Homélie du 2 octobre 2022

 Si vous aviez de la foi ! 

dimanche, 27ème Semaine du Temps Ordinaire - Année C

Une homélie de fr. Pierre de Béthune

Homélie :
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«  AUGMENTE EN NOUS LA FOI !  »

Il s'agit vraiment d'une question d'actualité. Nous voyons que la foi diminue dans nos régions, parfois aussi dans notre famille. Il semble que certains ont même tout-à-fait perdu la foi, comme on dit. Alors nous nous demandons : quant à nous, que pouvons-nous faire aujourd'hui pour conserver, pour augmenter la foi en nous, autour de nous ?

Bien sûr, nous ne pouvons pas nous-mêmes augmenter la foi, ni en nous, ni autour de nous ; nous ne pouvons que demander : «  Augmente en nous la foi !  » (Augmente toi notre foi !) Il faut cependant respecter ce désir de collaborer à développer la foi ; c'est en particulier la mission des parents et des enseignants qui s'engagent à transmettre leur foi. C'est une très belle mission. Mais elle ne peut pas se réaliser de n'importe quelle façon. Si l'évangile de ce dimanche est tout à fait d'actualité, c'est précisément parce qu'il nous demande de revoir à nouveaux frais ce qu'est vraiment la foi pour nous, là où nous vivons aujourd'hui.

Or nous sommes encore influencés par une conception trop simpliste de la foi : comme si elle était une chose, pour ainsi dire posée devant nous, et qu'on pouvait acquérir, donner ou perdre. On l'identifiait à son contenu notionnel, le symbole de la foi. Le credo est effectivement le symbole, la formulation de son contenu, mais il n'est pas sa réalité, son dynamisme. Il ne suffit pas de le réciter, ni même de l'étudier pour être croyant. Ce n'est pas nécessairement en devenant théologien qu'on augmente sa foi.

La foi n'est pas non plus une puissance, comme pourrait le faire croire l'image de l'arbre qui, à notre ordre, irait se planter dans la mer. Car toutes les réalités vraiment importantes, la foi, l'amour, l'espérance, ne peuvent jamais être possédées, comme des pouvoirs, des propriétés personnelles. Un homme qui aime sa femme ne peut pas dire : «  J'ai une femme  », mais seulement : «  Je suis à elle  ». Ce qui nous est le plus essentiel ne nous appartient pas ; il nous est toujours donné, c'est une grâce. Ainsi de la foi. Nous ne pouvons pas l'avoir ou la perdre, nous ne pouvons donc pas non plus la transmettre telle quelle ; nous ne pouvons qu'en témoigner par notre vie. Comme je le lisais récemment, le rôle de l'enseignant ne consiste pas à remplir un vase, mais à allumer un feu.

Revenons donc à la question des apôtres. S'ils demandent au Seigneur d'augmenter en eux la foi, c'est parce que Jésus leur avait souvent reproché leur manque de foi : «  Gens de peu de foi, pourquoi avez-vous douté ?  » En fait, ils ne savaient pas non plus très bien ce qu'était la foi. Ils se doutaient qu'ils avaient encore beaucoup à apprendre. Et cependant l'évangile nous le dit déjà clairement. Il évoque en effet la foi que Jésus admirait. Je pense ici surtout à la foi de la Syro-phénicienne ou du centurion romain dont il disait : «  En vérité, je vous le déclare, chez personne en Israël, je n'ai trouvé une telle foi.  » C'est que leur foi était motivée par l'amour. Le centurion ne demandait pas à Jésus de lui faciliter un avancement dans sa carrière militaire, mais seulement de soulager le serviteur qu'il aimait. Et la Syro-phénicienne ne cherchait aucune reconnaissance ; elle le suppliait seulement de sauver sa petite fille. C'est l'amour qui portait leur foi et la rendait audacieuse. Retenons cela.

Mais pour aller plus loin en cette méditation sur la foi que Jésus nous demande d'augmenter en nous, nous sommes encore invités à regarder la deuxième partie de cet évangile qui parle précisément du service attentionné. Au premier abord, on pourrait se demander si cette deuxième partie n'a pas été proposée aujourd'hui pour un peu rallonger le texte de ce dimanche qui autrement ne comporterai que deux versets. Elle semble en effet n'avoir aucun rapport avec le début. De fait, elle provient peut-être d'une autre source ; c'est possible. Quoi qu'il en soit, elle vient bien et elle nous éclaire beaucoup.

Jésus nous y rappelle que nous ne sommes que de 'simples serviteurs', des 'serviteurs quelconques'. Il faut avouer que ce n'est pas là un grand idéal, ce n'est pas la promotion que nous ambitionnons. Mais c'est pourtant notre situation. Que nous soyons un pauvre moine sacristain ou le responsable d'une vaste entreprise, technicien de surface, mère au foyer ou archevêque, nous sommes de simples serviteurs.

Or, dans les évangiles il est souvent question de serviteurs, de bons serviteurs, de «  serviteurs fidèles et vigilants  ». Jésus lui-même n'ambitionne rien de mieux : «  Je suis parmi vous comme celui qui sert  » Et quand il a voulu attester qu'il aimait ses disciples «  jusqu'au bout  », il s'est mis à leurs pieds pour les leur laver. Le service par amour est au cœur de l'évangile.

Ici l'attention au mot que Jésus utilisait, en araméen ou en hébreux, pour dire 'servir' peut nous aider. Ce mot 'abad signifie à la fois 'servir' et 'adorer'. Pensez aux psaumes que nous chantons : «  Servez le Seigneur dans l'allégresse  » ou «  Venez, adorons le Seigneur...  ». C'est le même mot. Aussi, quand nous voulons servir quelqu'un en toute humilité, nous faisons un geste d'adoration. Dans la Règle de saint Benoît le mot 'adorer' n'arrive qu'une seule fois, et c'est dans le chapitre sur l'accueil des hôtes où il est demandé à celui ou celle qui accueille de «  se prosterner de tout son long devant l'hôte, pour adorer en lui le Christ que l'on reçoit  »

Cette deuxième partie de l'évangile complète ainsi ce que nous dit Jésus au sujet de la foi. Nous l'avons vu : la foi que Jésus admire et qu'il veut voir augmenter en nous est celle qui est motivée par l'amour. Mais nous comprenons ici aussi, comme en retour, que l'amour peut sur-motiver la foi. C'est parce que je crois qu'en définitive c'est le Christ que j'adore en celui que je sers, c'est grâce à cette foi que je l'accueille encore plus généreusement.

Foi et amour sont liés, indissociables. La foi ne grandit que par la charité, par le cœur, non pas par la tête. Sans la motivation de l'amour, elle risque toujours de n'être que crédulité, prétexte, idéologie. Et, de son côté, l'amour sans confiance et sans admiration reste banal ; la charité risque alors de rester au niveau de la simple compassion sentimentale, tant qu'elle n'est pas habitée par la certitude qu'en servant nos frères et sœurs, nous adorons en eux leur absolue dignité, ce qu'ils ont de divin. Bien sûr, nous ne sommes que de simples serviteurs, mais ce service, fidèle et confiant, peut être l'expression d'un grand amour et aussi d'une foi concrète et rayonnante. Telle est notre dignité, et notre vocation.

En participant à l'eucharistie, à la fraction du pain, nous réalisons tout cela mystérieusement. D'abord nous croyons à cette présence du Seigneur Jésus parmi nous quand nous sommes rassemblés en son nom, et cette foi augmente alors et grandit en nous et parmi nous. Mais cette communion dans la foi nous invite ensuite à «  aimer jusqu'au bout  », autant que nous le pouvons, quand nous participons au pain rompu et que nous partageons tout ce que nous sommes, pour nos frères et sœurs, et, plus largement, «  pour la multitude  ».

 

Le juste vivra par sa fidélité

Combien de temps, Seigneur, vais-je appeler, sans que tu entendes ? crier vers toi : « Violence ! », sans que tu sauves ? Pourquoi me fais-tu voir le mal et regarder la misère ? Devant moi, pillage et violence ; dispute et discorde se déchaînent.

Alors le Seigneur me répondit : Tu vas mettre par écrit une vision, clairement, sur des tablettes, pour qu'on puisse la lire couramment. Car c'est encore une vision pour le temps fixé ; elle tendra vers son accomplissement, et ne décevra pas. Si elle paraît tarder, attends-la : elle viendra certainement, sans retard.

Celui qui est insolent n'a pas l'âme droite, mais le juste vivra par sa fidélité.

- Parole du Seigneur.

Ha 1, 2-3 ; 2, 2-4

Venez, crions de joie pour le Seigneur, acclamons notre Rocher, notre salut ! Allons jusqu'à lui en rendant grâce, par nos hymnes de fête acclamons-le !

Entrez, inclinez-vous, prosternez-vous, adorons le Seigneur qui nous a faits. Oui, il est notre Dieu ; nous sommes le peuple qu'il conduit.

Aujourd'hui écouterez-vous sa parole ? « Ne fermez pas votre c?ur comme au désert, où vos pères m'ont tenté et provoqué, et pourtant ils avaient vu mon exploit. »

Ps 94 (95), 1-2, 6-7ab, 7d-8a.9

N'aie pas honte de rendre témoignage à notre Seigneur

Bien-aimé, je te le rappelle, ravive le don gratuit de Dieu ce don qui est en toi depuis que je t'ai imposé les mains Car ce n'est pas un esprit de peur que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d'amour et de pondération. N'aie donc pas honte de rendre témoignage à notre Seigneur, et n'aie pas honte de moi, qui suis son prisonnier ; mais, avec la force de Dieu, prends ta part des souffrances liées à l'annonce de l'Évangile. Tiens-toi au modèle donné par les paroles solides que tu m'as entendu prononcer dans la foi et dans l'amour qui est dans le Christ Jésus. Garde le dépôt de la foi dans toute sa beauté, avec l'aide de l'Esprit Saint qui habite en nous.

- Parole du Seigneur.

2 Tm 1, 6-8.13-14

Si vous aviez de la foi !

En ce temps-là, les Apôtres dirent au Seigneur : « Augmente en nous la foi ! » Le Seigneur répondit : « Si vous aviez de la foi, gros comme une graine de moutarde, vous auriez dit à l'arbre que voici : ?Déracine-toi et va te planter dans la mer', et il vous aurait obéi.

Lequel d'entre vous, quand son serviteur aura labouré ou gardé les bêtes, lui dira à son retour des champs : ?Viens vite prendre place à table' ? Ne lui dira-t-il pas plutôt : ?Prépare-moi à dîner, mets-toi en tenue pour me servir, le temps que je mange et boive. Ensuite tu mangeras et boiras à ton tour' ? Va-t-il être reconnaissant envers ce serviteur d'avoir exécuté ses ordres ? De même vous aussi, quand vous aurez exécuté tout ce qui vous a été ordonné, dites : ?Nous sommes de simples serviteurs : nous n'avons fait que notre devoir' »

- Acclamons la Parole de Dieu.

Lc 17, 5-10