Une homélie de fr.
Au milieu de cette célébration, entre deux chants, prenons le temps pour méditer sur le mystère de Noël, pour y puiser la vraie joie.
Je partirai d'une remarque anodine : nous avons un beau tableau de la Nativité, mais certains m'ont dit leur étonnement : pourquoi le peintre n'a-t-il pas représenté ce que raconte l'évangéliste ? Il a représenté le petit Jésus tout nu et couché sur le sol, alors que l'évangile nous dit qu'il était « emmailloté et couché dans une mangeoire ». De fait, même si le style de ce tableau est assez réaliste, l'artiste n'a pas voulu représenter l'évènement concret, mais le mystère de l'incarnation, l'abaissement radical du Fils de Dieu venu partager notre sort sur notre terre. Il nous invite ainsi à ne pas limiter notre attention aux faits historiques, mais à y découvrir leur signification profonde.
Ces deux niveaux, historique et symbolique (ou théologique) sont toujours présents dans les évangiles, et en particulier dans les premiers chapitres. Nous y sommes tour à tour témoins de la gloire céleste et de la situation concrète des personnes, plutôt misérable.
À l'Annonciation, un ange apparait et parle de Jésus qui « sera grand et sera appelé le Fils du Très Haut. Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il règnera pour toujours sur la famille de Jacob, et son règne n'aura pas de fin. » Et puis, en réalité, quand Marie met au monde ce Jésus, « elle l'emmaillota et le déposa dans une mangeoire, parce qu'il n'y avait pas de place à l'hôtellerie »...
Ensuite, encore 'un ange du Seigneur' se présente aux bergers pour annoncer : « Il vous est né aujourd'hui dans la ville de David un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur. » et « l'armée céleste en masse chante les louanges de Dieu : 'Gloire à Dieu au plus haut des cieux-' » Mais quand les bergers vont jusqu'à Bethléhem, « ils trouvèrent Marie, Joseph et le nouveau-né couché dans la mangeoire ».
Que signifient ces contrastes ? Pourquoi toutes ces incohérences ? L'évangéliste n'aurait-il pas dû un peu mieux harmoniser son récit ?
Mes soeurs, mes frères, ces apparentes contradictions évoquent très bien la situation e notre foi. Il s'agit de tenir ensemble des réalités qui semblent s'exclure. Car enfin, nous sommes des hommes et des femmes intelligents, nous savons utiliser notre esprit critique quand il le faut. À la maison, au travail, nous exigeons la vérité rigoureuse Nous ne nous laissons pas raconter des histoires. Et puis, quand nous allons à l'église, on nous demande d'accepter tous ces merveilleux récits, ces histoires fantastiques.
Comment tenir tout ça ensemble ?
Les chrétiens devraient-ils mener une double vie ?
De façon plus ou moins consciente ou avouée, nous sommes tous habités par de telles questions.
Pratiquement nous devons affronter deux risques, deux dérives.
Certains parmi les chrétiens (ou une partie de nous-mêmes) s'agrippent farouchement et aveuglément à tout ce qui leur a été enseigné, parce qu'ils ont peur qu'en remettant en question un seul point, tout va se détricoter. Mieux vaut ne pas trop soulever de questions- Il y a ainsi de grands intellectuels qui ont une foi de charbonnier.
D'autres chrétiens (ou une partie de nous-mêmes) remettent effectivement en question l'un ou l'autre dogme, l'un, et puis l'autre. Et ils finissent par se découvrir un jour complétement agnostiques, — des agnostiques pratiquants.
Oui, d'une façon ou d'une autre, nous sommes tous pris dans ce dilemme.
Alors, en pareils cas, nous faisons bien de revenir à l'Évangile. Il nous pose beaucoup de questions, mais, si nous le regardons de plus près, il nous apporte aussi des réponses.
Vous avez entendu, à la fin de la lecture de l'évangile : « Quant à Marie, elle gardait ensemble tous ces évènements et les méditait dans son coeur. » Elle 'gardait ensemble', dans un dialogue intérieur, tout ce qu'elle avait vécu. J'aime bien ce verbe 'garder ensemble' : ce n'est pas tout mélanger dans une nouvelle synthèse, ni opposer l'un et l'autre, mais les laisser agir ensemble, peu à peu. Et il est encore écrit que Marie 'méditait' ces évènements dans son coeur, c'est à dire : elle les baignait de silence pour laisser venir l'essentiel.
Mes frères, mes soeurs, dans cette démarche de la Vierge Marie nous avons une indication précieuse pour 'tenir ensemble' tous les éléments de l'Évangile qui nous semblent parfois incompatibles et contradictoires. Sans les isoler dans notre tête et notre esprit critique, ce qui aboutit à les dessécher. Sans non plus les figer entre les poings de notre volonté pour n'en rien perdre, ce qui aboutit aussi à les dévitaliser. Mais en les méditant dans notre coeur.
Si, au cours de cette belle nuit, je vous ai tenu jusqu'ici un discours un peu austère sur la crise de la foi, c'est parce que, pour l'affronter, nous sommes invités à contempler les mystères, et surtout celui de Noël, en les méditant dans notre coeur, comme Marie. Et c'est là que nous trouvons la vraie joie de Noël.
C'est dans le coeur, et pratiquement dans la prière, que nous pouvons trouver la cohérence que nous cherchons entre les exigences de notre vie quotidienne et les appels de l'Évangile. Toutes les dimensions de la réalité nous sont alors présentes, celles, mystérieuses, du monde surnaturel, et celles, banales, de notre vie personnelle ou familiale ; elles sont toutes en harmonie devant Dieu, et sources de prière, de supplication ou de louange. Nous dépassons ainsi les tensions et contradictions, parce que, dans la prière du coeur, il est possible d'être tout à fait honnête, intellectuellement, et tout à fait engagé à la suite de Jésus. En notre coeur s'apaise alors dans une volonté unifiée. Il est lui-même unifié. Un coeur unifié. C'est ce que nous demandons au Seigneur dans un psaume : « Unifie mon coeur pour qu'il t'adore ! »
Oui, mes amis, ce que nous célébrons aujourd'hui, le mystère de l'union de Dieu avec l'homme (l'incarnation), l'union du ciel et de la terre, ne se comprend vraiment que dans un coeur unifié. Il faut en faire l'expérience concrète, peu à peu. Il faut du temps pour s'y accorder, et il faut constamment s'y remettre. Mais c'est le coeur de notre vraie vie.
En tout cas, à la source de la joie évangélique, il y a cette unification de notre coeur, cette simplicité retrouvée dans la contemplation de l'enfant Jésus emmailloté et couché dans une mangeoire. Car non seulement sa simplicité nous délivre de beaucoup de complications et retours sur nous-mêmes en unifiant notre coeur, mais elle nous invite aussi à unir nos coeurs dans une prière unanime et un partage sincère. Dans cette joie, nous prions maintenant pour « tous les humains que Dieu aime » et nous partageons un même pain.
Le roi David habitait enfin dans sa maison. Le Seigneur lui avait accordé la tranquillité en le délivrant de tous les ennemis qui l'entouraient. Le roi dit alors au prophète Nathan : « Regarde ! J'habite dans une maison de cèdre, et l'arche de Dieu habite sous un abri de toile ! » Nathan répondit au roi : « Tout ce que tu as l'intention de faire, fais-le, car le Seigneur est avec toi. » Mais, cette nuit-là, la parole du Seigneur fut adressée à Nathan : « Va dire à mon serviteur David : Ainsi parle le Seigneur : Est-ce toi qui me bâtiras une maison pour que j'y habite ? C'est moi qui t'ai pris au pâturage, derrière le troupeau, pour que tu sois le chef de mon peuple Israël. J'ai été avec toi partout où tu es allé, j'ai abattu devant toi tous tes ennemis. Je t'ai fait un nom aussi grand que celui des plus grands de la terre. Je fixerai en ce lieu mon peuple Israël, je l'y planterai, il s'y établira et ne tremblera plus, et les méchants ne viendront plus l'humilier, comme ils l'ont fait autrefois, depuis le jour où j'ai institué des juges pour conduire mon peuple Israël. Oui, je t'ai accordé la tranquillité en te délivrant de tous tes ennemis.
Le Seigneur t'annonce qu'il te fera lui-même une maison. Quand tes jours seront accomplis et que tu reposeras auprès de tes pères, je te susciterai dans ta descendance un successeur, qui naîtra de toi, et je rendrai stable sa royauté. Moi, je serai pour lui un père ; et lui sera pour moi un fils. Ta maison et ta royauté subsisteront toujours devant moi, ton trône sera stable pour toujours. »
- Parole du Seigneur.
2 S 7, 1-5.8b-12.14a.16
L'amour du Seigneur, sans fin je le chante ; ta fidélité, je l'annonce d'âge en âge. Je le dis : C'est un amour bâti pour toujours ; ta fidélité est plus stable que les cieux.
« Avec mon élu, j'ai fait une alliance, j'ai juré à David, mon serviteur : J'établirai ta dynastie pour toujours, je te bâtis un trône pour la suite des âges.
« Il me dira : Tu es mon Père, mon Dieu, mon roc et mon salut ! Sans fin je lui garderai mon amour, mon alliance avec lui sera fidèle. »
88 (89), 2-3, 4-5, 27.29
En ce temps-là, à la naissance de Jean Baptiste, Zacharie, son père, fut rempli d'Esprit Saint et prononça ces paroles prophétiques : « Béni soit le Seigneur, le Dieu d'Israël, qui visite et rachète son peuple. Il a fait surgir la force qui nous sauve dans la maison de David, son serviteur, comme il l'avait dit par la bouche des saints, par ses prophètes, depuis les temps anciens : salut qui nous arrache à l'ennemi, à la main de tous nos oppresseurs, amour qu'il montre envers nos pères, mémoire de son alliance sainte ; serment juré à notre père Abraham de nous rendre sans crainte, afin que, délivrés de la main des ennemis, nous le servions dans la justice et la sainteté, en sa présence, tout au long de nos jours.
Toi aussi, petit enfant, tu seras appelé prophète du Très-Haut ; tu marcheras devant, à la face du Seigneur, et tu prépareras ses chemins, pour donner à son peuple de connaître le salut par la rémission de ses péchés, grâce à la tendresse, à l'amour de notre Dieu, quand nous visite l'astre d'en haut, pour illuminer ceux qui habitent les ténèbres et l'ombre de la mort, pour conduire nos pas au chemin de la paix. »
- Acclamons la Parole de Dieu.
Lc 1, 67-79