Homélie du 27 août 2017

Je te donnerai les clés du royaume des Cieux

21ème dimanche du Temps Ordinaire - Année A

Une homélie de fr. Dieudonné Dufrasne

Pour vous, nous demande Jésus, qui suis-je ? Ce n'est pas moi qui ai choisi cette question, assez redoutable faut-il le dire ! En fait, rappelez-vous : la liturgie de cette année, appelée l'Année A, nous fait réentendre au fil des dimanches la quasi entièreté de l'évangile de saint Matthieu depuis le premier dimanche de l'Avent en novembre 2016 jusqu'au 26 novembre de cette année 2017.

Dès lors, la page d'évangile de chaque dimanche n'est pas choisie selon l'état d'âme du prêtre-célébrant, ni selon les événements politiques locaux ou mondiaux du moment. Heureusement d'ailleurs, car nous serions vite lassés par la répétition des mêmes heurs et malheurs de la vie de notre planète, « tant qu'il y aura des hommes »-

Ce n'est dès lors pas nous qui venons à la messe pour poser nos questions à Dieu, mais c'est Dieu qui nous donne rendez-vous à la messe pour nous poser ses questions à Lui. Et ces questions sont les bonnes puisqu'elles furent posées et restent posées pour son divin Fils, Jésus, qui s'est fait homme et qui a tout connu de notre condition humaine, avec ses petitesses et ses grandeurs, ses fatigues et ses étonnantes énergies.

Ainsi en ce dimanche, semblable à bien d'autres,nous voici venus nous exposer à la Parole du Christ Jésus. Et c'est bien de nous qu'il s'agit et non plus des disciples d'il y a 2000 ans, qui furent ce qu'ils furent personnellement, et la réponse de Pierre a été la sienne, et ils eurent, tous les douze, l'occasion de trois ans de coexistence avec Jésus pour lui donner une réponse personnelle à la question.

Aujourd'hui ici, c'est à chacun(e) de nous que la question du Christ Jésus est posée : « Pour toi, qui suis-je ? ». Mais notre recherche dans cette méditation est d'imaginer quel a été autrefois et quel est aujourd'hui le ton de la voix avec lequel Jésus a posé et pose cette question.

Et nous sommes encouragés à imaginer le ton de la voix de Jésus, en ceci qu'il commence par leur demander ce que les gens, la foule, pensent et disent de lui. Et ici, j'imagine fort bien que le ton de sa voix est plutôt enjoué avec un léger sourire au coin des lèvres : « Allez, n'ayez pas peur, dites-moi bien tout. ». Et on imagine l'embarras des disciples : « Oh Seigneur, on les entend toutes : pour certains, tu serais Jean-Baptiste, pour d'autres, l'un ou l'autre prophète ressuscité. Et on en passe ! ». Les disciples auraient-ils déjà succombé à la tentation moderne des sondages, curieux de connaître l'opinion publique sur la notoriété de Jésus, sa crédibilité, sur les hésitations de se fier à cet illustre inconnu sorti du lointain Nazareth, ses propos tout en béatitudes- des rêves quoi - ? Ne serions-nous pas nous-mêmes parfois tentés de fouiner dans les librairies religieuses à la recherche de livres récents abordant des hypothèses nouvelles sur le lointain personnage Jésus ? Mais le Christ Jésus de notre Baptême nous dit : Laissez ce qu'on pense et dit de moi. « Pour vous personnellement, qui suis-je ? ». Jésus n'a pas besoin non plus d'une réponse de catéchisme, ni de ce que les grands Conciles ont laborieusement déclaré dans le Credo :

« Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu, né du Père avant tous les siècles. Il est Dieu, né de Dieu, lumière née de la lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu. Engendré, non pas créé, de même nature que le Père, et par lui tout a été fait ».

Non, n'est-ce pas ? Ca ne colle pas avec notre conviction selon laquelle la foi chrétienne est une religion d'amour. Et on aime, non pas avec son cerveau, mais avec le coeur, dans le coeur, par le coeur. La Foi est une affaire de coeur entre moi et le Christ Jésus. Et dès lors, le Jésus qui me questionne est d'abord prudent : « pour toi, qui suis-je ? ». En d'autres termes : « suis-je quelqu'un d'important dans ta vie ? » Il voudrait aller plus loin et me demander : « m'aimes-tu ? car je ne t'appelle plus serviteur, mais ami. Veux-tu dès lors accueillir l'offrande de mon amitié ? ». Mais il me laisse le temps de la réponse. Jésus a attendu trois ans lorsque, ressuscité, il rencontre Pierre au bord de la mer de Tibériade, pour ne plus craindre la question décisive : « Pierre, m'aimes-tu ? »

Nous sommes ici en présence de l'incroyable mystère du Fils de Dieu, mendiant d'amitié, quémandeur de tendresse. Une mendicité qui au fil des années en compagnie de Jésus se révèle être réciproque, car j'ai autant besoin de l'amitié de Jésus qu'il a besoin de la mienne, et dès lors, cette commune mendicité, loin d'être humiliante, nous ennoblit mutuellement.

Et cette commune noblesse entre le Christ et moi, cachée dans le secret de nos coeurs, bien loin de nous isoler, imprime toutes nos relations, entre les conjoints, entre les parents et enfants, entre les amis, entre moi et le mendiant qui frappe à ma porte, quémandeur de pain, de logis, de reconnaissance.

Soyons dès lors toujours conscients que Dieu nous a faits pour cela, pour goûter une vie de bonheur entre nous, avec nos frères et soeurs en humanité, dans un large partage d'amour, de bienveillance et de tendresse.

En ouvrant sa Règle, saint Benoît pose la question qui est en fait une invitation chaleureuse : « Quel est celui qui désire vivre intensément et connaître des jours heureux ? ». Que notre amitié entre les moines et vous, nos fidèles compagnons, soit notre raison de vivre et d'espérer.

 

Je mettrai sur mon épaule la clef de la maison de David

Parole du Seigneur adressé à Shebna le gouverneur : « Je vais te chasser de ton poste, t'expulser de ta place. Et, ce jour-là, j'appellerai mon serviteur, Éliakim, fils d'Helcias. Je le revêtirai de ta tunique, je le ceindrai de ton écharpe, je lui remettrai tes pouvoirs : il sera un père pour les habitants de Jérusalem et pour la maison de Juda. Je mettrai sur son épaule la clef de la maison de David : s'il ouvre, personne ne fermera ; s'il ferme, personne n'ouvrira. Je le planterai comme une cheville dans un endroit solide ; il sera un trône de gloire pour la maison de son père. »

- Parole du Seigneur.

Is 22, 19-23

De tout mon c?ur, Seigneur, je te rends grâce : tu as entendu les paroles de ma bouche. Je te chante en présence des anges, vers ton temple sacré, je me prosterne.

Je rends grâce à ton nom pour ton amour et ta vérité, car tu élèves, au-dessus de tout, ton nom et ta parole. Le jour où tu répondis à mon appel, tu fis grandir en mon âme la force.

Si haut que soit le Seigneur, il voit le plus humble. de loin, il reconnaît l'orgueilleux. Seigneur, éternel est ton amour : n'arrête pas l'?uvre de tes mains.

Ps 137 (138), 1-2a, 2bc-3, 6.8bc

Tout est de lui, et par lui, et pour lui

Quelle profondeur dans la richesse, la sagesse et la connaissance de Dieu ! Ses décisions sont insondables, ses chemins sont impénétrables ! Qui a connu la pensée du Seigneur ? Qui a été son conseiller ? Qui lui a donné en premier, et mériterait de recevoir en retour ? Car tout est de lui, et par lui, et pour lui. À lui la gloire pour l'éternité ! Amen.

- Parole du Seigneur.

Rm 11, 33-36

Je te donnerai les clés du royaume des Cieux

En ce temps-là, Jésus, arrivé dans la région de Césarée-de-Philippe, demandait à ses disciples : « Au dire des gens, qui est le Fils de l'homme ? » Ils répondirent : « Pour les uns, Jean le Baptiste ; pour d'autres, Élie ; pour d'autres encore, Jérémie ou l'un des prophètes. » Jésus leur demanda : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » Alors Simon-Pierre prit la parole et dit : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! » Prenant la parole à son tour, Jésus lui dit : « Heureux es-tu, Simon fils de Yonas : ce n'est pas la chair et le sang qui t'ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux. Et moi, je te le déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l'emportera pas sur elle. Je te donnerai les clés du royaume des Cieux : tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux. » Alors, il ordonna aux disciples de ne dire à personne que c'était lui le Christ.

- Acclamons la Parole de Dieu.

Mt 16, 13-20