Une homélie de fr. Benoît Standaert
Bienvenue à vous tous, chers amis, dans notre montée commune vers Pâques. Chaque dimanche est une étape. Une étape dans l'histoire du salut, aujourd'hui avec Moïse et le peuple qui traverse le désert, une étape aussi de mûrissement dans la rencontre personnelle avec Jésus qui ouvre des trésors de vie spirituelle « en esprit et en vérité », comme il dit, par-delà les rites et les lieux sacrés sur telle ou telle montagne.
Faisons silence et accueillons la parole : Aujourd'hui, si vous entendez sa voix, n'endurcissez pas votre cœur comme au désert... Invoquons-le avec foi, lui le Rocher d'où coule une eau vivifiante, jaillissant en vie éternelle.
Homélie.
Chers amis, faisons ensemble silence auprès du puits.
« Donne-moi à boire ». Mais qui es-tu pour me le demander ? Tu oses !
« Si tu savais le don de Dieu, c'est toi qui me demanderais de l'eau ! »
Mais qui es-tu bien pour donner de l'eau : tu n'as rien pour puiser et le puits est profond ! Serais-tu plus grand que notre père Jacob qui nous a donné le puits ? »
« Je suis ». « Je suis plus que le plus grand, je suis tout simplement. Si tu savais ! »
Alors, serais-tu le prophète ? le Messie ?
« Je le suis qui te parle ! »
Chers amis, quel dialogue étrange, avec de continuels rebondissements imprévisibles pour aboutir au plus simple : « en esprit et en vérité » ! La vraie relation, la vraie prière ne dépendent ni du lieu (telle ou telle montagne) ni du temps. Être vrai, « en esprit et en vérité » ici et maintenant.
« Va chercher ton mari ! » Qu'est-ce que ce tiers vient faire ici ?
Je n'en ai pas ! Un mensonge ? « Tu en as eu cinq ! et celui qui est près de toi n'est pas ton mari non plus... Tu dis vrai ! »
On a le souffle coupé, non ? Cela deviendra une clef : « Venez voir, un homme qui a tout dit de ce que j'ai fait ! Il sonde les cœurs, un vrai prophète, non ? » Elle est vue (comme Nathanaël au début de l'évangile), elle est scrutée et sondée, renvoyée à sa vérité la plus dépouillée et elle le reconnaît. À la fin tous disent en Samarie : « Nous te croyons, pas seulement sur ta parole ! Nous avons vu et entendu : c'est lui le sauveur du monde ! »
Les disciples sont allés en ville mais n'ont rien prêché du tout. La mission se passe autrement dans le Quatrième Evangile. Une causerie au bord du puits hors de la ville, voilà l'amorce de la mission en Samarie ! Vendredi dernier on était réuni pour nous interroger sur la Paix chez saint Benoît. La dernière question : quelle serait la mission d'un monastère bénédictin ? La paix comme mission. Dans le NT on a plusieurs modèles de la mission. Celui que nous connaissons le mieux est celui du missionnaire qui part en Inde, en Chine, au Congo. Saint Paul qui traverse la Turquie, la Macédoine, la Grèce et tient à atteindre l'Espagne en passant par Rome ! Mais il existe aussi juste le contraire : mission par attraction. Dans saint Matthieu Jésus est là au bord du lac ou sur la montagne et tous viennent à lui : sa présence suffit. Il attire. Mission par attraction, comme un aimant attire tout métal. Dans les échanges vendredi plusieurs voix se sont levées pour dire : le monastère est une oasis, j'y trouve de quoi me refaire, par le silence, la solitude, le recueillement, la paix ou l'harmonie qui y règne avec des horaires simples et clairs. Un monastère est comme l'arbre au milieu du village africain : sous l'arbre on se retrouve, pour palabrer. Couper l'arbre et il n'y a plus de palabre, on ne se reconnaît plus entre villageois. On a besoin de tels lieux dans le paysage, disait quelqu'un. Il faut tout faire pour que le lieu demeure et garde ses qualités précieuses. On peut dénaturer un lieu par des hôtelleries où tout le monde parle et discute à haute voix. Le recueillement redevient impossible dans le lieu même où on espère le trouver. Plus de discipline, plus codes clairs et forts. Tout devient du n'importe quoi. On fuit alors le monastère pour retrouver ailleurs ce qui donne accès à la Source. Rien ne va de soi, mais la mission est néanmoins claire.
Une conversation peut être l'amorce d'une mission.
Pas de conversation sans silence, recueillement, pour rejoindre le vrai et l'esprit saint, la Source au creux de notre pauvreté première.
Chaque liturgie nous rassemble autour de symboles très simples : une cruche, de l'eau, du vin, une coupe, une galette, du pain rompu et partagé avec amour, en esprit et en vérité. Découvrons dans le partage humble la révélation d'une source intarissable : « qui boit de cette eau que je donnerai n'aura plus jamais soif ». Est-ce une exagération ou le reflet fidèle d'une authentique expérience ? Méditons et accueillons : aujourd'hui n'endurcissons pas notre cœur ! Comme à Massa et à Meriba. Accueillons le don de Dieu, en vérité. Amen.
En ces jours-là, dans le désert, le peuple, manquant d'eau, souffrit de la soif. Il récrimina contre Moïse et dit : « Pourquoi nous as-tu fait monter d'Égypte ? Était-ce pour nous faire mourir de soif avec nos fils et nos troupeaux ? » Moïse cria vers le Seigneur : « Que vais-je faire de ce peuple ? Encore un peu, et ils me lapideront ! » Le Seigneur dit à Moïse : « Passe devant le peuple, emmène avec toi plusieurs des anciens d'Israël, prends en main le bâton avec lequel tu as frappé le Nil, et va ! Moi, je serai là, devant toi, sur le rocher du mont Horeb. Tu frapperas le rocher, il en sortira de l'eau, et le peuple boira ! » Et Moïse fit ainsi sous les yeux des anciens d'Israël.
Il donna à ce lieu le nom de Massa (c'est-à-dire : Épreuve) et Mériba (c'est-à-dire : Querelle), parce que les fils d'Israël avaient cherché querelle au Seigneur, et parce qu'ils l'avaient mis à l'épreuve, en disant : « Le Seigneur est-il au milieu de nous, oui ou non ? »
- Parole du Seigneur.
Ex 17, 3-7
Venez, crions de joie pour le Seigneur, acclamons notre Rocher, notre salut ! Allons jusqu'à lui en rendant grâce, par nos hymnes de fête acclamons-le !
Entrez, inclinez-vous, prosternez-vous, adorons le Seigneur qui nous a faits. Oui, il est notre Dieu ; nous sommes le peuple qu'il conduit.
Aujourd'hui écouterez-vous sa parole ? « Ne fermez pas votre c?ur comme au désert, où vos pères m'ont tenté et provoqué, et pourtant ils avaient vu mon exploit. »
Ps 94 (95), 1-2, 6-7ab, 7d-8a.9
Frères, nous qui sommes devenus justes par la foi, nous voici en paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus Christ, lui qui nous a donné, par la foi, l'accès à cette grâce dans laquelle nous sommes établis ; et nous mettons notre fierté dans l'espérance d'avoir part à la gloire de Dieu. Et l'espérance ne déçoit pas, puisque l'amour de Dieu a été répandu dans nos c?urs par l'Esprit Saint qui nous a été donné. Alors que nous n'étions encore capables de rien, le Christ, au temps fixé par Dieu, est mort pour les impies que nous étions. Accepter de mourir pour un homme juste, c'est déjà difficile ; peut-être quelqu'un s'exposerait-il à mourir pour un homme de bien. Or, la preuve que Dieu nous aime, c'est que le Christ est mort pour nous, alors que nous étions encore pécheurs.
- Parole du Seigneur.
Rm 5, 1-2.5-8
En ce temps-là, Jésus arriva à une ville de Samarie, appelée Sykar, près du terrain que Jacob avait donné à son fils Joseph. Là se trouvait le puits de Jacob. Jésus, fatigué par la route, s'était donc assis près de la source. C'était la sixième heure, environ midi. Arrive une femme de Samarie, qui venait puiser de l'eau. Jésus lui dit : « Donne-moi à boire. » - En effet, ses disciples étaient partis à la ville pour acheter des provisions. La Samaritaine lui dit : « Comment ! Toi, un Juif, tu me demandes à boire, à moi, une Samaritaine ? » - En effet, les Juifs ne fréquentent pas les Samaritains. Jésus lui répondit : « Si tu savais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : ?Donne-moi à boire', c'est toi qui lui aurais demandé, et il t'aurait donné de l'eau vive. » Elle lui dit : « Seigneur, tu n'as rien pour puiser, et le puits est profond. D'où as-tu donc cette eau vive ? Serais-tu plus grand que notre père Jacob qui nous a donné ce puits, et qui en a bu lui-même, avec ses fils et ses bêtes ? » Jésus lui répondit : « Quiconque boit de cette eau aura de nouveau soif ; mais celui qui boira de l'eau que moi je lui donnerai n'aura plus jamais soif ; et l'eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d'eau jaillissant pour la vie éternelle. » La femme lui dit : « Seigneur, donne-moi de cette eau, que je n'aie plus soif, et que je n'aie plus à venir ici pour puiser. Je vois que tu es un prophète !... Eh bien ! Nos pères ont adoré sur la montagne qui est là, et vous, les Juifs, vous dites que le lieu où il faut adorer est à Jérusalem. » Jésus lui dit : « Femme, crois-moi : l'heure vient où vous n'irez plus ni sur cette montagne ni à Jérusalem pour adorer le Père. Vous, vous adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous, nous adorons ce que nous connaissons, car le salut vient des Juifs. Mais l'heure vient - et c'est maintenant - où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et vérité : tels sont les adorateurs que recherche le Père. Dieu est esprit, et ceux qui l'adorent, c'est en esprit et vérité qu'ils doivent l'adorer. » La femme lui dit : « Je sais qu'il vient, le Messie, celui qu'on appelle Christ. Quand il viendra, c'est lui qui nous fera connaître toutes choses. » Jésus lui dit : « Je le suis, moi qui te parle. »
Beaucoup de Samaritains de cette ville crurent en Jésus. Lorsqu'ils arrivèrent auprès de lui, ils l'invitèrent à demeurer chez eux. Il y demeura deux jours. Ils furent encore beaucoup plus nombreux à croire à cause de sa parole à lui, et ils disaient à la femme : « Ce n'est plus à cause de ce que tu nous as dit que nous croyons : nous-mêmes, nous l'avons entendu, et nous savons que c'est vraiment lui le Sauveur du monde. »
- Acclamons la Parole de Dieu.
Jn 4, 5-15.19b-26.39a.40-42