Une homélie de fr. Benoît Standaert
Bienvenue à vous tous, chers frères et sœurs, chers amis. Vous ici présents et vous qui nous écoutez et regardez grâce au site de Clerlande.
Chaque année, huit jours après la Pentecôte, notre Église introduit une fête hautement théologique : la sainte Trinité. Ce n'est pas directement la célébration d'un événement particulier de la vie de Jésus, comme sont quasiment toutes les autres fêtes. C'est le cas pour sa naissance à Noël, ou le baptême dans le Jourdain, la Transfiguration ou la résurrection. On célèbre aujourd'hui le secret de toute fête car en profondeur tout est chaque fois trinitaire, depuis la création - première lecture - jusqu'à la fin des temps.
Mais chaque année le contexte dans lequel nous fêtons le même motif, varie. Aujourd'hui, et cela depuis plus de cent jours, nous sommes en guerre... Mais pas seulement en Ukraine. Nous avons parmi nous un moine étudiant provenant du Nigéria, du monastère d'EWU. Fr. Godfrey Chika étudie la théologie à Leuven, et est en pleins examens pour le moment ! C'est lui qui assure discrètement mais efficacement la transmission de cette célébration. Or il y a huit jour, le jour de la Pentecôte, dans une église catholique pas bien loin de son monastère, on a jeté une bombe au milieu d'une assemblée réunie pour fêter ce jour de la naissance de l'Église. Le nombre des morts se compte encore, et sont plus que le double de ce que les médias ont fait connaître, au moins cinquante, nous dit-il. Même la maman d'un de ses confrères, fr. Antoine, a trouvé la mort dans cette église.
Prenons aussi cette réalité actuelle à cœur, au commencement de cette célébration. Invoquons le Père, le Fils et le saint Esprit. Que viennent l'entente et la paix au milieu de nous et dans nos cœurs comme jusqu'aux extrémités de la terre si bousculée par tant de violences.
Seigneur notre Dieu, créateur du ciel et de la terre, viens et accorde-nous ton pardon, Kyrie
O Christ, qui intercèdes sans cesse pour tout notre monde, viens et obtiens-nous l'entente et la concorde, Christe eleison
Seigneur, Esprit saint, viens et règne d'un bout du monde à l'autre, par l'amour et la grande paix. Kyrie eleison.
Homélie
Bien chers amis.
Parfois on nous fait croire que la Trinité, c'est compliqué, difficile, insaisissable. On oublie peut-être un peu trop vite qu'il n'y a rien de plus simple, de plus naturel, de plus spontané quant à notre foi chrétienne. C'est que la Trinité est omniprésente : nous la respirons sans cesse. Un simple signe de croix unit le Père, le Fils et l'Esprit saint. Le Gloria que nous avons chanté débouche sur le : « Toi seul qui es saint, le Fils, comme l'Esprit, dans la gloire de Dieu le Père ». Également notre Crédo est articulé selon les trois personnes et arrivés à l'Esprit nous réalisons le lieu où nous sommes : l'Eglise, l'état de baptisés, la destination à la gloire et la vie éternelle. Chaque doxologie, à la fin d'un psaume par exemple, où nous rendons gloire à Dieu, épelle les trois noms très saints.
Dans les cinq versets de la seconde lecture, tirée de l'épître aux Romains, chapitre 5, on entend à trois reprises toutes les triades de notre identité de baptisés : le passé est évoqué dès l'ouverture : « nous avons été justifiés par le Christ », et y avons accès « par la foi », dit Paul. Le présent est assuré par le point d'aboutissement : « nous sommes en paix avec Dieu ». Et le futur est désigné comme l'objet de notre espérance : la gloire. Cette espérance, même éprouvée, ne déçoit pas car dès à présent nous sommes pénétrés de la force de l'Esprit : cet Esprit qui est « amour de Dieu », « est répandu dans nos cœurs » ! Foi, espérance et amour ; passé, futur et présent, le Père, le Fils et l'Esprit saint. Paul réussit en une phrase à articuler de façon organique les trois temps, les trois vertus et les trois personnes divines qui chacune affectent notre vie de croyants.
Permettez-moi, pour illustrer le mystère que nous célébrons aujourd'hui, d'avoir recours à une œuvre russe et de jeter un regard sur une icône qu'on appelle parfois l'icône des icônes : celle écrite par le saint moine russe Andreij Roubljow, au début de quinzième siècle, à Zagorsk, au Nord-Est de Moscou, dans le monastère de Sergeij de Radonesj. L'abbé du monastère, Nikôn, disait : 'Venez voir, en détournant vos regards de la Russie ensanglantée par les violences, et contemplez cette vision de paix ». C'est de fait au milieu de beaucoup de sang versé que l'iconographe s'est appliqué à peindre la Trinité. Le monastère même venait d'être reconstruit après sa destruction par le feu. Cette icône passe en Orient comme l'icône de la fête de la Pentecôte ! On pourrait dire : de la Pentecôte johannique, là où le Christ déclare dans l'évangile : « Qui garde ma Parole, mon Père l'aimera et nous viendrons à lui et nous ferons chez lui notre demeure ». C'est ainsi que Dieu vient en visite chez Abraham et Sarah, en Genèse 18. Ils passent comme trois pèlerins avec leur sceptre, et Abraham les invite au milieu du jour à se mettre à l'ombre sous l'arbre, le chêne de Mambré. Il leur sert tout un repas. On appelle l'icône : la philoxénie ou « hospitalité d'Abraham ». Il donne ce qu'il a de meilleur, mais recevra ce qu'il avait de la peine à encore espérer : un fils, Isaac, l'enfant du rire.
Regardons de plus près la mise en harmonie des trois figures en un seul grand cercle, avec au milieu, à deux reprises la forme d'une coupe ouverte. L'Esprit nous accueille et nous forme pour reproduire le Fils, sa liberté, sa beauté, et son abandon, tout tourné qu'il est vers le sein du Père. Le mouvement circulaire aboutit chez le Père, dans son sein, là où les deux mains sont réunies. Les trois bénissent la coupe au milieu. Le Père manifeste un regard fort, droit devant lui : « il envoie l'Esprit », et transmet un mouvement qui part de son sceptre dans la main gauche et rejoint le sceptre du Fils puis celui de l'Esprit. Un mouvement incessant commence avec l'Esprit qui nous introduit dans la communion entre le Père et le Fils et reprend dans l'autre sens par le regard du Père. Cet amour entoure la table que certains interprètent comme l'histoire : au milieu de la table il y a la coupe et l'Agneau. Les trois bénissent. Le Fils a la main la plus proche de la coupe. Le Père lui propose d'entrer dans l'histoire, comme l'Agneau qui rachètera toute l'humanité. Le Fils consent et l'Esprit confirme.
Et nous ? En face du rectangle et l'espace ouvert dans la table on perçoit le lieu des reliques dans l'autel oriental. Encore vide... Osons nous attabler avec la Trinité.
Le grand amour qui entoure toute l'histoire du salut, est aussi celui qui habite nos cœurs : le rythme de l'icône correspond au rythme de la prière du moine qui l'a peinte, avec l'invocation traditionnelle : « Seigneur Jésus Christ, Fils de Dieu, prends pitié de nous... Gospodi Ièsou Christye, Signe Buogy pomilyounas ».
Un cadeau de la Russie orante au monde entier. En elle frémit toute la tradition monastique orientale. Sa diffusion, aujourd'hui, est universelle. Accueillons-la avec piété et intercédons à partir d'elle pour tout un pays qui est un continent, et pour toutes ses relations avec le reste du monde.
Commençons par prononcer l'ancien credo qui unit Orient et Occident et qui suit l'ordre trinitaire de notre foi séculaire. Amen.
Quand arriva le jour de la Pentecôte, au terme des cinquante jours après Pâques, ils se trouvaient réunis tous ensemble. Soudain un bruit survint du ciel comme un violent coup de vent : la maison où ils étaient assis en fut remplie tout entière. Alors leur apparurent des langues qu'on aurait dites de feu, qui se partageaient, et il s'en posa une sur chacun d'eux. Tous furent remplis d'Esprit Saint : ils se mirent à parler en d'autres langues, et chacun s'exprimait selon le don de l'Esprit.
Or, il y avait, résidant à Jérusalem, des Juifs religieux, venant de toutes les nations sous le ciel. Lorsque ceux-ci entendirent la voix qui retentissait, ils se rassemblèrent en foule. Ils étaient en pleine confusion parce que chacun d'eux entendait dans son propre dialecte ceux qui parlaient. Dans la stupéfaction et l'émerveillement, ils disaient : « Ces gens qui parlent ne sont-ils pas tous Galiléens ? Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans son propre dialecte, sa langue maternelle ? Parthes, Mèdes et Élamites, habitants de la Mésopotamie, de la Judée et de la Cappadoce, de la province du Pont et de celle d'Asie, de la Phrygie et de la Pamphylie, de l'Égypte et des contrées de Libye proches de Cyrène, Romains de passage, Juifs de naissance et convertis, Crétois et Arabes, tous nous les entendons parler dans nos langues des merveilles de Dieu. »
- Parole du Seigneur.
Ac 2, 1-11
Bénis le Seigneur, ô mon âme ; Seigneur mon Dieu, tu es si grand ! Quelle profusion dans tes ?uvres, Seigneur ! la terre s'emplit de tes biens.
Tu reprends leur souffle, ils expirent et retournent à leur poussière. Tu envoies ton souffle : ils sont créés ; tu renouvelles la face de la terre.
Gloire au Seigneur à tout jamais ! Que Dieu se réjouisse en ses ?uvres ! Que mon poème lui soit agréable ; moi, je me réjouis dans le Seigneur.
Ps 103 (104), 1ab.24ac, 29bc-30, 31.34
Frères, ceux qui sont sous l'emprise de la chair ne peuvent pas plaire à Dieu. Or, vous, vous n'êtes pas sous l'emprise de la chair, mais sous celle de l'Esprit, puisque l'Esprit de Dieu habite en vous. Celui qui n'a pas l'Esprit du Christ ne lui appartient pas. Mais si le Christ est en vous, le corps, il est vrai, reste marqué par la mort à cause du péché, mais l'Esprit vous fait vivre, puisque vous êtes devenus des justes. Et si l'Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d'entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus, le Christ, d'entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous.
Ainsi donc, frères, nous avons une dette, mais elle n'est pas envers la chair pour devoir vivre selon la chair. Car si vous vivez selon la chair, vous allez mourir ; mais si, par l'Esprit, vous tuez les agissements de l'homme pécheur, vous vivrez. En effet, tous ceux qui se laissent conduire par l'Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu. Vous n'avez pas reçu un esprit qui fait de vous des esclaves et vous ramène à la peur ; mais vous avez reçu un Esprit qui fait de vous des fils ; et c'est en lui que nous crions « Abba ! », c'est-à-dire : Père ! C'est donc l'Esprit Saint lui-même qui atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. Puisque nous sommes ses enfants, nous sommes aussi ses héritiers : héritiers de Dieu, héritiers avec le Christ, si du moins nous souffrons avec lui pour être avec lui dans la gloire.
- Parole du Seigneur.
Rm 8, 8-17
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Si vous m'aimez, vous garderez mes commandements. Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous. Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole ; mon Père l'aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure. Celui qui ne m'aime pas ne garde pas mes paroles. Or, la parole que vous entendez n'est pas de moi : elle est du Père, qui m'a envoyé. Je vous parle ainsi, tant que je demeure avec vous ; mais le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. »
- Acclamons la Parole de Dieu.
Jn 14, 15-16.23b-26