Homélie du 10 fevrier 2019

Laissant tout, ils le suivirent

Dimanche, 5ème Semaine du Temps Ordinaire - Année C

Une homélie de fr. Yves de patoul

Les 4 premiers dimanches de l'année liturgique étaient consacrés à la présentation de la personne de Jésus : son baptême, l'annonce d'un flot de vin nouveau ; la prédication inaugurale à Nazareth qui se termine mal : la Bonne Nouvelle n'est pas bien accueillie par tous. D'où la nécessité de former des disciples qui vont perpétuer la mission du Fils.

Pour évoquer cela, l'évangéliste Luc a choisi un récit de pêche miraculeuse que saint Jean, lui, a placé dans son évangile après la résurrection : rappelez-vous les 153 gros poissons tirés sur le rivage dans un filet qui ne se déchira pas. Dans les deux récits, c'est l'apôtre Pierre (Simon) qui est au coeur de l'action, en ce sens que c'est lui qui est sollicité par Jésus, c'est lui aussi qui est mis à l'honneur après avoir confessé sa foi. On pourrait dire qu'il est mis au centre par Jésus lui-même.

Rappelons-nous les faits. Jésus est au bord du lac de Génésareth, il est en train d'enseigner une foule qui l'entoure. Pour se faire bien entendre, il voudrait s'éloigner de la rive et il réquisitionne une barque qu'il aperçoit près de lui. Comme par hasard, cette barque appartient à Simon-Pierre, lequel est en train de laver ses filets avec lesquels il a péché toute la nuit sans avoir rien pris. Deux événements vont se succéder : d'abord Jésus, assis dans la barque de Pierre continue d'enseigner la foule. Et, quand il a fini, il demande à Simon-Pierre de s'éloigner en eau profonde. Et c'est là qu'il va opérer le miracle de la pêche miraculeuse. Jésus donne l'ordre à Pierre (Il avait donc pris place à ses côtés) de « jeter les filets pour prendre des poissons ». Pierre et ses compagnons commencent par objecter : ça ne sert à rien ! le poisson ne mord pas ou bien il ne veut pas entrer dans nos filets ! Mais, par obéissance aveugle à Jésus, leur Maître, ils le font ; ils jettent donc leurs filets en eau profonde et ils ramassent une telle quantité de poissons, petits et gros, que leurs filets se déchirent. Il faut l'aide de ceux qui étaient montés dans la deuxième barque.

La suite du récit ne concerne plus que Simon-Pierre, mais nous apprendrons en finale du récit que tous vont suivre le Christ : en tout cas Pierre, Jacques et Jean, les trois Apôtres qui seront avec Jésus sur la montagne de la Transfiguration. Terminons le parcours : à la vue de l'énorme quantité de poissons qu'ils avaient prise, Simon-Pierre est pris d'un coup de foudre pour Jésus : « Seigneur, éloigne-toi de moi car je suis un homme pécheur. L'effroi l'avait saisi, lui et ses compagnons, devant la quantité de poissons qu'ils avaient prise » Qu'à cela ne tienne, lui répond Jésus : « Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu prendras ».

Dans un récit de pêche miraculeuse, l'évangéliste combine plusieurs thématiques : Jésus enseigne, il appelle ses premiers disciples, il leur montre en même temps la mission principale qu'ils devront toujours avoir en tête : prendre des hommes, le plus possible, en les enseignant inlassablement. La pêche miraculeuse contient d'ailleurs en elle-même un enseignement : pour Dieu tout est possible, à la condition que les hommes veuillent collaborer, et qu'ils travaillent ensemble.

Et c'est cet enseignement qu'il nous reste à développer. Tout l'intérêt du récit est dans ce constat d'échec : « nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre ». Oui, tant d'échecs jalonnent notre existence : dans notre couple, dans notre famille où tel enfant a mal tourné, dans notre vie professionnelle qui a connu des flops inattendus, dans notre vie sentimentale ou affective où nous avons l'impression de ne pas être aimé ou tout simplement reconnu. Nous avons dû encore subir des épreuves lourdes : le décès de notre conjoint, de nos meilleurs amis ; le bête accident, la maladie, le handicap nous ont ébranlés. Tous ces événements nous ont découragé à coup sûr. C'est sur ce fond embrumé que nous entendons Jésus nous dire « Jetez les filets pour prendre des poissons ». J'ai observé que le texte passe du singulier au pluriel quand il s'agit des filets qu'il faut jeter. Vv. 5-6 : « Maître, nous avons peiné toute la nuit ; mais sur ton ordre, je vais jeter les filets » « Ils le firent et ils prirent une telle quantité de poissons que leurs filets se déchiraient ». Dans ma préparation j'ai lu cette interprétation-ci que je trouve très pertinente: le véritable miracle n'est pas tant que les filets soient remplis à craquer, mais que sur la parole du Christ, Pierre ait accepté de faire confiance, d'avancer en eau profonde et de recommencer à pêcher. Si nous avons compris cette subtilité, nous avons tout compris et nous pouvons oublier tout le reste.

Cette petite prière monte à nos esprits : ' Seigneur, sur ta parole je vais reprendre courage, je mettrai toutes mes énergies et tous mes talents à ta disposition sur le plan familial, éducatif, culturel, politique, économique, afin d'apporter ma petite contribution à notre monde contemporain' Tant de contrariétés menacent notre paix intérieure ; nous sommes si vite découragés par des affaires qui nous scient les côtes, qui nous empêchent de continuer notre route, pensons-nous. Seule la foi en Jésus Christ peut nous sauver de ces mauvaises passes.

Croyons que Jésus peut opérer un miracle en nous et sur sa parole 'jetons les filets' non pas pour notre intérêt personnel, notre mieux-être, mais pour le royaume de Dieu. Cette différence me paraît importante pour que nous ne leurrions pas. La finalité du miracle que Jésus opère c'est bien de montrer à Pierre que sa pêche sera désormais des âmes pour le royaume de Dieu. « Désormais ce sont des hommes que tu prendras » Il en est de même pour tous les miracles : ils montrent la puissance de Dieu, non pas celle de l'homme.

Les exemples d'Isaïe le prophète et de Paul le grand orateur nous confortent dans cette voie : Dieu a besoin de nous pour étendre son royaume à tous les hommes. Pierre, Paul et Jacques doivent avancer en eau profonde, ils doivent jeter les filets pour prendre un grand nombre de poissons et les ramener sur le rivage, que les filets se déchirent ou pas, que les poissons soient petits ou gros.

 

Me voici : envoie-moi !

L'année de la mort du roi Ozias, je vis le Seigneur qui siégeait sur un trône très élevé ; les pans de son manteau remplissaient le Temple. Des séraphins se tenaient au-dessus de lui. Ils se criaient l'un à l'autre : « Saint ! Saint ! Saint, le Seigneur de l'univers ! Toute la terre est remplie de sa gloire. » Les pivots des portes se mirent à trembler à la voix de celui qui criait, et le Temple se remplissait de fumée. Je dis alors : « Malheur à moi ! je suis perdu, car je suis un homme aux lèvres impures, j'habite au milieu d'un peuple aux lèvres impures : et mes yeux ont vu le Roi, le Seigneur de l'univers ! » L'un des séraphins vola vers moi, tenant un charbon brûlant qu'il avait pris avec des pinces sur l'autel. Il l'approcha de ma bouche et dit : « Ceci a touché tes lèvres, et maintenant ta faute est enlevée, ton péché est pardonné. » J'entendis alors la voix du Seigneur qui disait : « Qui enverrai-je ? qui sera notre messager ? » Et j'ai répondu : « Me voici : envoie-moi ! »

- Parole du Seigneur.

Is 6, 1-2a.3-8

De tout mon c?ur, Seigneur, je te rends grâce : tu as entendu les paroles de ma bouche. Je te chante en présence des anges, vers ton temple sacré, je me prosterne.

Je rends grâce à ton nom pour ton amour et ta vérité, car tu élèves, au-dessus de tout, ton nom et ta parole. Le jour où tu répondis à mon appel, tu fis grandir en mon âme la force.

Tous les rois de la terre te rendent grâce quand ils entendent les paroles de ta bouche. Ils chantent les chemins du Seigneur : « Qu'elle est grande, la gloire du Seigneur ! »

Ta droite me rend vainqueur. Le Seigneur fait tout pour moi ! Seigneur, éternel est ton amour : n'arrête pas l'?uvre de tes mains.

Ps 137 (138), 1-2a, 2bc-3, 4-5, 7c-8

Voilà ce que nous proclamons, voilà ce que vous croyez

Frères, avant tout, je vous ai transmis ceci, que j'ai moi-même reçu : le Christ est mort pour nos péchés conformément aux Écritures, et il fut mis au tombeau ; il est ressuscité le troisième jour conformément aux Écritures, il est apparu à Pierre, puis aux Douze ; ensuite il est apparu à plus de cinq cents frères à la fois - la plupart sont encore vivants, et quelques-uns sont endormis dans la mort -, ensuite il est apparu à Jacques, puis à tous les Apôtres. Et en tout dernier lieu, il est même apparu à l'avorton que je suis.

Bref, qu'il s'agisse de moi ou des autres, voilà ce que nous proclamons, voilà ce que vous croyez.

- Parole du Seigneur.

1 Co 15, 3-8.11

Laissant tout, ils le suivirent

En ce temps-là, la foule se pressait autour de Jésus pour écouter la parole de Dieu, tandis qu'il se tenait au bord du lac de Génésareth. Il vit deux barques qui se trouvaient au bord du lac ; les pêcheurs en étaient descendus et lavaient leurs filets. Jésus monta dans une des barques qui appartenait à Simon, et lui demanda de s'écarter un peu du rivage. Puis il s'assit et, de la barque, il enseignait les foules. Quand il eut fini de parler, il dit à Simon : « Avance au large, et jetez vos filets pour la pêche. » Simon lui répondit : « Maître, nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre ; mais, sur ta parole, je vais jeter les filets. » Et l'ayant fait, ils capturèrent une telle quantité de poissons que leurs filets allaient se déchirer. Ils firent signe à leurs compagnons de l'autre barque de venir les aider. Ceux-ci vinrent, et ils remplirent les deux barques, à tel point qu'elles enfonçaient. à cette vue, Simon-Pierre tomba aux genoux de Jésus, en disant : « Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur. » En effet, un grand effroi l'avait saisi, lui et tous ceux qui étaient avec lui, devant la quantité de poissons qu'ils avaient pêchés ; et de même Jacques et Jean, fils de Zébédée, les associés de Simon. Jésus dit à Simon : « Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu prendras. » Alors ils ramenèrent les barques au rivage et, laissant tout, ils le suivirent.

- Acclamons la Parole de Dieu.

Lc 5, 1-11