Homélie du 21 avril 2024

Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis

4ème Dimanche de Pâques (semaine IV du Psautier) - Année B

Une homélie de fr. Pierre de Béthune

Homélie :
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L'image du bon pasteur est une des plus anciennes et des plus belles représentations du Christ. Nous l'aimons, parce qu'elle exprime bien la confiance que nous pouvons avoir en lui. Nous sommes comme cette brebis portée sur les épaules du divin berger. Elle sait qu'elle «  compte vraiment  » pour lui, car il n'est pas un mercenaire. Pour lui, chaque brebis est importante, unique. Au besoin, si elle se perd, il ira la chercher au fond des ravins, et il la conduit à la vie en plénitude. Nous nous reconnaissons volontiers dans la brebis, et aussi la brebis perdue. Nous aimons prier le psaume 22 : «  Le Seigneur est mon berger ; je ne manque de rien. Il me mène vers les eaux tranquilles et me fait revivre...  »

Mais nous lisons aussi dans l'épître aux Hébreux que «  le Dieu de la paix a fait remonter d'entre les morts le grand pasteur des brebis notre Seigneur Jésus  ». L'image du bon pasteur est une image pascale. C'est pourquoi nous lisons ce passage ces jours-ci. Cette lecture nous rappelle que, depuis Pâques, nous sommes les témoins de la vie du Christ, et non seulement des témoins qui peuvent en parler, mais des envoyés qui peuvent continuer son œuvre, avec la force et la douceur de son Esprit.

Nous ne pouvons plus nous limiter à être les bénéficiaires un peu passifs de toute la sollicitude du Bon Berger. Nous devons aussi accepter un rôle actif. Avec l'énergie du Ressuscité, nous sommes appelés à assumer, à notre tour, la responsabilité de berger ou de bergère. Ce que Jésus a fait, nous sommes appelés à le faire nous aussi, autant que nous le pouvons. Que ce soit le service, - souvenons-nous du lavement des pieds et de la demande de de Jésus à «  faire de même  », - ou que ce soit la sollicitude pour nos frères et sœurs, comme un berger, il s'agit toujours de faire comme lui, désormais.

Oui, me frères, mes sœurs, nous ne devons pas avoir peur d'être aussi les uns pour les autres comme des bons bergers, de bonnes bergères.

Cela suppose deux choses. Et d'abord nous demander si nous avons vraiment un troupeau. Être berger, ce n'est pas nécessairement avoir un rôle de guide, une autorité pour un certain nombre de personnes qui dépendent de nous. Notez comment font les bergers : il en est souvent question dans la Bible. Par exemple David qui, comme dit le psaume, «  a été pris de derrière son troupeau  ». Il marche derrière, pour veiller à ce qu'il n'y ait pas de retardataires, une brebis blessée ou égarée. Le troupeau trouve bien son chemin tout seul, mais il a besoin d'un berger pour le protéger. Nous aussi, même si nous marchons derrière, nous avons tous et toutes la responsabilité d'un troupeau : une famille, une communauté, des amis, et plus largement encore, toute la famille humaine, «  la multitude  » comme dit Jésus qui a «  donné sa vie pour la multitude  » : c'est ce qui est dit chaque jour à la messe.

Nous ne sommes pas seuls ; nous vivons dans une grande interdépendance. C'est pourquoi tout ce que nous entreprenons a du sens et de l'importance, - pour le meilleur et pour le pire. Même une existence apparemment très ordinaire a cette importance unique, si nous le voulons bien, parce que nous pouvons, mystérieusement, «  porter les fardeaux les uns des autres  », et même nous porter les uns les autres, avec tendresse et efficacité. Y compris dans la prière, toujours universelle. Cet évangile du Bon Pasteur n'est donc pas qu'une belle image pieuse et consolante ; il est une belle occasion pour nous demander ce qu'il en est de notre troupeau.

Mais pour être de bons bergers, de bonnes bergères, selon le cœur de Dieu, il y a encore une deuxième exigence. Le texte de notre évangile continue en effet : «  ... le vrai berger donne sa vie pour ses brebis  ». Et ensuite encore, quelques lignes plus loin, Jésus redit par deux fois qu' «  il donne sa vie pour ses brebis  ». C'est donc fondamental pour être un vrai berger, une vraie bergère.

Mes sœurs, mes frères, tel est pour nous le sens ultime de cet évangile. Si nous voulons accueillir à notre tour la mission que le Ressuscité nous confie, il nous faut être comme le bon berger, prêt à 'donner sa vie'. Ici aussi, nous ne devons pas avoir peur des mots qui peuvent nous sembler grandiloquents. Bien sûr, «  il n'y a pas de plus grand amour...  », comme le dit saint Jean dans son épître. Mais 'donner sa vie', ce n'est pas nécessairement accepter de mourir à la place d'une autre personne, comme l'a fait ce policier français lors d'une prise en otage... Parfois, oui, il faut être prêts... Pensons plutôt ici à ce que signifie l'expression 'donner la vie'. Une mère 'donne la vie' à son enfant et le met au monde. Mais alors, il est bien vrai qu'elle donne aussi sa vie ! Et ce n'est pas une tâche facile ! Mais ce n'est pas un héroïsme rare, heureusement. Or c'est une chose pareille que nous sommes tous appelés à faire. Cela exige du temps, beaucoup de patience, des renoncements et beaucoup d'espérance. Pour donner la vie autour de nous, il faut aussi donner du temps, de l'attention, de l'estime. Cela signifie parfois aussi, perdre du temps, perdre certains avantages, oui, perdre sa vie dans des travaux, des soins, des attentes qui ne sont pas tellement gratifiants.

Tous les humains sont appelés à cet amour, qu'ils soient ou non chrétiens. Mais, je crois que l'évangile, à sa façon, peut nous aider à bien vivre ce don de nous-mêmes. Jésus nous précise en effet : «  Je suis le bon pasteur, je connais mes brebis et mes brebis me connaissent  ». La connaissance de Jésus nous permet de mieux aimer et de donner plus consciemment notre vie. Comme le dit Saint Paul, «  Il s'agit de le connaître, lui, et la puissance de sa résurrection, et la communion à ses souffrances  ». (Ph 3, 10) Seuls, sans références, sans exemples, il nous est plus difficile d'aller jusqu'au bout de nos possibilité d'aimer. Mais en voyant comment le Christ vivait, nous sommes encouragés à aller par ce chemin. Nous voyons dans les évangiles comment il rencontrait les personnes et «  prenait sur lui leurs infirmités  » (Mt 8,17). Et, comme les disciples d'Emmaüs, nous le reconnaissons «  à la fraction du pain  ».

Effectivement, le don de soi est toujours un partage et une fraction, plus exactement une fraction pour un partage. C'est une brisure, une souffrance. Toute la vie de Jésus parmi nous a été un tel partage, une présence et un service, et cela lui a valu beaucoup de contradictions et de souffrance. Mais aussi une grande joie. Comme il nous le disait à la Dernière Cène : «  Lorsque la femme enfante, elle est dans l'affliction puisque son heure est venue ; mais lorsqu'elle a donné le jour à l'enfant, elle ne se souvient plus de son accablement, elle est toute à la joie d'avoir mis un homme au monde.  » (Jn 16, 21)

Je conclus : quand Jésus, un peu après, a partagé le pain pour ses disciples, il a ajouté : «  Faites ceci en mémoire de moi !  » Ici encore, comme pour le lavement des pieds, il nous demande de «  faire de même  ». Pendant l'eucharistie, nous allons donc refaire à sa mémoire ce geste, le geste de la fraction du pain. Mais nous savons qu'il ne s'agit pas seulement d'un geste liturgique. En participant à l'eucharistie et en communiant à ce pain brisé, partagé, nous nous engageons aussi, tous, à partager, à donner notre vie, autant que nous le pouvons, là où nous sommes.

 

En nul autre que lui, il n'y a de salut

En ces jours-là, Pierre, rempli de l'Esprit Saint, déclara : « Chefs du peuple et anciens, nous sommes interrogés aujourd'hui pour avoir fait du bien à un infirme, et l'on nous demande comment cet homme a été sauvé. Sachez-le donc, vous tous, ainsi que tout le peuple d'Israël : c'est par le nom de Jésus le Nazaréen, lui que vous avez crucifié mais que Dieu a ressuscité d'entre les morts, c'est par lui que cet homme se trouve là, devant vous, bien portant. Ce Jésus est la pierre méprisée de vous, les bâtisseurs, mais devenue la pierre d'angle. En nul autre que lui, il n'y a de salut, car, sous le ciel, aucun autre nom n'est donné aux hommes, qui puisse nous sauver. »

- Parole du Seigneur.

Ac 4, 8-12

Rendez grâce au Seigneur : Il est bon ! Éternel est son amour ! Mieux vaut s'appuyer sur le Seigneur que de compter sur les hommes ; mieux vaut s'appuyer sur le Seigneur que de compter sur les puissants !

Je te rends grâce car tu m'as exaucé : tu es pour moi le salut. La pierre qu'ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d'angle : c'est là l'?uvre du Seigneur, la merveille devant nos yeux.

Béni soit au nom du Seigneur celui qui vient ! De la maison du Seigneur, nous vous bénissons ! Tu es mon Dieu, je te rends grâce, mon Dieu, je t'exalte ! Rendez grâce au Seigneur : Il est bon ! Éternel est son amour !

Ps 117 (118), 1.8-9, 21-23, 26.28-29

Nous verrons Dieu tel qu'il est

Bien-aimés, voyez quel grand amour nous a donné le Père pour que nous soyons appelés enfants de Dieu - et nous le sommes. Voici pourquoi le monde ne nous connaît pas : c'est qu'il n'a pas connu Dieu. Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons n'a pas encore été manifesté. Nous le savons : quand cela sera manifesté, nous lui serons semblables car nous le verrons tel qu'il est.

- Parole du Seigneur.

1 Jn 3, 1-2

Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis

Jn 10, 11-18