joignons ensemble les plaintes de tant de pays, celles de tant de personnes qui nous entourent et les pleurs qui nous habitent. Jésus est saisi de compassion devant la détresse de tant de personnes désemparées, abattues sans berger. Il se présente comme un berger nous conduisant vers son Père.
L'Evangile de ce jour débute par une conclusion de Jésus qui vient d'accomplir trois fois trois miracles calmant une tempête, chassant des démons, guérissant des malades. Ces actes entraînent la conversion de Matthieu, l'appel à suivre Jésus, le choix des « douze Apôtres » et la mission qui leur est confiée.
Alors que toute la création est dans les douleurs de l'enfantement, alors que le Christ, Bon Pasteur, apporte guérison, paix et espérance, pouvons-nous entendre ce qui est au fond du cœur de Dieu devant l'humanité harassée et prostrée comme des brebis qui n'ont pas de berger ? Jésus s'affirme comme Doux et Humble de cœur qui se dessaisit de sa vie pour les siens (Jn 10, 11). Il est le bon berger, nous révélant son Père, et dans la Rome antique son icône et des sculptures le représentent dans les catacombes romaines. Déjà le prophète Ezechiel annonçait du Messie : « Je viens moi-même chercher mon troupeau pour en prendre soin » (Ez.34,12 ».
Le bon Pasteur est là guérissant et enseignant. Il annonce la réalité du Royaume des cieux qu'il rend actuelle et appelle les siens à y participer. La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Sa prière se tourne vers ses disciples : « Priez, priez donc le Maître d'envoyer des ouvriers dans sa moisson ». La prière reste au cœur de l'action chez ceux que Jésus appelle.
L'Evangile poursuit : Jésus convoque « ses douze Apôtres » pour annoncer avec lui la venue du Royaume des cieux, c'est-à-dire chasser les forces du mal et guérir toute infirmité.
La mention des « douze Apôtres » est presque unique dans le nouveau Testament et relie deux termes : d'une part, les douze c'est-à-dire un lien fondamental reliant l'A.T. au NT, (ce sont les 12 tribus d'Israël) et d'autre part, les Apôtres représentent les envoyés, les délégués du Christ-Jésus.
Comme l'écrit St Ephrem : « A la Pentecôte, les Apôtres étaient là avec Marie, assidus à la prière, attendant la venue de l'Esprit. Ils étaient comme des flambeaux, attendant d'être embrasés par l'Esprit Saint pour illuminer toute la création par leur enseignement...Ils étaient comme des cultivateurs portant leur semence dans le pan de leur manteau qui guettaient le moment où ils recevront l'ordre de semer...Ils étaient là comme des marins attendant dans leur barque le doux vent de l'Esprit...Ils étaient là comme des bergers attendant que leur soient distribués les troupeaux.
Oui, à la suite du Christ Pasteur, voilà les disciples - chacun de nous- priant pour connaître l'appel entendu, notre mission annonçant sous le souffle de l'Esprit l'amour et l'espérance. Chaque Apôtre, à travers son nom et sa mission, s'en va guidé par la brise de l'Esprit : Pierre et Paul, à Rome et dans le bassin de la Méditerranée ; Marc à Venise et en Egypte ; Thomas en Inde, du Kerala à Shennaï ; plus tard, ce sera la Chine, l'Asie, l'Amérique latine, l'Afrique.
Avec eux, c'est toute l'histoire chrétienne qui s'amorce depuis des siècles dans le mystère de chaque appel. C'est l'œuvre de l'Esprit de Jésus qui se poursuit en eux et en nous. Le Pape Jean-Paul II affirmait que l'Europe s'était tournée depuis bien des siècles vers d'autres continents quasi à sens unique et que de nos jours, ce sont les autres cultures qui se tournent vers l'Europe. Sans parler des paroisses, les monastères, comme l'abbaye de Saint-André, avaient envoyé des moines au Brésil, en Chine, en Inde et en Afrique. De nos jours, ce sont des moines vietnamiens, indiens, africains qui apportent leur soutien à l'Europe défaillante. Prions pour que ce développement reste sous le souffle de l'Esprit et que la parole du Christ à la Samaritaine retentisse : « Crois-moi, femme, l'heure vient - et maintenant elle est là- où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ».
Ensemble, prions et rendons grâce à Dieu, notre Père, dans cette Eucharistie pour qu'Il mène à son terme son dessein de communion et d'unité dans nos monastères et dans toutes les églises.
Acclamez le Seigneur, terre entière, servez le Seigneur dans l'allégresse, venez à lui avec des chants de joie !
Reconnaissez que le Seigneur est Dieu : il nous a faits, et nous sommes à lui, nous, son peuple, son troupeau.
Oui, le Seigneur est bon, éternel est son amour, sa fidélité demeure d'âge en âge.
Ps 99 (100), 1-2, 3, 5