Une homélie de fr. Pierre de Béthune
Ce merveilleux évangile illumine notre monde depuis des siècles. Aujourd'hui, au plus sombre de l'hiver, il invite encore tous les humains de bonne volonté à choisir la tendresse et la paix, avec l'aide de Dieu.
Laissons ce texte rayonner aujourd'hui sur notre assemblée.
Vous avez remarqué avec quel soin saint Luc situe la naissance de Jésus dans l'histoire : « au temps de César Auguste, alors que Quirinius était gouverneur de Syrie... ». Il ne commence pas son récit comme on commence un conte de fées : « Il y avait une fois... ». Non ! Noël s'inscrit dans l'histoire. L'histoire de ce temps-là, - l'histoire d'aujourd'hui. Et cependant ce n'est pas César Auguste qui a changé le monde, mais le petit enfant dans la crèche. Il a changé l'orientation de notre regard. Nous le tournons généralement vers tout ce qui est puissant, impressionnant. Et c'est vrai que l'humanité a réalisé beaucoup de choses merveilleuses, - parfois au prix de beaucoup d'exploitation et de souffrance. Nous participons aussi à cette histoire, le mieux possible. Mais nous pouvons désormais voir une autre histoire, ou mieux une autre dimension de l'histoire. C'est celle que Jésus a inaugurée. C'est l'histoire de la grâce, et nous sommes aujourd'hui en l'an de grâce 2022.
Par sa naissance, Jésus nous a en effet révélé la façon Dieu veut conduire le monde. Il est certes le Créateur du ciel et de la terre. Il est le Puissant qui fait des merveilles, mais il est surtout celui qui élève les humbles, comble de biens les Aussi, quand il vient parmi nous, le signe qui nous est donné est celui d'un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. Plus précisément, il a voulu venir dans la précarité et le dénuement pour nous révéler que, sans nous, il ne peut rien faire. Déjà, sans le consentement de la Vierge, à l'Annonciation, il n'y aurait pas eu d'incarnation. Et, à sa naissance, sans les soins attentifs de ses parents, il n'aurait même pas survécu. Ensuite, tout au long de sa vie, nous savons qu'il n'avait pas toujours un endroit où reposer la tête ; il a toujours dû demander l'hospitalité.
D'ailleurs ses disciples ont constamment mis en œuvre cette révélation, au long des siècles. Ils ont montré que, comme le disait saint Paul, « C'est quand je suis faible que je suis fort ». La grande histoire universelle continue avec fracas, mais nous avons vu l'Esprit de Jésus à l'œuvre en tant de saints ou d'obscurs fidèles, l'histoire de la grâce. Et nous sommes désormais invités à y participer.
Oui, mes frères, mes sœurs, nous sommes ici au cœur du mystère de notre collaboration avec Dieu, pour la vie du monde : bien sûr, nous ne pouvons rien sans lui, mais lui non plus ne peut rien sans nous. Ce mystère, le mystère de l'incarnation, est un 'merveilleux échange', comme le chante la liturgie, où Dieu prend notre pauvreté, pour nous enrichir de sa force. Voilà ce que nous fêtons aujourd'hui ! Parce que Dieu nous aime, il se révèle dans sa totale faiblesse.
Si nous voulons entrer dans ce mystère et connaître la joie de l'Évangile, il nous faut donc commencer par reconnaître là cette présence de Dieu : au plus pauvre, au plus vrai de notre vie. Il est là, - plus profond que nos préoccupations, nos projets et nos regrets, plus évident que nos échecs, nos limitations et notre péché. En effet, comme le disent ceux qui ont beaucoup médité sur ce mystère, il nous importe peu que le Christ soit né à Bethlehem, il y a deux mille ans, s'il ne nait pas aujourd'hui parmi nous. Notre foi ne consiste pas à croire à un évènement du passé. La venue de Dieu concerne notre temps. La fête de Noël nous rappelle qu'il nous est toujours présent au plus profond de notre cœur, comme il est présent au cœur de tout humain quand il prie « en esprit et en vérité », -- quelle que soit sa 'prière'. C'est pourquoi nous prenons du temps, cette nuit, pour l'accueillir dans le silence, la prière et l'ovation.
Mais il faut encore aller plus loin dans cette expérience du mystère de Noël. Il ne suffit pas de reconnaître que nous portons en quelque sorte le Christ en nous, et que nous sommes appelés à le laisser grandir en nous. Car il est aussi possible, et nécessaire, d'également le 'mettre au monde' Oui, nous sommes responsables de la venue de Dieu dans notre monde actuel. Car cela veut dire que nous aussi, même dans notre faiblesse si évidente, nous sommes désormais bien placés pour l'aimer et pour le faire aimer autour de nous.
Aimer dans la faiblesse, ce n'est pas aimer faiblement. C'est plutôt aimer éperdument, sans épargner ses faibles forces. Et c'est aussi savoir qu'alors une force plus grande nous est donnée. Devant les problèmes et les misères qui nous sont annoncés par tous les média, nous sommes parfois tentés de perdre courage ; face aux problèmes plus proches, dans nos familles et communautés ou dans notre propre chair, le désespoir nous guette aussi quelquefois, et nous nous demandons : de toute façon, tout ce que nous pouvons faire n'est-il pas dérisoire ? Mais la bonne nouvelle qui nous est annoncée à Noël est précisément que, là aussi, même dans des situations banales et apparemment sans issues, l'amour, puisé au plus profond de notre être, dans une prière au Seigneur Jésus, l'amour reçu et donné, humblement, n'est pas insignifiant, dérisoire ; il a une valeur et une force insoupçonnées. Il faut l'expérimenter pour le comprendre. L'intensité de ce rayonnement dépend de la simplicité du don que nous faisons de nous-même. Mais alors nos simples gestes de service et de tendresse offerts autour de nous sont porteurs d'une force qui nous dépasse. Ils rayonnent de proche en proche et atteignent bien au-delà des limites de nos prévisions.
C'est ainsi que nous entrons dans l'histoire inaugurée à Noël. Et c'est ainsi que la paix de Dieu que nous pouvons établir en nous-mêmes, dans nos familles et communautés n'est jamais confinée à ces milieux. Elle se répand, comme naturellement autour de nous. À notre insu, elle a sa place dans notre histoire si mouvementée et inquiétante ; elle contribue, à sa place, à la réconciliation entre tous les humains ; elle entre enfin dans la louange de tous les êtres et même dans celle des anges qui chantent pour les pauvres bergers : « Gloire à Dieu et paix aux hommes, ses bien-aimés ! »
Le roi David habitait enfin dans sa maison. Le Seigneur lui avait accordé la tranquillité en le délivrant de tous les ennemis qui l'entouraient. Le roi dit alors au prophète Nathan : « Regarde ! J'habite dans une maison de cèdre, et l'arche de Dieu habite sous un abri de toile ! » Nathan répondit au roi : « Tout ce que tu as l'intention de faire, fais-le, car le Seigneur est avec toi. » Mais, cette nuit-là, la parole du Seigneur fut adressée à Nathan : « Va dire à mon serviteur David : Ainsi parle le Seigneur : Est-ce toi qui me bâtiras une maison pour que j'y habite ? C'est moi qui t'ai pris au pâturage, derrière le troupeau, pour que tu sois le chef de mon peuple Israël. J'ai été avec toi partout où tu es allé, j'ai abattu devant toi tous tes ennemis. Je t'ai fait un nom aussi grand que celui des plus grands de la terre. Je fixerai en ce lieu mon peuple Israël, je l'y planterai, il s'y établira et ne tremblera plus, et les méchants ne viendront plus l'humilier, comme ils l'ont fait autrefois, depuis le jour où j'ai institué des juges pour conduire mon peuple Israël. Oui, je t'ai accordé la tranquillité en te délivrant de tous tes ennemis.
Le Seigneur t'annonce qu'il te fera lui-même une maison. Quand tes jours seront accomplis et que tu reposeras auprès de tes pères, je te susciterai dans ta descendance un successeur, qui naîtra de toi, et je rendrai stable sa royauté. Moi, je serai pour lui un père ; et lui sera pour moi un fils. Ta maison et ta royauté subsisteront toujours devant moi, ton trône sera stable pour toujours. »
- Parole du Seigneur.
2 S 7, 1-5.8b-12.14a.16
L'amour du Seigneur, sans fin je le chante ; ta fidélité, je l'annonce d'âge en âge. Je le dis : C'est un amour bâti pour toujours ; ta fidélité est plus stable que les cieux.
« Avec mon élu, j'ai fait une alliance, j'ai juré à David, mon serviteur : J'établirai ta dynastie pour toujours, je te bâtis un trône pour la suite des âges.
« Il me dira : Tu es mon Père, mon Dieu, mon roc et mon salut ! Sans fin je lui garderai mon amour, mon alliance avec lui sera fidèle. »
88 (89), 2-3, 4-5, 27.29
En ce temps-là, à la naissance de Jean Baptiste, Zacharie, son père, fut rempli d'Esprit Saint et prononça ces paroles prophétiques : « Béni soit le Seigneur, le Dieu d'Israël, qui visite et rachète son peuple. Il a fait surgir la force qui nous sauve dans la maison de David, son serviteur, comme il l'avait dit par la bouche des saints, par ses prophètes, depuis les temps anciens : salut qui nous arrache à l'ennemi, à la main de tous nos oppresseurs, amour qu'il montre envers nos pères, mémoire de son alliance sainte ; serment juré à notre père Abraham de nous rendre sans crainte, afin que, délivrés de la main des ennemis, nous le servions dans la justice et la sainteté, en sa présence, tout au long de nos jours.
Toi aussi, petit enfant, tu seras appelé prophète du Très-Haut ; tu marcheras devant, à la face du Seigneur, et tu prépareras ses chemins, pour donner à son peuple de connaître le salut par la rémission de ses péchés, grâce à la tendresse, à l'amour de notre Dieu, quand nous visite l'astre d'en haut, pour illuminer ceux qui habitent les ténèbres et l'ombre de la mort, pour conduire nos pas au chemin de la paix. »
- Acclamons la Parole de Dieu.
Lc 1, 67-79