Une homélie de fr. Grégoire Maertens
Ce n'est peut-être pas très respectueux, mais je le dirai quand même : quelle mouche a piqué Jésus pour oser dire : « Heureux, vous les pauvres ! » ?
Dois-je être heureux de perdre courage, d'être privé de reconnaissance et d'égards. Heureux de manquer de santé, de perspectives d'avenir, de relations gratifiantes, de succès humains et de réussites professionnelles, d'équilibre, de richesse spirituelle, de vie familiale ou communautaire. Dois-je être heureux de faire partie d'une Eglise mise en question ?
Bref, qui peut douter qu'il existe des situations où on a le droit de se sentir tristes, rejetés, en burn out spirituel ou physique ? Et Jésus déclare : « Réjouissez-vous, tressaillez de joie ! » ça va tellement à l'encontre du naturel.
J'aime bien, au contraire, d'être rassasié, consolé, considéré, reconnu, apprécié, complimenté. Eh bien, non ! Le Maître des Béatitudes affirme que ce n'est pas ce que l'homme dit être bon qui importe, mais ce qui est proclamé bon par le Créateur : car « l'homme voit la surface tandis que Dieu voit le cœur. »
A Pilate, Jésus dira un jour : « Mon Royaume n'est pas d'ici » (Jean 18, 36). Il met donc en garde contre un royaume « humain » de nom, mais en réalité « inhumain », où le pouvoir, l'avoir, le savoir, créent des conditions de vie précaires, violentes, portant malheur à quantité d'êtres humains : pensons à ces « menas », mineurs d'âge arrivés à Bruxelles après des voyages souvent très éprouvants et obligés, faute de place, de dormir à la rue . C'est pour cela, c'est pour eux que Jésus proclame cette Charte du Royaume qui n'est pas seulement une « Déclaration des Droits de l'Homme » mais comme le décalque de la loi d'amour que Dieu a prévue pour le bonheur de ses enfants.
« Heureux les pauvres » : mais attention ! Comme le rappelait notre regretté Père Jaques Dupont : « L'idéal proposé n'est ni de pauvreté ni de détachement, mais plus simplement et plus profondément un idéal de charité fraternelle...il pousse, non pas à se rendre pauvre, mais à veiller que personne ne soit dans le besoin.......le seul « vœu » religieux possible, c'est celui de l'amour. » Comment ne pas penser à St Paul dans sa lettre aux Corinthiens : « Si je n'ai pas la charité, je ne suis rien. » (1 Co 13, 2).
Malédiction donc pour ceux qui, sous les feux de la rampe, se réjouissent et profitent sur le dos de leur prochain ; bénédiction pour ceux dont la vie est un partage joyeux des biens dont le Créateur leur a confié la gérance au bénéfice de tous leurs frères et sœurs aux quatre coins du monde.
Bonheur de s'appauvrir de ses propres richesses intellectuelles, matérielles, manuelles : bonheur aussi de se savoir riche des richesses des autres sans vouloir accaparer ou jalouser ce qui n'est pas à nous.
Toutes les lectures de ce jour vont dans ce sens :
Jérémie : « Béni soit l'homme qui met sa foi dans le Seigneur...... il sera comme un arbre planté près des eaux, l'année de la sécheresse, il est sans inquiétude. »
Le psaume 1 : « Heureux l'homme qui n'entre pas dans le conseil des méchants, mais se plaît dans la loi du Seigneur...il donne du fruit en son temps... ».
Mais le champion de tout cela c'est le Christ lui-même : le ressuscité qui est l'incarnation même de la charte des béatitudes. Au nom de son Père Il vient proclamer à la fois : « Malheur à vous ! » et « Heureux êtes vous ! » C'est un peu comme s'il disait : « Mon Père est révolté par la méchanceté, la violence, le non partage qui font souffrir ses enfants, ça le touche au profond de ses entrailles et moi, Jésus, je viens vous montrer, en paroles et en actes, de quel bois Il se chauffe, combien il veut le bonheur de chacune, de chacun et de quel Amour, follement, Il vous aime ». Amen !
Ainsi parle le Seigneur :
Maudit soit l'homme qui met sa foi dans un mortel, qui s'appuie sur un être de chair, tandis que son c?ur se détourne du Seigneur. Il sera comme un buisson sur une terre désolée, il ne verra pas venir le bonheur. Il aura pour demeure les lieux arides du désert, une terre salée, inhabitable.
Béni soit l'homme qui met sa foi dans le Seigneur, dont le Seigneur est la confiance. Il sera comme un arbre, planté près des eaux, qui pousse, vers le courant, ses racines. Il ne craint pas quand vient la chaleur : son feuillage reste vert. L'année de la sécheresse, il est sans inquiétude : il ne manque pas de porter du fruit.
- Parole du Seigneur.
Jr 17, 5-8
Heureux est l'homme qui n'entre pas au conseil des méchants, qui ne suit pas le chemin des pécheurs, ne siège pas avec ceux qui ricanent, mais se plaît dans la loi du Seigneur et murmure sa loi jour et nuit !
Il est comme un arbre planté près d'un ruisseau, qui donne du fruit en son temps, et jamais son feuillage ne meurt ; tout ce qu'il entreprend réussira. Tel n'est pas le sort des méchants.
Mais ils sont comme la paille balayée par le vent. Le Seigneur connaît le chemin des justes, mais le chemin des méchants se perdra.
Ps 1, 1-2, 3, 4.6
Frères, nous proclamons que le Christ est ressuscité d'entre les morts ; alors, comment certains d'entre vous peuvent-ils affirmer qu'il n'y a pas de résurrection des morts ? Car si les morts ne ressuscitent pas, le Christ non plus n'est pas ressuscité. Et si le Christ n'est pas ressuscité, votre foi est sans valeur, vous êtes encore sous l'emprise de vos péchés ; et donc, ceux qui se sont endormis dans le Christ sont perdus. Si nous avons mis notre espoir dans le Christ pour cette vie seulement, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes. Mais non ! le Christ est ressuscité d'entre les morts, lui, premier ressuscité parmi ceux qui se sont endormis.
- Parole du Seigneur.
1 Co 15, 12.16-20
En ce temps-là, Jésus descendit de la montagne avec les Douze et s'arrêta sur un terrain plat. Il y avait là un grand nombre de ses disciples, et une grande multitude de gens venus de toute la Judée, de Jérusalem, et du littoral de Tyr et de Sidon.
Et Jésus, levant les yeux sur ses disciples, déclara : « Heureux, vous les pauvres, car le royaume de Dieu est à vous. Heureux, vous qui avez faim maintenant, car vous serez rassasiés. Heureux, vous qui pleurez maintenant, car vous rirez. Heureux êtes-vous quand les hommes vous haïssent et vous excluent, quand ils insultent et rejettent votre nom comme méprisable, à cause du Fils de l'homme. Ce jour-là, réjouissez-vous, tressaillez de joie, car alors votre récompense est grande dans le ciel ; c'est ainsi, en effet, que leurs pères traitaient les prophètes.
Mais quel malheur pour vous, les riches, car vous avez votre consolation ! Quel malheur pour vous qui êtes repus maintenant, car vous aurez faim ! Quel malheur pour vous qui riez maintenant, car vous serez dans le deuil et vous pleurerez ! Quel malheur pour vous lorsque tous les hommes disent du bien de vous ! C'est ainsi, en effet, que leurs pères traitaient les faux prophètes. »
- Acclamons la Parole de Dieu.
Lc 6, 17.20-26