Une homélie de fr.
« Louez le Seigneur, tous les peuples. Fêtez-le tous les pays !
Car son amour envers nous s'est montré le plus fort.
Eternelle est la fidélité du Seigneur ! » (Ps 117)
Bien chers frères et soeurs, bienvenue à vous tous en ce dimanche ensoleillé ! Le psaume que je viens de réciter est le psaume le plus court de tous ! 2 versets ! Et il invite à louer Dieu en « tous les pays », « tous les peuples » ! Quelle vision large ! Or c'est un petit peuple, rassemblé sur un territoire minuscule de 40 km sur 40 km environ, qui a crié ce poème ! Ouvrons-nous au plus large. Le grand carré n'a pas d'angles, dit un proverbe chinois. Ouvrons nos esprits, nos coeurs, nos mains, notre accueil des autres, à la largesse de Notre Dieu qui veut la fête, une fête pour tous, une fête inclusive à l'absolu. Commençons par nous tourner, comme d'habitude, vers la croix, vers ce Christ aux bras largement écartés, porté par les quatre animaux des quatre évangélistes, et qui est descendu au plus bas, aux enfers pour y retirer d'un coup Adam et Eve, nos proto-parents et qui est monté au plus haut, comme roi et seigneur de la gloire. Invoquons-le, supplions-le : Viens nous ouvrir à la largeur et à la profondeur et à la hauteur de tout ton amour. Kyrie eleison.
Homélie
Chers frères et soeurs.
Nous l'avons entendu: une grande fête se prépare. Des prophètes, des visionnaires, nous l'on décrite : on viendra de partout, il y aura des vins exquis, des mets les plus raffinés, « un grand sacrifice d'action de grâces sera célébré sur ma sainte montagne », dit le Seigneur Dieu ! Des pèlerins monteront des quatre coins du monde. Sophonie, cet autre prophète de ce pèlerinage universel, déclare : « Plus d'arrogants qui se pavanent sur ma colline, il ne restera qu'un peuple de pauvres, des pèlerins humbles qui marcheront épaule contre épaule, sous une seule épaule ! » Quelle image remarquable : on se soutient, on « s'épaule » comme on dit, nul ne domine plus, nul n'écrase qui que ce soit ! Quelle vision ! Et cela date de plus de cinq cents ans avant notre ère ! Tout le psautier connaît ce rythme interne de la marche, quand on les relit dans l'ordre : on monte, on loue, on rend grâce et on se retrouve dans une communauté toujours plus large, où jeunes gens et jeunes filles dansent ensemble avec les vieillards, où les montagnes et les collines, la mer et ce qu'elle contient, baleines et bêtes sauvages, cèdres et palmiers battent des mains et louent le nom de Dieu. Mêmes les anges entrent dans la fête : la terre crie : « Louez le Seigneur, vous aussi, depuis les cieux ! », et eux d'en haut disent : « Et vous de la terre, louez le Seigneur ! » Les deux choeurs cherchent à s'harmoniser ici et maintenant, dans notre liturgie actuelle !
Il y a dans nos Ecritures un remarquable élan, une dynamique souvent oubliée et qu'on peut traduire, comme un discernement fait par les amis de Dieu : « Dieu veut la fête ! » Et celle-ci est prévue depuis la fondation du monde ! Jésus lui-même, avec sa conscience d'être le prophète de la fin, le prophète de l'ultime, avec qui s'ouvre le Règne de Dieu au coeur de l'histoire, venue à son terme, connaît cette fête. Il la rappelle aujourd'hui même : « On viendra du levant et du couchant, du nord et du midi, prendre place, avec Abraham et tous les prophètes, au festin, dans le Royaume de Dieu ». Et il s'y réfère si souvent par ses gestes d'invitation à la table, avec Zachée, le publicain, avec le fils prodigue, et son frère qui se bloque devant la porte et refuse d'entrer. Il témoigne à tous les coups de sa conviction intime : « Ne fallait-il pas faire la fête ? » Et il nous interpelle personnellement : « Qui d'entre vous, s'il retrouve sa brebis perdue, ne va-t-il pas la porter sur ses épaules tout joyeux, et, arrivé à la maison, inviter voisins et amis pour faire la fête ? Criant à tous : Réjouissez-vous avec moi ! Car ma brebis perdue est retrouvée ! » « Qui d'entre vous d'ailleurs- » Il suppose que chacun d'entre nous a encore une telle logique de la fête au fond de ses entrailles et qu'il réagirait de la même façon !
Chers frères et soeurs, chers amis, interrogeons-nous : vit-elle encore au fond de notre coeur cette attente et espérance de la fête ? Dieu veut la fête, mais nous, voulons-nous encore la fête de Dieu ? Demain soir je me retrouverai au coeur de l'Italie, en plein désarroi politique- Quelle vision nous habite, dans toute notre Europe, interpellés que nous sommes par ceux qui viennent de l'Orient et du midi ?
« Venez manger de mon pain, boire à ma coupe, la table est dressée, tout est prêt ». Ce sont des mots de la Bible, des prophètes, des sages, et de Jésus lui-même. A son dernier repas parmi nous, repas grave, tragique à bien des égards, il signifie sa mort dans le pain rompu, et par la coupe qu'il fait circuler, puis il ajoute : « Je ne boirai plus du fruit de la vigne - il annonce un jeûne, il annonce sa mort - jusqu'à ce que je le boive nouveau avec vous dans le Royaume de Dieu ! » Il garde immanquablement le cap sur la fête, le Royaume, boire et manger avec vous !
Et la question se pose tout de même : Avec qui ? avec tous ? Qui en sera exclu ? Notre vie bien concrète se joue avec des sympathies et des antipathies, des inclus et des exclus, des préférences et des refus, on le voit depuis le plus jeune âge, entre enfants déjà. La vision biblique de la fête s'éloigne alors de notre réalité vécue, à moins de travailler à notre communion entre frères et soeurs, entre amis communs du même ami Jésus. Interrogeons-nous : si dans le fond de mon coeur j'exclue qui que ce soit, ne suis-je pas en train de m'exclure moi-même de la fête finale, me rendant indigne de cette fête ? [Sophrony : Si quelqu'un estime qu'un frère ou une soeur n'est pas à sa place ici, qu'il ait la délicatesse de s'en aller le premier »] Ne dramatisons jamais nos rixes, nos conflits de tendances et d'opinions, car la conséquence pourrait bien être que nous-mêmes serions exclus du banquet messianique final ! J'aime le réflexe du saint Sir Thomas More, avant qu'on lui retranche la tête à l'échafaud. Il demande au bourreau de respecter sa barbe. Et il prie pour tous, également pour le roi qui a décidé de sa mort, qu'ils puissent se retrouver un jour ensemble à la même table, au banquet dans le Royaume. Et il rappelle ce qui est actuellement le cas, dit-il : Etienne lapidé et Saul qui donnait sa pleine adhésion à ce meurtre, sont aujourd'hui ensemble communiant à la même table !
Il s'agira de passer par la porte étroite, dit encore l'évangile, avec un étrange sagesse. Certains Pères de l'Eglise ont lu ce mot en y voyant la croix, la porte très étroite que le Christ lui-même a traversée pour entrer dans le royaume. L'icône de la croix dans sa verticalité montre jusqu'où Jésus est allée par cette voie, jusqu'aux enfers et jusque dans la gloire divine. Julienne de Norwich, voyant le Christ en croix, est invitée par celui-ci à porter son regard sur la plaie, à entrer, à pénétrer l'ouverture étroite que la lance du soldat a porté dans son côté. « Viens voir, lui dit le Christ, je te montrerai ». Et que voit-elle dans cet espace étroit, restreint ? Une immense salle de fête illuminée, dans laquelle se trouve réunis des hommes et des femmes de toutes générations, depuis le début de l'humanité. Elle a vu - comme une grâce unique - ce que Dieu veut et ce vers qui nous marchons. Et, dit-elle, cela m'a été montré pour vous tous, comme réconfort, comme perspective de joie, comme promesse d'un bonheur éternel pour nous tous.
Marchons ensemble vers cette fête de lumière, pauvres et humbles, sous une seul épaule, en communion avec toute l'humanité en souffrances, en gestation pour qu'advienne le Royaume annoncé par Jésus. L'eucharistie est chaque fois une anticipation de cette fête, en attente de la grande Fête, « jusqu'à ce qu'il vienne ».
Ainsi parle le Seigneur : connaissant leurs actions et leurs pensées, moi, je viens rassembler toutes les nations, de toute langue. Elles viendront et verront ma gloire : je mettrai chez elles un signe ! Et, du milieu d'elles, j'enverrai des rescapés vers les nations les plus éloignées, vers les îles lointaines qui n'ont rien entendu de ma renommée, qui n'ont pas vu ma gloire ; ma gloire, ces rescapés l'annonceront parmi les nations. Et, de toutes les nations, ils ramèneront tous vos frères, en offrande au Seigneur, sur des chevaux et des chariots, en litière, à dos de mulets et de dromadaires, jusqu'à ma montagne sainte, à Jérusalem, - dit le Seigneur. On les portera comme l'offrande qu'apportent les fils d'Israël, dans des vases purs, à la maison du Seigneur. Je prendrai même des prêtres et des lévites parmi eux, - dit le Seigneur.
- Parole du Seigneur.
Is 66, 18-21
Louez le Seigneur, tous les peuples ; fêtez-le, tous les pays !
Son amour envers nous s'est montré le plus fort ; éternelle est la fidélité du Seigneur !
Ps 116 (117), 1, 2
Frères, vous avez oublié cette parole de réconfort, qui vous est adressée comme à des fils : Mon fils, ne néglige pas les leçons du Seigneur, ne te décourage pas quand il te fait des reproches. Quand le Seigneur aime quelqu'un, il lui donne de bonnes leçons ; il corrige tous ceux qu'il accueille comme ses fils. Ce que vous endurez est une leçon. Dieu se comporte envers vous comme envers des fils ; et quel est le fils auquel son père ne donne pas des leçons ? Quand on vient de recevoir une leçon, on n'éprouve pas de la joie mais plutôt de la tristesse. Mais plus tard, quand on s'est repris grâce à la leçon, celle-ci produit un fruit de paix et de justice. C'est pourquoi, redressez les mains inertes et les genoux qui fléchissent, et rendez droits pour vos pieds les sentiers tortueux. Ainsi, celui qui boite ne se fera pas d'entorse ; bien plus, il sera guéri.
- Parole du Seigneur.
He 12, 5-7.11-13
En ce temps-là, tandis qu'il faisait route vers Jérusalem, Jésus traversait villes et villages en enseignant. Quelqu'un lui demanda : « Seigneur, n'y a-t-il que peu de gens qui soient sauvés ? » Jésus leur dit : « Efforcez-vous d'entrer par la porte étroite, car, je vous le déclare, beaucoup chercheront à entrer et n'y parviendront pas. Lorsque le maître de maison se sera levé pour fermer la porte, si vous, du dehors, vous vous mettez à frapper à la porte, en disant : ?Seigneur, ouvre-nous', il vous répondra : ?Je ne sais pas d'où vous êtes.' Alors vous vous mettrez à dire : ?Nous avons mangé et bu en ta présence, et tu as enseigné sur nos places.' Il vous répondra : ?Je ne sais pas d'où vous êtes. Éloignez-vous de moi, vous tous qui commettez l'injustice.' Là, il y aura des pleurs et des grincements de dents, quand vous verrez Abraham, Isaac et Jacob, et tous les prophètes dans le royaume de Dieu, et que vous-mêmes, vous serez jetés dehors. Alors on viendra de l'orient et de l'occident, du nord et du midi, prendre place au festin dans le royaume de Dieu. Oui, il y a des derniers qui seront premiers, et des premiers qui seront derniers. »
- Acclamons la Parole de Dieu.
Lc 13, 22-30