Homélie du 31 juillet 2022

 Ce que tu auras accumulé, qui l'aura ? 

dimanche, 18ème Semaine du Temps Ordinaire - Année C

Une homélie de fr. Pierre de Béthune

Homélie :
avancez jusqu'à  28' 50' 00"

CHOISIS LA VIE

Luc 12, 13-21

«  S'enrichir pour Dieu  » Qu'est-ce que cela peut signifier aujourd'hui ? Qu'est-ce que l'évangile nous dit sur cette curieuse ambition ? Est-ce pour nous une raison de réaliser une vie plus accomplie ? C'est en tout cas de cette vie qu'il s'agit dans cet évangile.

Nous avons tous fait un jour (ou même plusieurs fois) l'expérience d'avoir été portés très haut dans une expérience de plénitude et puis d'être soudain retombés dans la vie de chaque jour, dégrisés, pleins de nostalgie, sinon même de dégoût de vivre. C'est une expérience pénible, désespérante. Mais ce n'est pas la fin de tout ! Elle peut être un appel du fond de notre cœur qui aspire, à travers tout ça, à une vie plus vraie et qui dépasse toutes ces contingences, 'la vie qui ne finit pas'. Cette expérience peut alors être le commencement d'une longue quête et d'une nouvelle découverte.

Et c'est là que Jésus nous rejoint, précisément parce que qu'il est venu pour nous montrer et nous donner la vraie vie. Nous voyons dans l'évangile que ses contemporains pressentaient déjà tous cela, comme ce jeune homme riche qui vient spécialement chez ce 'bon Maître' pour lui poser la question : «  Que dois-je faire pour avoir la vie qui ne finit pas ?  »

En fait on pourrait même dire que tout l'évangile est un chemin vers la vraie vie, «  la vie en abondance  », pour reprendre l'expression de l'évangile de Jean. Tous les enseignements, toutes les paraboles nous indiquent ce chemin pour une vie en plénitude, pas seulement une vie biologique, physiologique, sociale, épanouie, mais une vie qui dépasse infiniment la simple vitalité.

Mais justement, Jésus commence par signaler que notre recherche de plénitude risque toujours d'aboutir à une impasse, comme cela a été le cas pour ce jeune homme reparti «  tout triste, car il avait de grands biens  ». En effet, pour pouvoir recevoir la vie en abondance, il ne faut pas être absorbé par l'abondance de richesses ; il ne faut pas être stressé par «  l'âpreté au gain  », pour défendre un genre de vie, un 'standing de vie' qui nous convient. La première lecture, du livre de l'Ecclésiaste évoque très bien cette sagesse : «  Que reste-t-il à l'homme de toute cette peine et de tous les calculs pour lesquels il se fatigue sous le soleil ?  » Et la parabole du riche propriétaire qui veut construire de plus grands greniers pour ses récoltes va également dans ce sens.

Cependant Jésus n'est pas venu simplement pour nous révéler que «  l'argent ne fait pas le bonheur  », comme dit le proverbe. Cela nous le savons bien. Nous n'avons pas besoin de révélation pour cela ! Ce n'est pas non plus dans le renoncement total aux richesses qu'on trouve nécessairement la vraie vie, même si, de fait, le choix de la sobriété peut déjà être source d'une grande joie, et c'est tout à fait d'actualité.

Mais pour Jésus la recommandation au jeune homme riche de vendre ce qu'il avait n'était que le commencement du chemin, le préalable. Car il poursuit : «  et puis viens, suis-moi !  ».

Mes frères, mes sœurs, la vraie vie consiste à suivre Jésus.

Et pour cela il faut être libre, dégagé de soucis inutiles. Il faut pouvoir avancer léger. C'est ce qu'il dit dans la suite immédiate de cet évangile où il parle des oiseaux du ciel et des lys des champs.

Je conclus. L'important, le seul important est de suivre le Christ. Ce n'est pas l'insouciance des petits oiseaux ; ce n'est pas l'abnégation totale de celui qui vend tout ce qu'il possède, au risque de négliger ses responsabilités familiales. Non, on peut suivre le Christ en tous les états de vie. Ce qui entrave la suivance du Christ est l'attachement qui gêne la marche : même un moine très pauvre peut se crisper sur un bic reçu d'une amie ou sur sa place dans l'église, - et gare à celui qui oserait la lui prendre ! Ce n'est pas l'importance des possessions auxquelles on s'attache ou qu'on abandonne qui compte. Le seul important est la marche fidèle, inlassable à la suite du Christ.

Mais pour cela, il importe de ne pas «  amasser pour soi-même  », comme il est dit à la fin de l'évangile d'aujourd'hui, «  mais (il faut) s'enrichir pour Dieu  », c'est à dire pour le partage avec tous les enfants de Dieu. Saint Paul explicite encore cette curieuse expression quand il écrit que «  Le Seigneur Jésus Christ s'est fait pauvre pour nous enrichir de sa pauvreté  ». Cette expression paradoxale montre le chemin : c'est en donnant, en consentant à un certain appauvrissement, pour partager avec d'autres, qu'on reçoit la vraie richesse, la vie qui ne finit pas.

Chaque eucharistie est une étape sur le chemin de l'évangile pour apprendre à partager les trésors de la vie, les trésors de la grâce. Prions les uns pour les autres pour entrer ensemble dans cette démarche de salut.

 

Que reste-t-il à l'homme de toute sa peine ?

Vanité des vanités, disait Qohèleth. Vanité des vanités, tout est vanité !

Un homme s'est donné de la peine ; il est avisé, il s'y connaissait, il a réussi. Et voilà qu'il doit laisser son bien à quelqu'un qui ne s'est donné aucune peine. Cela aussi n'est que vanité, c'est un grand mal !

En effet, que reste-t-il à l'homme de toute la peine et de tous les calculs pour lesquels il se fatigue sous le soleil ? Tous ses jours sont autant de souffrances, ses occupations sont autant de tourments : même la nuit, son c?ur n'a pas de repos. Cela aussi n'est que vanité.

- Parole du Seigneur.

Qo 1, 2 ; 2, 21-23

Tu fais retourner l'homme à la poussière ; tu as dit : « Retournez, fils d'Adam ! » À tes yeux, mille ans sont comme hier, c'est un jour qui s'en va, une heure dans la nuit.

Tu les as balayés : ce n'est qu'un songe ; dès le matin, c'est une herbe changeante : elle fleurit le matin, elle change ; le soir, elle est fanée, desséchée.

Apprends-nous la vraie mesure de nos jours : que nos c?urs pénètrent la sagesse. Reviens, Seigneur, pourquoi tarder ? Ravise-toi par égard pour tes serviteurs.

Rassasie-nous de ton amour au matin, que nous passions nos jours dans la joie et les chants. Que vienne sur nous la douceur du Seigneur notre Dieu ! Consolide pour nous l'ouvrage de nos mains.

Ps 89 (90), 3-4, 5-6, 12-13, 14.17abc

Recherchez les réalités d'en haut ; c'est là qu'est le Christ

Frères, si donc vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les réalités d'en haut : c'est là qu'est le Christ, assis à la droite de Dieu. Pensez aux réalités d'en haut, non à celles de la terre.

En effet, vous êtes passés par la mort, et votre vie reste cachée avec le Christ en Dieu. Quand paraîtra le Christ, votre vie, alors vous aussi, vous paraîtrez avec lui dans la gloire. Faites donc mourir en vous ce qui n'appartient qu'à la terre : débauche, impureté, passion, désir mauvais, et cette soif de posséder, qui est une idolâtrie. Plus de mensonge entre vous : vous vous êtes débarrassés de l'homme ancien qui était en vous et de ses façons d'agir, et vous vous êtes revêtus de l'homme nouveau qui, pour se conformer à l'image de son Créateur, se renouvelle sans cesse en vue de la pleine connaissance. Ainsi, il n'y a plus le païen et le Juif, le circoncis et l'incirconcis, il n'y a plus le barbare ou le primitif, l'esclave et l'homme libre ; mais il y a le Christ : il est tout, et en tous.

- Parole du Seigneur.

Col 3, 1-5.9-11

Ce que tu auras accumulé, qui l'aura ?

En ce temps-là, du milieu de la foule, quelqu'un demanda à Jésus : « Maître, dis à mon frère de partager avec moi notre héritage. » Jésus lui répondit : « Homme, qui donc m'a établi pour être votre juge ou l'arbitre de vos partages ? » Puis, s'adressant à tous : « Gardez-vous bien de toute avidité, car la vie de quelqu'un, même dans l'abondance, ne dépend pas de ce qu'il possède. » Et il leur dit cette parabole : « Il y avait un homme riche, dont le domaine avait bien rapporté. Il se demandait : ?Que vais-je faire ? Car je n'ai pas de place pour mettre ma récolte.' Puis il se dit : ?Voici ce que je vais faire : je vais démolir mes greniers, j'en construirai de plus grands et j'y mettrai tout mon blé et tous mes biens. Alors je me dirai à moi-même : Te voilà donc avec de nombreux biens à ta disposition, pour de nombreuses années. Repose-toi, mange, bois, jouis de l'existence.' Mais Dieu lui dit : ?Tu es fou : cette nuit même, on va te redemander ta vie. Et ce que tu auras accumulé, qui l'aura ?' Voilà ce qui arrive à celui qui amasse pour lui-même, au lieu d'être riche en vue de Dieu. »

- Acclamons la Parole de Dieu.

Lc 12, 13-21