Homélie du 17 juillet 2022

 Marthe le reçut. Marie a choisi la meilleure part 

16ème dimanche du Temps Ordinaire - Année C

Une homélie de fr. Pierre de Béthune

Homélie :
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(Luc 10, 32-42)

Ce récit suit immédiatement la parabole du Bon Samaritain que nous avons entendue dimanche passé et qui se terminait par les mots : «  Toi aussi, fais de même ! » Oui, «  n'aimons pas en paroles et de langue, mais en acte et dans la vérité !  » C'est un enseignement fondamental. Mais aujourd'hui l'évangéliste y apporte un complément et même un correctif. Il faut bien entendre ce complément et surtout ce correctif.

Le récit de cette rencontre de Jésus avec Marthe et Marie a été interprété de différentes façons. En effet, Saint Luc aime présenter les choses en mettant en scène deux personnes : le Pharisien et le Publicain, le Fils Prodigue et le fils ainé, le Bon Samaritain et le prêtre et le lévite qui passent devant l'homme blessé, ou encore le bon et le mauvais larron. En chacun des cas, il oppose les deux protagonistes pour indique la seule bonne façon de faire. Ici les deux personnes sont Marthe et Marie. Faudrait-il aussi les opposer ? L'une serait le modèle à suivre et l'autre celui qu'il faut éviter ? C'est ainsi qu'on a généralement compris ce récit. D'après cette interprétation, il serait l'argument évangélique irréfutable en faveur de la supériorité de la contemplation sur l'action. Et on en concluait que les moines profès qui chantent les psaumes en latin et ne travaillent pas «  ont choisi la meilleure part  », tandis que les frères convers qui font tout le boulot ne devraient pas trop rouspéter !

Mais nulle part dans l'évangile on ne trouve ce genre d'enseignement. Au contraire : Jésus redit régulièrement qu'il est lui-même venu pour servir ; il est du côté des serviteurs. ! En racontant cette scène avec ses deux personnages, Marthe et Marie, l'évangéliste ne veut évidemment pas les opposer, il veut au contraire nous rappeler qu'on ne doit pas négliger l'un pour l'autre. Bien sûr, Jésus insiste toujours sur la nécessité absolue de commencer par servir, respecter et aimer bien concrètement nos frères et sœurs. Mais il a tenu à apporter ici ce correctif quant à la façon d'exprimer notre amour. Pour bien accueillir, il faut aussi prendre le temps pour s'asseoir et ne rien faire d'autre qu'écouter. «  Marie se tenait aux pieds du Seigneur et écoutait sa parole.  »

Il est vrai que l'évangile de Luc est l'évangile de la miséricorde et du pardon, mais ce passage nous rappelle qu'il est aussi celui de la prière, de l'écoute et de la méditation. J'ai compté : il y est rappelé douze fois que Jésus priait, tout au long de sa vie, au Baptême, à la Transfiguration, au Jardin des Oliviers, sur la croix. Il y est également question de «  Marie, sa mère, qui gardait en son cœur tout ce qu'elle avait vécu  ». À l'autre bout de l'évangile, Jésus demande aux disciples d'Emmaüs de se souvenir, de remémore tout ce qui s'est passé. Et au début du Livre des Actes, les disciples sont encore réunis en prière, avec Marie, la mère de Jésus. Bref, tout au long de l'évangile Luc note toutes ces démarches de prière et d'écoute contemplative. Elles sont également fondamentales. Aussi l'image de Marie, la sœur de Marthe, qui écoutait, assise au pieds du Maitre, n'est pas celle d'une femme extravagante, mais une figure emblématique du chrétien. C'est pourquoi aussi Luc retient la remarque un peu sèche de Jésus à «  Marthe qui s'inquiète et s'agite  ». Elle est toujours d'actualité, et même plus que jamais.

Il y a en effet beaucoup de raisons de s'inquiéter aujourd'hui. C'est pourquoi il est d'autant plus urgent de réapprendre à écouter, de prendre le temps pour écouter la Parole, pour ne pas encore davantage nous agiter, et pour pouvoir répondre correctement aux défis qui nous sont adressés.

Le choix du récit de l'hospitalité d'Abraham à Mambré que nous a fait la liturgie dans la première lecture ajoute une indication importante. Abraham a accueilli les voyageurs, Sara s'empresse de leur donner à manger, et lui «  se tient là, debout près d'eux, sous l'arbre  ». Il n'est pas assis, comme Marie, mais, comme elle, il est attentif à son ou à ses hôtes. J'en retiens que pour la rencontre soit juste, le service et même l'échange de paroles ne suffisent pas ; il faut aussi l'hospitalité, l'accueil tacite, bienveillant.

Nous pouvons ainsi élargir le message évangélique d'aujourd'hui. C'est dans l'hospitalité que la Parole peut le mieux résonner et toucher les cœurs. Il ne faut pas imaginer Marie isolée dans son coin, et croire qu'elle écoute d'autant plus intensément qu'elle s'isole et néglige sa sœur. - Là aussi, soit dit en passant, une certaine tradition contemplative doit être corrigée. - Il faut prendre le temps, s'asseoir ensemble, comme nous le faisons en ce moment, c'est alors que nous pouvons le mieux entendre la Parole.

Pour aimer, il faut aussi prendre et donner du temps, que ce soit pour une rencontre ou un travail au service de la famille. Le temps est essentiel pour toute démarche d'amour. Mais je pense ici au temps donné pour écouter la Parole. Ici c'est une démarche de foi. Il faut fréquenter patiemment la Parole, donner de son temps pour la laisser nous pénétrer peu à peu, nous habiter, parce que nous croyons qu'elle est féconde. Si nous l'accueillons ainsi, elle agit. Jésus a souvent parlé de l'écoute de la Parole qui est comme une semence qui tombe dans la bonne terre de notre cœur. Alors, que nous dormions ou que nous soyons debout, la nuit, le jour, la semence germe et grandit, on ne sait comment. Bien entendu, - il faut constamment le redire, - le plus important est le faire, comme Jésus le disait au scribe qui l'interrogeait : «  Toi aussi, fais de même !  », ou encore à un autre : «  Fais cela et tu vivras !  ». Et cependant, comme l'attestent tous les témoins de l'évangile et comme nous en faisons aussi quelquefois l'expérience, si nous nous laissons transformer par l'écoute de la Parole, nous pouvons non seulement faire le bien, mais rayonner le bien. Rayonner, spontanément et même à notre insu : notre main gauche ignore ce que donne la main droite. Nous ne donnons pas seulement par devoir, mais, pour reprendre les mots de saint Benoît, «  comme naturellement et par la bonne habitude  », sans encombrer les autres par notre générosité. Pas seulement faire le bien, mais rayonner le bien, - être bon !

 

Mon seigneur, ne passe pas sans t'arrêter près de ton serviteur

En ces jours-là, aux chênes de Mambré, le Seigneur apparut à Abraham, qui était assis à l'entrée de la tente. C'était l'heure la plus chaude du jour. Abraham leva les yeux, et il vit trois hommes qui se tenaient debout près de lui. Dès qu'il les vit, il courut à leur rencontre depuis l'entrée de la tente et se prosterna jusqu'à terre. Il dit : « Mon seigneur, si j'ai pu trouver grâce à tes yeux, ne passe pas sans t'arrêter près de ton serviteur. Permettez que l'on vous apporte un peu d'eau, vous vous laverez les pieds, et vous vous étendrez sous cet arbre. Je vais chercher de quoi manger, et vous reprendrez des forces avant d'aller plus loin, puisque vous êtes passés près de votre serviteur ! » Ils répondirent : « Fais comme tu l'as dit. » Abraham se hâta d'aller trouver Sara dans sa tente, et il dit : « Prends vite trois grandes mesures de fleur de farine, pétris la pâte et fais des galettes. » Puis Abraham courut au troupeau, il prit un veau gras et tendre, et le donna à un serviteur, qui se hâta de le préparer. Il prit du fromage blanc, du lait, le veau que l'on avait apprêté, et les déposa devant eux ; il se tenait debout près d'eux, sous l'arbre, pendant qu'ils mangeaient. Ils lui demandèrent : « Où est Sara, ta femme ? » Il répondit : « Elle est à l'intérieur de la tente. » Le voyageur reprit : « Je reviendrai chez toi au temps fixé pour la naissance, et à ce moment-là, Sara, ta femme, aura un fils. »

- Parole du Seigneur.

Gn 18, 1-10a

Celui qui se conduit parfaitement, qui agit avec justice et dit la vérité selon son c?ur. Il met un frein à sa langue.

Il ne fait pas de tort à son frère et n'outrage pas son prochain. À ses yeux, le réprouvé est méprisable mais il honore les fidèles du Seigneur.

Il ne reprend pas sa parole. Il prête son argent sans intérêt, n'accepte rien qui nuise à l'innocent. Qui fait ainsi demeure inébranlable.

Ps 14 (15), 2-3a, 3bc-4ab, 4d-5

Le mystère qui était caché depuis toujours mais qui maintenant a été manifesté

Frères, maintenant je trouve la joie dans les souffrances que je supporte pour vous ; ce qui reste à souffrir des épreuves du Christ dans ma propre chair, je l'accomplis pour son corps qui est l'Église. De cette Église, je suis devenu ministre, et la mission que Dieu m'a confiée, c'est de mener à bien pour vous l'annonce de sa parole, le mystère qui était caché depuis toujours à toutes les générations, mais qui maintenant a été manifesté à ceux qu'il a sanctifiés. Car Dieu a bien voulu leur faire connaître en quoi consiste la gloire sans prix de ce mystère parmi toutes les nations : le Christ est parmi vous, lui, l'espérance de la gloire !

Ce Christ, nous l'annonçons : nous avertissons tout homme, nous instruisons chacun en toute sagesse, afin de l'amener à sa perfection dans le Christ.

- Parole du Seigneur.

Col 1, 24-28

Marthe le reçut. Marie a choisi la meilleure part

En ce temps-là, Jésus entra dans un village. Une femme nommée Marthe le reçut. Elle avait une s?ur appelée Marie qui, s'étant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole. Quant à Marthe, elle était accaparée par les multiples occupations du service. Elle intervint et dit : « Seigneur, cela ne te fait rien que ma s?ur m'ait laissé faire seule le service ? Dis-lui donc de m'aider. » Le Seigneur lui répondit : « Marthe, Marthe, tu te donnes du souci et tu t'agites pour bien des choses. Une seule est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part, elle ne lui sera pas enlevée. »

- Acclamons la Parole de Dieu.

Lc 10, 38-42