Une homélie de fr. Pierre de Béthune
Nouvel An 2023
Hier nous avons exprimé notre action de grâce pour tant de grâces reçues au cours de l'année qui s'achevait. Aujourd'hui nous accueillons une nouvelle 'année de grâces', comme l'annonçait Jésus à Nazareth, en citant le prophète Isaïe.
En fait, il s'agit toujours de recevoir 'grâce sur grâce', comme il est dit au Prologue de saint Jean : « de sa plénitude nous avons tous reçu, et grâce sur grâce ». (χαριν αντι χαριτοσ) C'est là une expression qui intrigue le lecteur, et les traducteurs hésitent : 'grâce après grâce' ou 'grâce pour grâce'.
Mais il me semble qu'elle conduit au cœur de l'Évangile, et d'abord au cœur du mystère de Marie, mère de Dieu. À Marie, 'pleine de grâce', l'ange Gabriel apporte un salut qui évoque tout ce que l'on peut désirer. Il lui dit littéralement « Χαιρε κεχαριτομενη... Grâce à toi, comblée de grâce ». Ici encore cette façon de s'exprimer n'est pas une simple tautologie, ni un simple constat, mais l'expression de la surabondance de l'amour de Dieu pour les humains. Cette expression nous invite à méditer à nouveaux frais sur ce mystère de l'action de Dieu parmi nous.
Dieu est celui qui veut nous combler de sa vie, nous combler de sa grâce. Il attend seulement que nous lui soyons accueillants, comme l'a été la Vierge Marie. Ailleurs dans l'évangile, Jésus nous dit : « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement ». La gratuité, la gratitude, est à la racine de toute démarche selon l'Évangile. Il s'agit d'abord de reconnaître que nous avons tout reçu, « la vie, le mouvement et l'être ». Car « Dieu nous a aimés le premier », « alors que nous étions pécheurs », alors que nous n'étions rien. Aussi, en réponse à sa grâce reçue si abondamment, nous voulons vivre dans la gratitude, sachant que nous ne pourrons jamais donner autant que nous avons reçu.
En commençant cette année, tournons-nous donc résolument vers l'avant. Il n'est plus temps pour faire des bilans, des regrets, ou pour nous souvenir de nos péchés. Oui, mes frères, mes sœurs, nous ne savons pas ce que cette nouvelle année nous réserve, mais nous y mettons tout notre amour.
C'est ainsi que pouvons communier au don de Dieu et entrer dans cet échange merveilleux qu'il nous propose. En effet, nous prenons mieux conscience de tous ces dons immérités dont nos frères et nos sœurs nous comblent. Car nous reconnaissons tout ce que nous recevons très concrètement et très quotidiennement de nos frères, de nos proches et, de proche en proche, de tant d'autres personnes, grâce auxquelles nous pouvons vivre, sans lesquelles nous ne pourrions même pas manger, nous déplacer, nous développer de toutes manières. Il est vrai que nous pensons aussi souvent à tout ce que les autres nous doivent Mais, au début de cette année, ne vaut-il pas mieux nettoyer l'ardoise et laisser la reconnaissance, la gratitude nous envahir ? Car alors, dans cet esprit nous pouvons aussi donner à notre tour, redonner, spontanément, non pas par devoir moral, mais naturellement, comme la fleur donne son parfum.
Nous commençons cette année dans l'intimité, mais nous savons qu'elle s'ouvre aussi sur notre vaste monde. Cette belle communion que nous vivons, et cette action de grâce pour tant de dons échangés entre nous débouche sur une solidarité accrue. Nous ne voulons pas limiter nos échanges à notre milieu. Même si nous ne pouvons pas grand-chose pour aider directement tant de personnes qui doivent affronter des situations révoltantes de souffrance, d'indigence, de haine, - précisément par manque de vrai échange, - nous ne voulons pas les ignorer. Nous sommes encore dans un temps d'hiver, assez bouché, et cependant cette nouvelle année s'ouvre sur un grand horizon.
La journée du 1er janvier est traditionnellement dédiée à la paix. Mais la paix n'est pas un état statique où il ne se passe rien ; elle est ce mouvement d'échange harmonieux, juste, où, constamment, nous recevons et nous donnons. Recevons donc volontiers tous les gestes et les mots de paix, de réconciliation qui nous sont adressés ces jours-ci, et puisons-y une nouvelle énergie pour devenir à notre tour des artisans de paix.
Nous continuons maintenant cette eucharistie qui est une action de grâce pour l''admirable échange' que Dieu a fait avec nous. Nous allons prier pour tous nos frères et sœurs et accueillir ensuite, comme la Vierge Marie, 'grâce sur grâce'.
Le Seigneur parla à Moïse. Il dit : « Parle à Aaron et à ses fils. Tu leur diras : Voici en quels termes vous bénirez les fils d'Israël : ?Que le Seigneur te bénisse et te garde ! Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage, qu'il te prenne en grâce ! Que le Seigneur tourne vers toi son visage, qu'il t'apporte la paix !? Ils invoqueront ainsi mon nom sur les fils d'Israël, et moi, je les bénirai. »
- Parole du Seigneur.
Nb 6, 22-27
Que Dieu nous prenne en grâce et nous bénisse, que son visage s'illumine pour nous ; et ton chemin sera connu sur la terre, ton salut, parmi toutes les nations.
Que les nations chantent leur joie, car tu gouvernes le monde avec justice ; tu gouvernes les peuples avec droiture, sur la terre, tu conduis les nations.
Que les peuples, Dieu, te rendent grâce ; qu'ils te rendent grâce tous ensemble ! Que Dieu nous bénisse, et que la terre tout entière l'adore !
Ps 66 (67), 2-3, 5, 6.8
Frères, lorsqu'est venue la plénitude des temps, Dieu a envoyé son Fils, né d'une femme et soumis à la loi de Moïse, afin de racheter ceux qui étaient soumis à la Loi et pour que nous soyons adoptés comme fils. Et voici la preuve que vous êtes des fils : Dieu a envoyé l'Esprit de son Fils dans nos c?urs, et cet Esprit crie « Abba ! », c'est-à-dire : Père ! Ainsi tu n'es plus esclave, mais fils, et puisque tu es fils, tu es aussi héritier : c'est l'?uvre de Dieu.
- Parole du Seigneur.
Ga 4, 4-7
En ce temps-là, les bergers se hâtèrent d'aller à Bethléem, et ils découvrirent Marie et Joseph, avec le nouveau-né couché dans la mangeoire. Après avoir vu, ils racontèrent ce qui leur avait été annoncé au sujet de cet enfant. Et tous ceux qui entendirent s'étonnaient de ce que leur racontaient les bergers. Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son c?ur. Les bergers repartirent ; ils glorifiaient et louaient Dieu pour tout ce qu'ils avaient entendu et vu, selon ce qui leur avait été annoncé.
Quand fut arrivé le huitième jour, celui de la circoncision, l'enfant reçut le nom de Jésus, le nom que l'ange lui avait donné avant sa conception.
- Acclamons la Parole de Dieu.
Lc 2, 16-21