Homélie du 10 juillet 2022

 Qui est mon prochain ? 

15ème dimanche du Temps Ordinaire - Année C

Une homélie de fr. Yves de patoul

Homélie :
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Le bon Samaritain Lc, 10,27-36

Le récit que nous venons d'entendre, «  la parabole du Bon Samaritain  » est un des récits bibliques les plus connus, même de ceux qui n'ont plus beaucoup de liens avec l'Église. Il est très populaire car il exprime une vérité fondamentale que tout le monde est en mesure de comprendre, même si on n'a pas déjà vécu soi-même cette expérience-ci : lorsqu'une personne est en grande détresse physique ou morale, elle espère que quelqu'un viendra la délivrer sans trop tarder, et peu importe aussi la couleur de sa peau, peu importent son âge ou encore sa religion. On dira ainsi qu'un tel a été le Bon Samaritain d'un autre lorsque des circonstances fortuites l'ont amené à secourir cette personne en détresse, voire même à lui sauver la vie. Il arrive même parfois que ce secours n'ait rien coûté : la seule présence, bienveillante, a suffi. Et voilà pourquoi, sans doute, certains commentateurs catholiques insistent-ils sur la qualité des soins que le Samaritain de la parabole a offert à l'homme à moitié mort qu'il a rencontré sur le bord de la route : il a fait tout ce qui était nécessaire pour sauver le malheureux et même un peu plus (p. ex. lorsqu'il indemnise l'aubergiste). Ils disent que tout est là.

Et c'est vrai que, inconsciemment sans doute, nous sommes influencés par l'interprétation allégorique de cette parabole qui voit dans le Bon Samaritain une image du Christ. Ceci est surtout remarquable, paraît-il, dans la peinture et les vitraux d'une certaine époque : l'homme à moitié mort, c'est l'homme pécheur que nous sommes tous et qui aspire à être sauvé, les brigands ce sont toutes les forces hostiles que nous encaissons sans vraiment le vouloir et qui ont été vaincues par le Christ, le vin et l'huile versés sur les blessures ce sont évidemment les sacrements de l'Église, l'auberge vers laquelle le Samaritain conduit l'infortuné. C'est bien sûr une image de l'Église qui soigne les blessés de la vie : d'où la réticence de certains théologiens à identifier n'importe quel secouriste à la personne de notre Seigneur Jésus Christ. Et vous conviendrez avec moi qu'il est assez piquant, dans ce sens-là, d'être secouru par un musulman par exemple. Mais pourquoi pas ? Le musulman d'aujourd'hui n'est-il pas sur le plan de la différence religieuse le même étranger qu'était le Samaritain au temps de Jésus ? Quittons maintenant le contexte populaire et artistique, pour nous immerger dans le sens évangélique de tout ce récit.

Je me contenterai de dégager l'enseignement essentiel et nouveau du Christ à travers tout cet évangile : la question n'est plus celle des juifs pieux, de savoir qui est mon prochain (c-à-d. qui je dois aimer à l'exclusion d'autres que je ne serais pas tenu d'aimer ?), elle est de comprendre qu'avec Jésus Christ, il n'y a plus de limite à l'amour, que tout homme est mon frère ou ma sœur, et que par conséquent c'est moi-même qui dois me faire proche des autres et en particulier de ceux qui peuvent avoir besoin de moi. L'exemple en est donné par Jésus lui-même qui accepte de manger avec les pécheurs et les publicains ou qui s'approche d'une Samaritaine pour lui donner l'eau vivifiante. Dans l'économie chrétienne, il n'y a plus de règle à l'amour (comme il y en avait dans le judaïsme qui restreignait sciemment le champ de la charité fraternelle au bénéfice des coreligionnaires). L'amour est plutôt une force intérieure, l'Esprit Saint qui animait Jésus, l'Esprit du Christ qui nous pousse à aimer tout homme de la façon la plus adéquate qui puisse être, de la manière qui le respecte le mieux sans tenir compte de sa religion, de sa couleur de peau, de son sexe ou de sa race.

Ceci dit, il me semble qu'on peut dire que le judaïsme rentre malgré tout dans nos existences quotidiennes dans la mesure où nous avons tous tendance à limiter notre amour à ceux que nous aimons le plus ou le mieux, et donc, dans une certaine mesure à en exclure les autres qui sont pourtant dans des détresses que souvent nous connaissons bien. Je ne parle pas de ceux qui sont loin. À leur sujet d'ailleurs, nous nous réjouissons toujours de la manière heureuse dont nos hommes politiques envoient des secours rapides et efficaces à des populations sinistrées et cela dans n'importe quel coin du globe. Et, a contrario, nous sommes toujours fort peinés d'apprendre que des peuples harcelés par des guerres interminables ne sont pas secourus comme ils le mériteraient : des civils innocents sont maltraités sans qu'on puisse leur venir en aide. Je parlais plutôt de ceux qui nous sont proches et sur lesquels nous avons une certaine emprise. Ils sont plus nombreux que nous ne pensons dans la mesure où nous restons prisonniers de nos positions dominantes au sein de la société et que nous ne percevons pas bien l'immense détresse des uns et des autres : les sans papiers, les sans logis, les femmes abandonnées par leur mari et qui ont plusieurs enfants à leur charge, ceux qui ont été victimes d'intempéries et qui n'ont pas l'aide nécessaire pour vivre une vie décente.

Nous sommes entourés d'un monde pauvre que nous ne voulons pas voir, que les médias courageusement nous font connaître. Ceux qui en sont les plus proches ne sont pas tous des chrétiens : les bons Samaritains d'aujourd'hui sont le plus souvent agnostiques, ils ne sont pas des bons pratiquants, mais ils croient tous en la dignité de l'homme pour laquelle ils se battent. Notons au passage que la question du culte est bien présente dans notre texte : le prêtre et le lévite qui s'éloignent du malheureux gisant au bord de la route sont tous deux des pratiquants. Ils ignorent allègrement les propos du prophète qui s'insurge contre eux en disant : «  c'est l'amour que je veux et non les sacrifices  ».

Le plus important dans l'amour, nous révèle Jésus aujourd'hui, c'est de poser des gestes concrets : «  Toi aussi, fais de même  » dit-il au Docteur de la Loi qui avait bien reconnu dans la figure du Samaritain celui qui accomplit le mieux la volonté divine. Et à l'inverse, le pire, c'est de trop réfléchir comme le prêtre et le lévite de la parabole : ils s'éloignent de l'homme écorché vif pour s'éviter des ennuis. A qui ressemblons-nous le plus ? Passons à l'examen.

Entre-temps, relisons la grande sagesse du deutéronomiste (qui était un prêtre) : «  Écoute la voix du Seigneur ton Dieu, elle n'est pas au-dessus de tes forces, elle n'est pas dans les cieux, elle n'est pas au-delà des mers ; elle est tout près de toi, cette Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur afin que tu la mettes en pratique  ».

 

Elle est tout près de toi, cette Parole, afin que tu la mettes en pratique

Moïse disait au peuple : « Écoute la voix du Seigneur ton Dieu, en observant ses commandements et ses décrets inscrits dans ce livre de la Loi, et reviens au Seigneur ton Dieu de tout ton c?ur et de toute ton âme. Car cette loi que je te prescris aujourd'hui n'est pas au-dessus de tes forces ni hors de ton atteinte. Elle n'est pas dans les cieux, pour que tu dises : ?Qui montera aux cieux nous la chercher ? Qui nous la fera entendre, afin que nous la mettions en pratique ?' Elle n'est pas au-delà des mers, pour que tu dises : ?Qui se rendra au-delà des mers nous la chercher ? Qui nous la fera entendre, afin que nous la mettions en pratique ?' Elle est tout près de toi, cette Parole, elle est dans ta bouche et dans ton c?ur, afin que tu la mettes en pratique. »

- Parole du Seigneur.

Dt 30, 10-14

La loi du Seigneur est parfaite, qui redonne vie ; la charte du Seigneur est sûre, qui rend sages les simples.

Les préceptes du Seigneur sont droits, ils réjouissent le c?ur ; le commandement du Seigneur est limpide, il clarifie le regard.

La crainte qu'il inspire est pure, elle est là pour toujours ; les décisions du Seigneur sont justes et vraiment équitables :

plus désirables que l'or, qu'une masse d'or fin, plus savoureuses que le miel qui coule des rayons.

Ps 18B (19), 8, 9, 10, 11

Tout est créé par lui et pour lui

Le Christ Jésus est l'image du Dieu invisible, le premier-né, avant toute créature : en lui, tout fut créé, dans le ciel et sur la terre. Les êtres visibles et invisibles, Puissances, Principautés, Souverainetés, Dominations, tout est créé par lui et pour lui. Il est avant toute chose, et tout subsiste en lui.

Il est aussi la tête du corps, la tête de l'Église : c'est lui le commencement, le premier-né d'entre les morts, afin qu'il ait en tout la primauté. Car Dieu a jugé bon qu'habite en lui toute plénitude et que tout, par le Christ, lui soit enfin réconcilié, faisant la paix par le sang de sa Croix, la paix pour tous les êtres sur la terre et dans le ciel.

- Parole du Seigneur.

Col 1, 15-20

Qui est mon prochain ?

En ce temps-là, un docteur de la Loi se leva et mit Jésus à l'épreuve en disant : « Maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? » Jésus lui demanda : « Dans la Loi, qu'y a-t-il d'écrit ? Et comment lis-tu ? » L'autre répondit : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton c?ur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ton intelligence, et ton prochain comme toi-même. » Jésus lui dit : « Tu as répondu correctement. Fais ainsi et tu vivras. » Mais lui, voulant se justifier, dit à Jésus : « Et qui est mon prochain ? » Jésus reprit la parole : « Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho, et il tomba sur des bandits ; ceux-ci, après l'avoir dépouillé et roué de coups, s'en allèrent, le laissant à moitié mort. Par hasard, un prêtre descendait par ce chemin ; il le vit et passa de l'autre côté. De même un lévite arriva à cet endroit ; il le vit et passa de l'autre côté. Mais un Samaritain, qui était en route, arriva près de lui ; il le vit et fut saisi de compassion. Il s'approcha, et pansa ses blessures en y versant de l'huile et du vin ; puis il le chargea sur sa propre monture, le conduisit dans une auberge et prit soin de lui. Le lendemain, il sortit deux pièces d'argent, et les donna à l'aubergiste, en lui disant : ?Prends soin de lui ; tout ce que tu auras dépensé en plus, je te le rendrai quand je repasserai.' Lequel des trois, à ton avis, a été le prochain de l'homme tombé aux mains des bandits ? » Le docteur de la Loi répondit : « Celui qui a fait preuve de pitié envers lui. » Jésus lui dit : « Va, et toi aussi, fais de même. »

- Acclamons la Parole de Dieu.

Lc 10, 25-37