Une homélie de fr. Raphaël Dachelet
Marie, Joseph et leur fils Jésus se rendent à Jérusalem pour célébrer la Pâque. Après quelques jours de célébrations, il rentrent chez eux. Tout s'est bien passé. Au bout d'un jour, il remarquent que l'enfant n'est pas là ! Ce n'est encore qu'un doute... Au début on ne s'inquiète pas (ils se trouve probablement quelque part dans le groupe des pèlerins). Le doute devient inquiétude. L'inquétude devient anxiété. Ils se mettent à interroger les autres pèlerin, et de toute évidence Jésus n'est pas là ! Alors Marie et Joseph retournent sur leurs pas et interrogent toutes les personnes qu'ils croisent sur le chemin. Ils retournent à Jérusalem, ils retournent à l'endroit où ils sont logé. Ils cherchent, ils fouillent partout comme des parents qui ont perdu leur enfant. Ils fouillent à des endroits de plus en plus improbables, dans les greniers, dans les granges et les étables, ils interrogent des personnes qu'ils ne connaissent même pas.
Cela ne se perd pas comme ça, un enfant de 12 ans! Et au bout de trois jours à ne pas dormir, ils ont des cernes, ils sont mal lavés, mal coiffé, mal habillés. Il se rendent au temple et y trouvent enfin un Jésus qui, du haut de ses 12 ans, regarde ses parents et avec la nonchalance typique que l'on connaît bien chez les adolescents, il leur répond : « Mais enfin, pourquoi m'avez-vous cherché ? » .
Quelle audace, quel toupet ! C'est peut-être la première fois que ses parents découvrent cela chez Jésus. L'Évangile ne cesse de nous parler de cette audace, de ce toupet, qu'aura Jésus durant toute sa vie. Cette audace suscitera admiration et exaspération. Tellement d'exaspération que l'on ne trouvera pas d'autres solutions pour calmer cette audace, que de le mettre à mort. Et audace parmi les audaces, voilà que des morts, il revient encore !
Il semble que cette audace soit contagieuse car l'audace de Jésus sera ensuite celle des apôtres, puis celle des premiers chrétiens qui étaient prêts à donner leur vie plutôt que de renoncer à leur foi.
Audace insupportable pour bien des gens. Ce sera aussi, à travers les temps, l'audace des saints qui seront également prêts à donner leur vie par amour. Et qu'en reste-t-il de c'est audace aujourd'hui ?
Aujourd'hui le monde ne manque pas d'audace. Le monde est inondé par le bruit de notre audace : des projets immobiliers, des start-ups, des manifestations. Le monde croule sous le bruit de notre audace. Mais cette audace n'a rien de celle de l'Évangile. Dans l'Évangile elle ne fait pas de bruit. Dans l'Évangile, c'est une audace silencieuse. L'Évangile nous le répète, dimanche après dimanche, que la grandeur n'est pas là où on la pense; que la vraie grandeur est d'être petit; que la vraie force c'est d'accepter sa fragilité; que la vraie richesse est de ne rien posséder, donc de rien n'avoir à perdre.
Et si la plus grande audace était de savoir rester humble ? L'audace de Jésus ne fait pas de bruit. Son audace répond à la violence par l'accueil et l'écoute. C'est l'audace d'aimer une personne qui a tout pour être détestable, celle de tendre la main à une personne qui souffre, l'audace de pardonner, l'audace de parler avec vérité. Il faut se garder de confondre l'importance des choses avec le bruit qu'elle font.
Ce n'est pas un bâtissant des tours (ou en les démolissant) que l'on porte le monde. C'est en tendant dans la main à quelqu'un qui est tombé, c'est en souriant à un inconnu, c'est l'audace d'une forêt qui pousse et qui ne fait pas de bruit.
Revenons à l'Évangile, revenons à Jésus qui voit son père et sa mère arriver et qui a cette audace de leur dire quelque chose de difficile, de douloureux... de leur dire « Papa, maman, je vous aime mais vous devez me laisser partir, je ne suis plus votre enfant, je ne suis pas votre enfant ». Et Jésus à l'audace de dire ça car c'est quelque chose qui lui tient à cœur.
De dire que nous sommes tous frères et sœurs, que ces personnes dans le temple font autant partie de sa famille que Marie et Joseph. Il dit que nous sommes tous liés, que nous le voulions ou non, et que nous n'avons d'autres choix que d'apprendre à nous aimer, à nous pardonner. Car c'est cela que des frères et des sœurs. Qui, aujourd'hui a ce courage, cette audace, de penser que la personne assise à sa gauche, la personne assise à sa droite, est un frère, une sœur ?
On se plaint régulièrement de la liturgie en disant qu'elle n'est plus adaptée au monde d'aujourd'hui, pas assez participative, pas très créative. Si l'audace n'était pas de la révolutionner, mais de la recevoir telle qu'elle nous est offerte ? On ne cesse de répéter chaque dimanche « Frères et sœurs ». Ose-t-on sincèrement croire qu'ici il n'y a ni père ni mère, qu'on est tous enfants, malgré nos différences d'age, tous enfants de la même famille... ?
Si aujourd'hui nous osions ! Si aujourd'hui nous avions c'est humble audace, celle d'oser formuler une intention de prière, de dire ce qu'on a sur le cœur, oser rencontrer un inconnu à la sortie de la messe, oser risquer la maladresse. Parce que l'amour est nécessairement maladroit. Oser risquer de faire quelque chose qui est difficile, parce que l'amour est nécessairement difficile. Avoir l'audace de choisir l'amour. L'audace de choisir la vie. Parce que la vie nous veut audacieux. Quand il n'y a pas d'audace, la vie s'ennuie et elle s'en va. Elle perd de sa couleur. Mais la vie finit toujours par revenir. La vie nous secoue, elle veut qu'on bouge.
Vous le savez certainement beaucoup mieux que moi : toutes les plus grandes aventures de la vie commencent avec de l'audace. On apprend à marcher avec de l'audace; On apprend à parler en faisant preuve d'audace; on fait nos premiers amis avec de l'audace; on apprend à lire en faisant preuve d'audace; on quitte ses parents en faisant preuve d'audace; on rencontre l'amour en faisant preuve d'audace; on devient parents par une incroyable audace; on quitte ceux qu'on aime par audace; on devient vivant en faisant preuve d'audace. Alors soyons audacieux, d'une audace solides, bienveillante ... et silencieuse. L'audace de choisir la vie, l'audace de croire qu'ici nous sommes tous enfants d'une même famille, que nous sommes tous et toutes frère et sœurs.
Elcana s'unit à Anne sa femme, et le Seigneur se souvint d'elle. Anne conçut et, le temps venu, elle enfanta un fils ; elle lui donna le nom de Samuel (c'est-à-dire : Dieu exauce) car, disait-elle, « Je l'ai demandé au Seigneur. » Elcana, son mari, monta au sanctuaire avec toute sa famille pour offrir au Seigneur le sacrifice annuel et s'acquitter du v?u pour la naissance de l'enfant. Mais Anne n'y monta pas. Elle dit à son mari : « Quand l'enfant sera sevré, je l'emmènerai : il sera présenté au Seigneur, et il restera là pour toujours. » Lorsque Samuel fut sevré, Anne, sa mère, le conduisit à la maison du Seigneur, à Silo ; l'enfant était encore tout jeune. Anne avait pris avec elle un taureau de trois ans, un sac de farine et une outre de vin. On offrit le taureau en sacrifice, et on amena l'enfant au prêtre Éli. Anne lui dit alors : « Écoute-moi, mon seigneur, je t'en prie ! Aussi vrai que tu es vivant, je suis cette femme qui se tenait ici près de toi pour prier le Seigneur. C'est pour obtenir cet enfant que je priais, et le Seigneur me l'a donné en réponse à ma demande. À mon tour je le donne au Seigneur pour qu'il en dispose. Il demeurera à la disposition du Seigneur tous les jours de sa vie. » Alors ils se prosternèrent devant le Seigneur.
- Parole du Seigneur.
1 S 1, 20-22.24-28
De quel amour sont aimées tes demeures, Seigneur, Dieu de l'univers. Mon âme s'épuise à désirer les parvis du Seigneur ; mon c?ur et ma chair sont un cri vers le Dieu vivant !
Heureux les habitants de ta maison : ils pourront te chanter encore ! Heureux les hommes dont tu es la force : des chemins s'ouvrent dans leur c?ur !
Seigneur, Dieu de l'univers, entends ma prière ; écoute, Dieu de Jacob. Dieu, vois notre bouclier, regarde le visage de ton messie.
Ps 83 (84), 2-3, 5-6, 9-10
Bien-aimés, voyez quel grand amour nous a donné le Père pour que nous soyons appelés enfants de Dieu - et nous le sommes. Voici pourquoi le monde ne nous connaît pas : c'est qu'il n'a pas connu Dieu. Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons n'a pas encore été manifesté. Nous le savons : quand cela sera manifesté, nous lui serons semblables car nous le verrons tel qu'il est.
Bien-aimés, si notre c?ur ne nous accuse pas, nous avons de l'assurance devant Dieu. Quoi que nous demandions à Dieu, nous le recevons de lui, parce que nous gardons ses commandements, et que nous faisons ce qui est agréable à ses yeux.
Or, voici son commandement : mettre notre foi dans le nom de son Fils Jésus Christ, et nous aimer les uns les autres comme il nous l'a commandé. Celui qui garde ses commandements demeure en Dieu, et Dieu en lui ; et voilà comment nous reconnaissons qu'il demeure en nous, puisqu'il nous a donné part à son Esprit.
- Parole du Seigneur.
1 Jn 3, 1-2.21-24
Chaque année, les parents de Jésus se rendaient à Jérusalem pour la fête de la Pâque. Quand il eut douze ans, ils montèrent en pèlerinage suivant la coutume. À la fin de la fête, comme ils s'en retournaient, le jeune Jésus resta à Jérusalem à l'insu de ses parents. Pensant qu'il était dans le convoi des pèlerins, ils firent une journée de chemin avant de le chercher parmi leurs parents et connaissances. Ne le trouvant pas, ils retournèrent à Jérusalem, en continuant à le chercher.
C'est au bout de trois jours qu'ils le trouvèrent dans le Temple, assis au milieu des docteurs de la Loi : il les écoutait et leur posait des questions, et tous ceux qui l'entendaient s'extasiaient sur son intelligence et sur ses réponses. En le voyant, ses parents furent frappés d'étonnement, et sa mère lui dit : « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois comme ton père et moi, nous avons souffert en te cherchant ! » Il leur dit : « Comment se fait-il que vous m'ayez cherché ? Ne saviez-vous pas qu'il me faut être chez mon Père ? » Mais ils ne comprirent pas ce qu'il leur disait.
Il descendit avec eux pour se rendre à Nazareth, et il leur était soumis. Sa mère gardait dans son c?ur tous ces événements. Quant à Jésus, il grandissait en sagesse, en taille et en grâce, devant Dieu et devant les hommes.
- Acclamons la Parole de Dieu.
Lc 2, 41-52