Une homélie de fr. Benoît Standaert
Chers frères et soeurs.
Bienvenue à vous tous, ici dans cet oratoire de Clerlande et plus encore à vous tous, grâce à la connexion internet. Songeons à notre technicien qui depuis des mois assure cette connexion, Francesco Ruffo. Il nous suit ce matin dans son lit d'hôpital, après une opération subie il y a quelques jours. Prions pour lui qu'il nous soit rendu au plus vite, et bien rétabli ! Et remercions les amis qui le remplacent avec art !
Accueillons aussi parmi nous un frère qui nous vient du Nigeria, fr. Godefroy, cueilli à l'aéroport ce matin tôt ! Wellcome in our midst, dear Godefroy, enjoy your stay between us, even if the temperature will be rather cool for you, those very first days, we apologize!
Aujourd'hui, quatrième et dernier Dimanche de l'Avent, on a allumé le quatrième cierge de la couronne de l'Avent. C'est depuis le cinquième siècle le jour où l'on célèbre l'Annonciation de l'ange Gabriel à la Vierge Marie de Nazareth. L'Angelus que l'on prie trois fois par jour, se clôture avec l'oraison qui est celle d'aujourd'hui justement : dans cette prière on rappelle en un seul mouvement l'annonce de l'incarnation de Jésus, sa passion et la croix, et sa résurrection, pour nous conduire tous jusque dans la gloire avec lui ! Laissons-nous saisir par ce mouvement, ouvrons notre coeur à la Parole qui s'incarne et qui établit sa demeure en chacun de nous, merveille des merveilles. Invoquons le Christ qu'il nous visite, nous et notre monde, pour nous sauver.
Que ta grâce, Seigneur notre Dieu, se répande en nos coeurs :
par le message de l'ange, tu nous as fait connaître l'incarnation de ton Fils bien-aimé. Conduis-nous par sa Passion et par sa croix jusqu'à la gloire de la résurrection.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur-
Homélie
Bien chers frères et soeurs.
« Le roi David habitait enfin dans sa maison ». C'est ainsi que commence la première lecture. « Enfin », « dans sa maison » ! Tout est tranquille autour de lui. Plus de guerres, plus d'ennemis à craindre. Il peut réfléchir et songer à autre chose. « Enfin », disait le texte. Et il constate : « J'habite dans une maison de cèdre, et l'arche de Dieu habite sous un abri de toile ! » Il veut construire une belle maison pour Dieu ! Pas mal comme point de départ. Le mot « maison » dans toute cette page revient sans cesse, bien quinze fois quand on lit toute la page jusqu'au bout ! Le prophète Nathan approuve : « Suis ton coeur. Tu fais bien » ! Mais de nuit Dieu parle à son prophète qui est renvoyé au roi avec une question :
« Est-ce toi qui me bâtiras une maison pour que j'y habite ?Le Seigneur t'annonce qu'il te fera lui-même une maison !Je te susciterai un successeur et je rendrai stable sa royauté.Ta maison et ta royauté subsisteront toujours devant moi,ton trône sera stable pour toujours ! »
Quelles promesses ! Mais aussi quel renversement : « Toi, une maison pour moi ? Non, moi une maison pour toi ! » Avec un glissement de sens : la maison devient une famille, une descendance, une royauté assurée pour des générations ! Et dans cette descendance il y aura quelqu'un qui construira une maison pour Dieu, un temple, à savoir Salomon, le fils de David ! Le projet imaginé par David se réalisera tout de même mais autrement !
Le grand et long Psaume 88 rejoue splendidement l'oracle de Nathan :
« Sans fin je lui garderai mon amour, mon alliance avec lui sera fidèle ». « Il me dira : Tu es mon Père ! il sera pour moi un fils ! »
Dieu est fidèle. Par-delà certaines épreuves-
Mais que deviendra la maison de David, aussitôt après l'exil ? Plus rien de significatif- Ce seront les prêtres qui dirigeront le peuple. On parlera d'un « royaume de prêtres » qui veillera sur le peuple pour en faire un « peuple saint » car consacré à Dieu par une conduite sainte. C'est Dieu lui-même qui sera en personne le roi véritable, et les prêtres veilleront à la pleine reconnaissance de ce royaume-là. On assiste donc au cinquième et quatrième siècle avant notre ère à un shift, à un curieux décalage dans la théologie du roi et de la royauté-royaume. Jésus lui-même partageait cette vision. Il était plein de l'idée du Royaume de Dieu qui est tout proche, sur le point de se manifester en plénitude. Jamais il ne parle de la royauté de David ! La foule, oui, elle, l'acclame, lors de son entrée à Jérusalem : « Voici le royaume de David qui arrive ! » Mais pour Jésus, c'est Dieu qui est le roi ! Et son espérance, c'est que très prochainement ce Royaume de Dieu va éclater et introduire justice et paix sur terre.
De Paul on entend, dans la deuxième lecture, la conclusion solennelle de sa longue épître aux Romains : une doxologie. Il y a « mon évangile » qui proclame Jésus Christ comme révélation d'un mystère porté maintenant à la connaissance de toutes les nations : c'est par l'obéissance de la foi qu'on entre dans le Royaume de Dieu qui est justice et réconciliation avec Dieu, le Dieu sage comme seul lui est sage, pour conduire l'histoire vers sa plénitude ! Dieu est entré dans l'histoire d'un peuple avec un message qui concerne tous les peuples. Et moi, Paul, je suis mandaté comme le porteur de cet évangile. Tout est sagesse divine dans cette haute communication. Rendons ensemble - peuple juif et toutes les nations - gloire au Dieu unique.
Voilà ce que la liturgie a choisi comme courte lecture de l'Apôtre. On y contemple la grande finalité du message qui a commencé avec celui l'ange Gabriel à Nazareth !
L'évangile du jour est justement l'annonciation à une vierge donnée en mariage à un certain Joseph, descendant de David. « Marie » est le nom de cette vierge. Elle écoute et réagit jusqu'à trois reprises. Crainte, étonnement - « Commet cela se fera-t-il ? », accueil résolu et simple. « Voici la servante du Seigneur ! » Un Oui décisif. Juste avant Noël, le tout dernier dimanche de la préparation. Or l'Ange inonde le coeur de Marie - et les nôtres - de paroles qui se réfèrent à une bonne dizaine de promesses messianiques. « Il sera grand-, il sera appelé-, il sera considéré-, il régnera pour toujours- Oui, rien n'est impossible à Dieu ». La Genèse, le prophète Nathan, Isaïe, Daniel, les Psaumes- Tout converge pour désigner l'Enfant à venir. On peut s'interroger : chaque enfant qui naît est un possible Messie ? Chaque Messie vient de Dieu mais entre dans l'histoire comme un petit être totalement dépendant d'une maman qui l'allaitera-
Deux pôles se rencontrent ici : le divin et le très humain, se plaçant l'un en face de l'autre, de façon risquée, de part et d'autre. Mystère de liberté. Dieu prend un risque énorme en se confiant à cette jeune femme et Marie à son tour se risque, consent, s'engage en toute liberté !
Les icônes ou fresques ont essayé de ressaisir ce moment extraordinaire. Fra Angelico au couvent dominicain de San Marco à Florence, a dépeint un ange merveilleux en haut des escaliers : l'ange d'une beauté splendide et terrible tout à la fois, se baisse, s'agenouille, est plein de révérence devant la grandeur de ce qui se passe dans le coeur de Marie ! Un autre artiste, Andrea Della Robbia, dans un bas-relief, présente Marie assise, le livre ouvert sur les genoux. Elle lit : une main sur le livre, s'identifiant avec ce qu'elle lit, l'autre main sur le coeur, qui acquiesce et consent à tout ce qui est écrit dans le Livre, et tout son être est tourné vers l'Esprit qui comme une colombe s'approche d'elle. On peut même déchiffrer le texte qu'elle lit. Isaïe : Ecce Virgo concipiet et pariet... « Voici que la vierge concevra et va enfanter un fils- » (Is 7,14). L'Esprit saint, le sang du coeur et l'eau de l'élémentaire, la lettre se rejoignent. Les trois - l'esprit, le sang et l'eau - ne font qu'un. Et ainsi le divin entre dans l'histoire humaine.
Or chaque fois que ces trois ne font qu'un - dans chaque acte de lecture complet - le divin rejoint la condition humaine. A la mort de ce fils de Marie le quatrième évangile décrit comment l'Esprit est livré, du haut de la croix, et comment de son côté ouvert par la lance, le sang et l'eau jaillirent. La vie au-delà de la mort se transmet.
Bien lire et se recueillir, c'est renaître, engendrer mais aussi mourir, s'abandonner jusqu'à l'extrême et transmettre ainsi la grande Vie.
Marie, désormais est au centre de la liturgie de l'Avent. Jusqu'au jour même de la naissance.
icône du signe nous regarde : la position des bras et des deux mains, en orante. Toute sa personne prie et supplie. Mais au milieu de l'icône, comme un foyer de feu et de lumière, il y a l'Enfant imberbe qui bénit. Les mains de la mère et les mains du Fils se complètent et disent le tout de la prière : être béni par l'Enfant Dieu-avec-nous et supplier avec la mère, Marie. Icône-miroir de l'Église en prière en ces derniers jours. Regardez et contemplez. Devenir, chacun de nous, un temple, une maison où habite notre Dieu. Dans le silence, dans l'intimité, dans le secret de nos maisons humbles et domestiques. Acculés par le Covid 19 et les mesures gouvernementales à retrouver le temple secret de notre foyer familial et à y célébrer Noël tout autrement. L'église pendant des siècles n'avait pas des temples autres que la maison, une table et ce qui pouvait se réunir autour d'une table. Voilà le module ancien que nous pouvons redécouvrir aujourd'hui foyer par foyer, à deux ou trois, en nous souvenant des paroles mêmes du Maître- « Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, Je suis au milieu de vous ».
- « Dans l'une ou l'autre maison ils firent la fraction du pain », lit-on au début des Actes des Apôtres
- « Qui garde ma Parole, mon Père l'aimera, nous viendrons à lui et nous ferons chez lui notre demeure ».
La « maison pour Dieu » que David voulait construire, Dieu la construit chez toi qui gardes sa parole.
Soyons avec Marie des femmes et des hommes de prière, redécouvrons la maison évangélique où par l'humble acquiescement naît l'événement de ce que nous appelons avec un nom énorme : l'incarnation. Réalisons enfin de nouveau pleinement la dignité sacerdotale de notre baptême. Que ces images commentées nous servent de miroir spirituel. L'eau, le sang et l'Esprit en se rejoignant en nous, créent du neuf, du divin au coeur de notre histoire éprouvée. Voilà ce que promet d'être de façon insoupçonnée Noël 2020.
« Joie au ciel, exulte la terre », « paix aux humains qui accueillent la bienveillance divine ». AMEN.
Le roi David habitait enfin dans sa maison. Le Seigneur lui avait accordé la tranquillité en le délivrant de tous les ennemis qui l'entouraient. Le roi dit alors au prophète Nathan : « Regarde ! J'habite dans une maison de cèdre, et l'arche de Dieu habite sous un abri de toile ! » Nathan répondit au roi : « Tout ce que tu as l'intention de faire, fais-le, car le Seigneur est avec toi. » Mais, cette nuit-là, la parole du Seigneur fut adressée à Nathan : « Va dire à mon serviteur David : Ainsi parle le Seigneur : Est-ce toi qui me bâtiras une maison pour que j'y habite ? C'est moi qui t'ai pris au pâturage, derrière le troupeau, pour que tu sois le chef de mon peuple Israël. J'ai été avec toi partout où tu es allé, j'ai abattu devant toi tous tes ennemis. Je t'ai fait un nom aussi grand que celui des plus grands de la terre. Je fixerai en ce lieu mon peuple Israël, je l'y planterai, il s'y établira et ne tremblera plus, et les méchants ne viendront plus l'humilier, comme ils l'ont fait autrefois, depuis le jour où j'ai institué des juges pour conduire mon peuple Israël. Oui, je t'ai accordé la tranquillité en te délivrant de tous tes ennemis.
Le Seigneur t'annonce qu'il te fera lui-même une maison. Quand tes jours seront accomplis et que tu reposeras auprès de tes pères, je te susciterai dans ta descendance un successeur, qui naîtra de toi, et je rendrai stable sa royauté. Moi, je serai pour lui un père ; et lui sera pour moi un fils. Ta maison et ta royauté subsisteront toujours devant moi, ton trône sera stable pour toujours. »
- Parole du Seigneur.
2 S 7, 1-5.8b-12.14a.16
L'amour du Seigneur, sans fin je le chante ; ta fidélité, je l'annonce d'âge en âge. Je le dis : C'est un amour bâti pour toujours ; ta fidélité est plus stable que les cieux.
« Avec mon élu, j'ai fait une alliance, j'ai juré à David, mon serviteur : J'établirai ta dynastie pour toujours, je te bâtis un trône pour la suite des âges.
« Il me dira : Tu es mon Père, mon Dieu, mon roc et mon salut ! Sans fin je lui garderai mon amour, mon alliance avec lui sera fidèle. »
88 (89), 2-3, 4-5, 27.29
Frères, à Celui qui peut vous rendre forts selon mon Évangile qui proclame Jésus Christ : révélation d'un mystère gardé depuis toujours dans le silence, mystère maintenant manifesté au moyen des écrits prophétiques, selon l'ordre du Dieu éternel, mystère porté à la connaissance de toutes les nations pour les amener à l'obéissance de la foi, à Celui qui est le seul sage, Dieu, par Jésus Christ, à lui la gloire pour les siècles. Amen.
- Parole du Seigneur.
Rm 16, 25-27
En ce temps-là, l'ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth, à une jeune fille vierge, accordée en mariage à un homme de la maison de David, appelé Joseph ; et le nom de la jeune fille était Marie. L'ange entra chez elle et dit : « Je te salue, Comblée-de-grâce, le Seigneur est avec toi. » À cette parole, elle fut toute bouleversée, et elle se demandait ce que pouvait signifier cette salutation. L'ange lui dit alors : « Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils ; tu lui donneras le nom de Jésus. Il sera grand, il sera appelé Fils du Très-Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n'aura pas de fin. » Marie dit à l'ange : « Comment cela va-t-il se faire, puisque je ne connais pas d'homme ? » L'ange lui répondit : « L'Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c'est pourquoi celui qui va naître sera saint, il sera appelé Fils de Dieu. Or voici que, dans sa vieillesse, Élisabeth, ta parente, a conçu, elle aussi, un fils et en est à son sixième mois, alors qu'on l'appelait la femme stérile. Car rien n'est impossible à Dieu. » Marie dit alors : « Voici la servante du Seigneur ; que tout m'advienne selon ta parole. » Alors l'ange la quitta.
- Acclamons la Parole de Dieu.
Lc 1, 26-38