Homélie du 15 mai 2022

 Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres 

5ème Dimanche de Pâques - Année C

Une homélie de fr. Benoît Standaert

Homélie :
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Bienvenue à vous tous, chers amis, en ce cinquième dimanche de Pâques. Cette année, en ce 15 mai, plusieurs canonisations sont au programme à Rome même : parmi eux le frère Charles de Foucauld - «  frère universel  » qui a inspiré des milliers et des milliers d'âmes à reprendre sa belle prière d'abandon «  Mon Père, je m'abandonne à toi... J'accepte tout, pourvu que ta volonté se fasse en moi, en toutes tes créatures...  ».

Parmi eux il y a aussi le Père Carme Titus Brandsma, penseur, mystique et journaliste, sacrifié pour sa liberté de parole dans les camps à Dachau en 1942.

Un homme canonisé est comme une étoile qui s'approche de nous et vient nous accompagner dans notre nuit au cœur de nos histoires souvent opaques. Laissons-nous éclairer par le rappel de leur vie et de leurs écrits. Laissons le Dieu qui est lumière et qui est amour, révélé en Jésus, nous visiter par leurs témoignages. Invoquons avec joie celui que nous venons d'acclamer : Chantons alléluia ! Christ est vainqueur de la mort ! Qu'il nous accorde sa force de pardon et de paix en notre temps ! Laissons-nous asperger par l'eau qui dans la nuit pascale a été bénie et rappelle notre baptême, notre naissance à la vie nouvelle en Christ qui fait toutes choses nouvelles.

Homélie

Au cours des sept semaines du temps pascal on parcourt deux livres de façon parallèle. Le livre des Actes des Apôtres et le livre de l'Apocalypse de Jean. Chacun des deux livres jette un regard sur l'Église. Les Actes relisent l'histoire de l'Église naissante par en bas, tandis que l'Apocalypse garde la porte ouverte sur le ciel et relit notre réalité éclairée par en haut, en nous invitant à contempler ce vers quoi nous marchons au-delà de la fin de tout.

Les Actes sont un grand récit de voyage. Aujourd'hui on apprend comment s'achève le premier voyage missionnaire de Paul et de Barnabé. Ils repassent par les communautés fondées et encouragent chacun, leur donnant aussi un enseignement central : «  Il nous faut passer par bien des épreuves pour entrer dans le Royaume de Dieu  ». Ce mot rappelle irrésistiblement ce que Jésus expliquait aux disciples d'Emmaüs : «  Il faut que le Messie passe par bien des souffrances pour entrer dans sa gloire  ». Chaque fois qu'on trouve dans nos écrits cet «  il faut  », on peut songer aux Ecritures - Moïse, Isaïe, les Psaumes. C'est selon les Ecritures qu'il faut ainsi passer par bien des épreuves. Or ces Ecritures contiennent rien de moins que le dessein de Dieu, sa volonté pour chacun de nous. Jésus aux disciples d'Emmaüs confirme ce qu'il dit en parcourant les trois parties des Ecritures, la Loi de Moïse, les Prophètes et tous les Ecrits.

Paul et Barnabé mettent aussi en place des structures pour chaque communauté, en désignant des Anciens. Puis tout est confié au Seigneur, la clef de voûte de toute communauté. Luc, le narrateur, conclut en montrant qu'il y a parfaite synergie entre la grâce de Dieu et l'engagement humain. Tous, à Antioche, rendent grâces à Dieu pour cette porte de la foi qui s'est ouverte aux nations païennes.

Beaucoup d'entre nous planifient déjà maintenant des voyages pour cet été. Ce récit de Luc nous offre un miroir. Allons-nous rencontrer non seulement des lions et des éléphants en safari au Kénya ou en Afrique du Sud, mais aussi des communautés chrétiennes locales et découvrir leur manière de vivre l'évangile de Jésus ? On peut s'informer avant de partir sur les structures ecclésiales existantes. Toute rencontre de ce genre est source d'une joie incomparable.

La deuxième lecture de ce dimanche nous projette dans une vision contemplative assez extraordinaire. Le Livre de l'Apocalypse n'est pas seulement le livre des catastrophes interminables qui s'accumulent de chapitre en chapitre. Il y a un au-delà de tout, une nouveauté qui sera merveilleuse, sans vieillissement. En grec notre mot qui dit «  nouveau  » existe en deux termes distincts : neos et kainos. Le neos concerne un renouvellement occasionnel qui peut toutefois se perdre et de nouveau on aura besoin d'une réparation. Le kainos est un nouveau définitif, parfait, sans usure :

«  Voici que je fais toutes choses nouvelles  » (kaina poiô panta).

dans une beauté et une perfection que rien ne pourra enfreindre. Nous marchons vers cette demeure où Dieu habite avec les hommes, essuie toute larme de leurs yeux, dans une alliance éternelle. «  Ils seront son peuple et lui sera Dieu-avec-eux à jamais  ». «  La cité nouvelle descend des cieux comme une fiancée parée pour son époux !  » Tout ce qu'il y a de plus beau est cristallisé dans cet oracle visionnaire en finale de l'Apocalypse. Ce livre a été considéré par bien des commentateurs comme un grand traité de l'espérance. Le «  voici que je fais toutes choses nouvelles » est à l'œuvre dès maintenant. C'est le sens de nos réunions dominicales, et tout particulièrement de nos célébrations eucharistiques.

L'évangile de ce jour, si bref soit-il, le confirme en profondeur. Deux termes clefs surgissent en même temps : la gloire comme acte qui transforme tout et l'amour. C'est là une des belles intuitions du théologien du quatrième évangile : qui aime glorifie. Jésus est aimé et glorifié par Dieu. Il invite tous à vivre cette gloire participée en aimant. Il s'agit là d'un «  commandement nouveau  », définitif, ultime, qui se renouvelle sans cesse et ne vieillit donc jamais.

Méditons en nos cœurs cette intuition majeure : qui aime, glorifie. Or l'acte supposé dans l'amour comme dans la gloire, est porté par l'Esprit saint. «  C'est lui qui me glorifiera  », dira Jésus un peu plus loin dans ses entretiens avec ses disciples. Dans la mort de Jésus sur la croix, Jean voit un seul acte où le Fils glorifie par amour le Père et où le Père glorifie le Fils en le faisant partager la gloire qui était la sienne avant la création du monde. Il n'y a qu'un seul acte d'amour réciproque entre le Père et le Fils qui se consume au moment où Jésus se donne jusqu'à la fin, et cet acte est l'Esprit saint en personne. Chaque fois que nous prenons le pain et accomplissons la fraction, nous rendons présent cet amour jusqu'au bout et en communiant nous accueillons ensemble et chacun pour soi cet amour nouveau qui n'a pas de fin.

Chers amis, vivons avec une vision pleine d'espérance : «  Voici que je fais toutes choses nouvelles  ». Vivons en considérant les exemples d'église vivante autour et en face de nous, comme dans la vie des saints qui aujourd'hui, à cette heure-ci, sont canonisés. Vivons avec une créativité toujours nouvelle l'amour premier qui passe par bien des épreuves pour entrer dans la plénitude du Royaume de Dieu, où tout est gloire sur gloire.

Et rappelons-nous - en ce jour de nouvelles canonisations - la sagesse de rabbi Shousha. Il disait à ses disciples avant de mourir : «  Quand j'arriverai devant le Juge on ne me demandera pas : Pourquoi n'as-tu pas été comme Moïse, le plus grand des prophètes, ni pourquoi n'as-tu pas été comme Esdras, le plus grand des scribes ? On me dira : 'Shousha, Shousha, pourquoi n'as-tu pas été Shousha ?'  »

 

Ayant réuni l'Église, ils rapportèrent tout ce que Dieu avait fait avec eux

En ces jours-là, Paul et Barnabé, retournèrent à Lystres, à Iconium et à Antioche de Pisidie ; ils affermissaient le courage des disciples ; ils les exhortaient à persévérer dans la foi, en disant : « Il nous faut passer par bien des épreuves pour entrer dans le royaume de Dieu. » Ils désignèrent des Anciens pour chacune de leurs Églises et, après avoir prié et jeûné, ils confièrent au Seigneur ces hommes qui avaient mis leur foi en lui. Ils traversèrent la Pisidie et se rendirent en Pamphylie. Après avoir annoncé la Parole aux gens de Pergé, ils descendirent au port d'Attalia, et s'embarquèrent pour Antioche de Syrie, d'où ils étaient partis ; c'est là qu'ils avaient été remis à la grâce de Dieu pour l'?uvre qu'ils avaient accomplie. Une fois arrivés, ayant réuni l'Église, ils rapportèrent tout ce que Dieu avait fait avec eux, et comment il avait ouvert aux nations la porte de la foi.

- Parole du Seigneur.

Ac 14, 21b-27

Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d'amour ; la bonté du Seigneur est pour tous, sa tendresse, pour toutes ses ?uvres.

Que tes ?uvres, Seigneur, te rendent grâce et que tes fidèles te bénissent ! Ils diront la gloire de ton règne, ils parleront de tes exploits.

Ils annonceront aux hommes tes exploits, la gloire et l'éclat de ton règne : ton règne, un règne éternel, ton empire, pour les âges des âges.

Ps 144 (145), 8-9, 10-11, 12-13ab

Il essuiera toute larme de leurs yeux

Moi, Jean, j'ai vu un ciel nouveau et une terre nouvelle, car le premier ciel et la première terre s'en étaient allés et, de mer, il n'y en a plus. Et la Ville sainte, la Jérusalem nouvelle, je l'ai vue qui descendait du ciel, d'auprès de Dieu, prête pour les noces, comme une épouse parée pour son mari. Et j'entendis une voix forte qui venait du Trône. Elle disait : « Voici la demeure de Dieu avec les hommes ; il demeurera avec eux, et ils seront ses peuples, et lui-même, Dieu avec eux, sera leur Dieu. Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n'y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur : ce qui était en premier s'en est allé. » Alors celui qui siégeait sur le Trône déclara : « Voici que je fais toutes choses nouvelles. »

- Parole du Seigneur.

Ap 21, 1-5a

Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres

Au cours du dernier repas que Jésus prenait avec ses disciples, quand Judas fut sorti du cénacle, Jésus déclara : « Maintenant le Fils de l'homme est glorifié, et Dieu est glorifié en lui. Si Dieu est glorifié en lui, Dieu aussi le glorifiera ; et il le glorifiera bientôt.

Petits enfants, c'est pour peu de temps encore que je suis avec vous. Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l'amour les uns pour les autres. »

- Acclamons la Parole de Dieu.

Jn 13, 31-33a.34-35