Homélie du 27 novembre 2022

Veillez pour être prêts

1er Dimanche de l'Avent - Année A

Une homélie de fr. Pierre de Béthune

Homélie :
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Chaque année, au moment où nous entrons résolument dans l'hiver, la liturgie nous crie : «  Réveillez-vous, tenez-vous prêts, car le Seigneur vient. Il ne faut pas dormir quand il approche  ». Nous serions en effet tentés, en ce moment, de nous garder bien au chaud, d'oublier, autant que possible, les soucis, de repasser éventuellement les beaux souvenirs de l'été, en attendant le printemps. Mais la liturgie nous dit : « L'heure est venue de sortir de votre sommeil.  Bougez-vous ! Allez au-devant du Seigneur qui vient... N'attendez pas qu'il vienne : allez à sa rencontre comme pour un ami, car sa venue est certaine, mais on ne sait pas quand. Veillez donc !  »

Mes frères, mes sœurs, tel est langage de la liturgie. Nous le chantons volontiers. Mais, après l'avoir chanté, il nous faut aussi nous demander à quoi cela correspond dans notre vie quotidienne et à quelle vie cela nous appelle.

Attendre, veiller, espérer, accueillir, nous savons bien de quoi il s'agit. Mais ce temps de l'Avent qui ravive notre prière nous permet d'encore apprendre à beaucoup mieux veiller et à espérer plus profondément, quand nous nous laissons conduire par l'esprit de Jésus, tel que nous le voyons dans l'évangile. Il nous découvre toujours de nouvelles façons de veiller, de plus belles façons de vivre.

Parce que, en réalité, il n'est pas si évident de veiller. Nous accomplissons la plupart de nos gestes et de nos tâches de façon automatique et plus ou moins inconsciente, à force de toujours les répéter. Mais l'évangile peut alors nous aider, en particulier pour nos tâches en faveur de nos frères et sœurs. Il nous rappelle que ceux sur lesquels nous veillons sont infiniment respectables, parce qu'enfants de Dieu. Comme le dit Jésus, «  ce que vous avez fait au plus petit d'entre les miens, c'est à moi que vous l'avez fait  ». Quand donc nous réalisons qu'il y a en chacun de nos frères et sœurs «  un peu de Dieu  », comme le disait Etty Hillesum, alors nous pouvons les traiter avec une infinie douceur.

J'ai été très frappé lors des funérailles d'une résidente du FARRA (la résidence de handicapés profonds située ici, au bout de l'avenue), célébrée dans cette chapelle, mardi dernier. De nombreux patients ont participé à cette célébration, entourés par un nombre presque égal d'aides-soignants. J'ai vu comment, tout au long de cette célébration, ceux-ci veillaient avec grande attention et même tendresse sur ces personnes souffrantes. On ne comprenait finalement pas grand-chose de la liturgie, à cause des cris, du bruit et des mouvements, mais la participation de tous était intense. J'ai mieux compris alors ce que signifiait veiller, to watch, en anglais, c'est à dire regarder, et répondre directement, communier enfin, avec ce que demande un enfant, un malade, - ou toute autre personne. Nous pouvons toujours apprendre à mieux veiller ainsi sur nos proches, avec soin, oui, amoureusement.

C'est ainsi que Jésus regardait autour de lui, et répondait autant qu'il le pouvait, aux attentes des gens qu'il rencontrait. Attendre. C'est aussi devenu difficile aujourd'hui. Nous n'en avons plus l'habitude, parce qu'on a tout fait pour nous éviter de devoir attendre. Et quand il le faut malgré tout, nous le vivons comme une malchance, une injustice...

Or attendre, esperar, en espagnol, c'est aussi espérer. Encore une démarche qui devient difficile aujourd'hui, quand nous entendons tant de nouvelles alarmantes sur l'avenir : qu'espérer encore dans notre monde en souffrance ? Bien sûr, il nous faut être réalistes et conscients, mais sans tomber dans la sinistrose qui démobilise. Pour mieux espérer, commençons donc par notre vie concrète. Pour cela, souvenons-nous d'une attente encore plus fondamentale, celle d'une mère qui attend un enfant. C'est le cœur même de l'espérance : savoir qu'il est là, et cependant il n'est pas encore là ; il faut tout faire pour préparer sa venue. En ce sens nous pouvons tous découvrir qu'il y a bien des invitations à espérer dans notre vie de tous les jours, à commencer par espérer en ceux avec lesquels nous vivons ! Il y a une façon évangélique de poser un regard sur un frère, une sœur, un enfant, en discernant ce qu'il y a déjà de beau et de bon en eux, parfois à leur insu. Oui, il y a une façon de regarder quelqu'un qui peut même le libérer d'une peur qui le paralyse, pour lui donner le goût d'aller plus loin, parce que nous sommes parfois mieux placés pour discerner toutes les possibilités latentes en lui. Et c'est une chance qui nous est aussi donnée à chacun de nous, parfois, - nous nous en souvenons, - quand nous recevons ainsi des autres cette espérance en nous, qui mobilise alors le meilleur de nos possibilités.

Les lectures de ce dimanche, en particulier l'évangile, nous rappellent enfin, avec des images apocalyptiques, que nous devons être prêts. Prêts, attentifs, équipés pour aller à la rencontre du Fils de l'homme, celui qui vient. Prêts, éveillés et accueillants pour l'inconnu. Je vois là une dernière invitation caractéristique de ce temps de l'Avent, de préparation à Noël. De dimanche en dimanche, et en toutes les lectures prévues pour les jours de la semaine, l'horizon s'ouvre de plus en plus.

En contrepoint au souci pour des rencontres interpersonnelles, il y a cet appel à regarder le vaste monde qui nous entoure, pour y apporter un peu de paix et de réconciliation. Il semble qu'en certains pays on transforme plutôt les faucilles en lances et les socs de charrue en épées. Mais là où nous sommes, il y a des appels à transformer des situations conflictuelles en opportunités de nouvelles rencontres. Nous sommes constamment invités à changer, et à apporter la paix, en ouvrant davantage notre horizon. En remontant dans le temps, pour nous remémorer toute l'histoire sainte de l'humanité, toutes les interventions du Seigneur, la façon dont il a constamment renouvelé son Alliance avec l'humanité, et en regardant devant nous, pour préparer la venue du Royaume, ce temps de l'Avent est une chance qui nous est donnée pour ouvrir tout à fait nos yeux et dilater notre cœur.

Si alors nous devenons ne fût-ce qu'un peu plus capables de discerner les signes du temps et les appels à voir les germes de vie en toutes circonstances, nous serons aussi un peu plus capables de veiller comme les bergers de la campagne de Bethlehem, d'entendre la Bonne Nouvelle, d'accueillir la grande joie promise et de discerner dans l'enfant emmailloté et couché dans une mangeoire le Fils éternel de notre Dieu et Père, qui est béni pour les siècles. Amen.

 

Le Seigneur rassemble toutes les nations dans la paix éternelle du royaume de Dieu

Parole d'Isaïe, - ce qu'il a vu au sujet de Juda et de Jérusalem.

Il arrivera dans les derniers jours que la montagne de la maison du Seigneur se tiendra plus haut que les monts, s'élèvera au-dessus des collines. Vers elle afflueront toutes les nations et viendront des peuples nombreux. Ils diront : « Venez ! montons à la montagne du Seigneur, à la maison du Dieu de Jacob ! Qu'il nous enseigne ses chemins, et nous irons par ses sentiers. » Oui, la loi sortira de Sion, et de Jérusalem, la parole du Seigneur.

Il sera juge entre les nations et l'arbitre de peuples nombreux. De leurs épées, ils forgeront des socs, et de leurs lances, des faucilles. Jamais nation contre nation ne lèvera l'épée ; ils n'apprendront plus la guerre.

Venez, maison de Jacob ! Marchons à la lumière du Seigneur.

- Parole du Seigneur.

Is 2, 1-5

Quelle joie quand on m'a dit : « Nous irons à la maison du Seigneur ! » Maintenant notre marche prend fin devant tes portes, Jérusalem !

Jérusalem, te voici dans tes murs : ville où tout ensemble ne fait qu'un ! C'est là que montent les tribus, les tribus du Seigneur.

C'est là qu'Israël doit rendre grâce au nom du Seigneur. C'est là le siège du droit, le siège de la maison de David.

Appelez le bonheur sur Jérusalem : « Paix à ceux qui t'aiment ! Que la paix règne dans tes murs, le bonheur dans tes palais ! »

À cause de mes frères et de mes proches, je dirai : « Paix sur toi ! » À cause de la maison du Seigneur notre Dieu, je désire ton bien.

Ps 121 (122), 1-2, 3-4ab, 4cd-5, 6-7, 8-9

Le salut est plus près de nous

Frères, vous le savez : c'est le moment, l'heure est déjà venue de sortir de votre sommeil. Car le salut est plus près de nous maintenant qu'à l'époque où nous sommes devenus croyants. La nuit est bientôt finie, le jour est tout proche. Rejetons les ?uvres des ténèbres, revêtons-nous des armes de la lumière. Conduisons-nous honnêtement, comme on le fait en plein jour, sans orgies ni beuveries, sans luxure ni débauches, sans rivalité ni jalousie, mais revêtez-vous du Seigneur Jésus Christ.

- Parole du Seigneur.

Rm 13, 11-14a

Veillez pour être prêts

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Comme il en fut aux jours de Noé, ainsi en sera-t-il lors de la venue du Fils de l'homme. En ces jours-là, avant le déluge, on mangeait et on buvait, on prenait femme et on prenait mari, jusqu'au jour où Noé entra dans l'arche ; les gens ne se sont doutés de rien, jusqu'à ce que survienne le déluge qui les a tous engloutis : telle sera aussi la venue du Fils de l'homme. Alors deux hommes seront aux champs : l'un sera pris, l'autre laissé. Deux femmes seront au moulin en train de moudre : l'une sera prise, l'autre laissée. Veillez donc, car vous ne savez pas quel jour votre Seigneur vient. Comprenez-le bien : si le maître de maison avait su à quelle heure de la nuit le voleur viendrait, il aurait veillé et n'aurait pas laissé percer le mur de sa maison. Tenez-vous donc prêts, vous aussi : c'est à l'heure où vous n'y penserez pas que le Fils de l'homme viendra. »

- Acclamons la Parole de Dieu.

Mt 24, 37-44